Alexandre Blok – Trois poèmes

Petites-nouvelles-russes - Edvard Munch - Amor und Psyche 1907
Edvard Munch - Amor und Psyche, 1907

Александр Блок - Alexandre Blok

 

Три стихотворения - Trois poèmes­

Voici trois poèmes d'Alexandre Blok (Александр Александрович Блок) 1880-1921, qui expriment sa vision 'existentielle' et pessimiste de l'amour et de la vie...

Предчу́вствую Тебя - Je Te pressens déjà

(1901)

И тя́жкий сон жите́йского созна́нья
Ты отряхнёшь, тоску́я и любя́.

Владимир Соловьёв

Séparateur 3

Vous vous secouerez du lourd sommeil
De la conscience du quotidien
En soupirant et en aimant.

Vladimir Soloviev

Предчу́вствую Тебя́. Года́ прохо́дят ми́мо —
Всё в о́блике одно́м предчу́вствую Тебя́.

Весь горизо́нт в огне́ — и я́сен нестерпи́мо,
И мо́лча жду, — тоску́я и любя́.

Весь горизо́нт в огне́, и бли́зко появле́нье,
Но стра́шно мне: изме́нишь о́блик Ты,

И де́рзкое возбу́дишь подозре́нье,
Смени́в в конце́ привы́чные черты́.

О, как паду́ — и го́рестно, и ни́зко,
Не одоле́в смерте́льные мечты́!

Как я́сен горизо́нт! И лучеза́рность бли́зко.
Но стра́шно мне: изме́нишь о́блик Ты.

Séparateur 3

Je Te pressens déjà. Les années passent -
Et tout entièrement, je Te pressens déjà.

Tout l'horizon est en feu et d'une clarté insupportable,
Et j'attends silencieux, soupirant et aimant.

Tout l'horizon est en feu, bientôt Tu vas paraître,
Mais j’ai peur : Tu changeras d'apparence,

Et Tu éveilleras en moi un soupçon provoquant,
Ayant finalement changé tes traits qui me sont familiers.

Oh, comme je sombrerai alors - triste et misérable,
N’ayant pu surmonter ces rêves mortifères !

Comme l'horizon est clair ! L’aurore éclatante est si proche.
Mais j’ai peur : Tu changeras d'apparence.

Ecouter une autre traduction du poème, de Jean-Louis Backès (extrait du recueil ‘Cantiques de la belle dame’, 1992). (Lecture : Christophe Brault) : 'Je sens que tu es proche'.

***

Ночь, у́лица, фона́рь, апте́ка…

Nuit, rue, réverbère, pharmacie…

(1912)

Ночь, у́лица, фона́рь, апте́ка,
Бессмы́сленный и ту́склый свет.
Живи́ ещё хоть че́тверть ве́ка -
Всё бу́дет так. Исхо́да нет.

Умрёшь - начнёшь опя́ть снача́ла
И повтори́тся всё, как встарь:
Ночь, ледяна́я рябь кана́ла,
Апте́ка, у́лица, фона́рь.

Séparateur 3

Nuit, rue, réverbère, pharmacie,
Lumière blafarde et insensée.
Même si tu vis un quart de siècle encore,
Tout restera toujours pareil. Sans issue.

Tu mourras puis tu recommenceras tout du début,
Et tout se répétera, comme auparavant :
Nuit, rides glacées sur le canal,
Pharmacie, rue, réverbère.

Poème extrait du cycle « Les danses de la mort »
(«Пля́ски сме́рти»)

***

Petites-nouvelles-russes - Василий Суриков, 1870
Vassily Sourikov (Василий Иванович Суриков), Vue du Monument à Pierre-le-Grand, 1870

Voici, enfin, un troisième poème d’Alexandre Blok qu’aurait pu déclamer, errant dans les rues de Leningrad, Youri Clarinette, le héros malheureux de la nouvelle dIlya Varchavsky ‘L’amour et le temps’ (Lire) .

Мне стра́шно с тобо́й встреча́ться…

J’ai peur d’aller à Ta rencontre…

(1902)

Мне стра́шно с Тобо́й встреча́ться.
Страшне́е Тебя́ не встреча́ть.
Я стал всему́ удивля́ться,
На всём улови́л печа́ть

По у́лице хо́дят те́ни,
Не пойму́ — живу́т, и́ли спят…
Прильну́в к церко́вной ступе́ни,
Бою́сь огляну́ться наза́д.

Кладу́т мне на пле́чи ру́ки,
Но я не по́мню имён.
В уша́х раздаю́тся зву́ки
Неда́вних больши́х похоро́н.

А хму́рое не́бо ни́зко —
Покры́ло и са́мый храм.
Я зна́ю — Ты здесь, Ты бли́зко.
Тебя́ здесь нет. Ты — там.

Séparateur 3

J’ai peur d’aller à Ta rencontre,
Mais plus encore de ne pas Te revoir.
Je commence à m’étonner de tout,
Et j’ai senti en tout la marque du destin.

Par les rues, des ombres s’avancent,
Assoupies ou vivantes — je ne sais.
Prosterné sur les marches de l’église,
Je crains de regarder en arrière.

Les mains de ces ombres sur mes épaules se posent,
Mais je ne me souviens plus d’aucun nom.
Dans mes oreilles résonne l’écho récent
Des grandes funérailles.

Si bas le ciel maussade
A recouvert le temple.
Je sais que Tu es là, que Tu es proche.
Mais Tu n’es pas ici. Tu es loin là-bas.

Poème extrait du cycle « Les danses de la mort »
(«Пля́ски сме́рти»)

Lire une autre traduction du poème d'Alexandre Blok J’ai peur d’aller à ta rencontre, par Pierre Léon, extrait du recueil ‘Le Monde terrible’, 2003.

Petites nouvelles russes - Poésie - Buste de Pouchkine

Statue d'Alexandre Pouchkine à St-Pétersbourg

Laisser un commentaire/Оставить комментарий

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *