Ivan Tourguéniev – Deux poèmes

Sur la route (В дороге), interprété par Oleg Pogoudine (Олег Погудин)

Ivan Tourguéniev - Иван Сергеевич Тургенев

(1818-1883)

Sur la route - В доро́ге

(1843)

Sur une musique attribuée à Erast Abaza (Эраст Агеевич Абаза)

У́тро тума́нное, у́тро седо́е,
Ни́вы печа́льные, сне́гом покры́тые,
Не́хотя вспо́мнишь и вре́мя было́е,
Вспо́мнишь и ли́ца, давно́ позабы́тые.

Вспо́мнишь оби́льные стра́стные ре́чи,
Взгля́ды, так жа́дно, так ро́бко лови́мые,
Пе́рвые встре́чи, после́дние встре́чи,
Ти́хого го́лоса зву́ки люби́мые.

Вспо́мнишь разлу́ку с улы́бкою стра́нной,
Мно́гое вспо́мнишь родно́е далёкое,
Слу́шая ро́кот колёс непреста́нный,
Гля́дя заду́мчиво в не́бо широ́кое.

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Matin brumeux, matin de grisaille argentée,
Campagne morose recouverte de neige,
Sans le vouloir tu te souviendras du passé,
Et des visages depuis longtemps oubliés.

Tu te rappelleras tous ces mots enflammés et envolés,
Ces regards, si avidement, si timidement saisis,
Les premières rencontres, les derniers instants,
Le son tant aimé de sa douce voix.

Avec un étrange sourire, tu te souviendras de la séparation,
De tout ce qui t’était très proche - si lointain à présent,
Et écoutant le grondement incessant des roues,
Ton regard se perdra dans l’étendue du ciel.

Ce poème datant de 1843 fut dédié par Tourguéniev à la compositrice et cantatrice française Pauline Garcia-Viardot (1821-1910), l’année de leur rencontre. Sa mise en musique, aux accents tziganes, attribuée à Erast Abaza (Эраст Агеевич Абаза) (1819-1855) - ou parfois ‘aux frères Abaza’ – contribua à sa popularité. Le nombre impressionnant d’interprétations de ce qui est aujourd’hui considéré comme une chanson du répertoire populaire est là pour en témoigner.

Ecouter, par exemple, le cachet particulier qu’en livra Vladimir Vyssotski :

Petites nouvelles russes - Ivan Tourguéniev et Pauline Viardot
Ivan Tourguéniev et Pauline Viardot

Quand je ne serai plus... - Когда́ меня́ не бу́дет...

(1878)

Когда́ меня́ не бу́дет, ко́гда всё, что бы́ло мно́ю, рассы́плется пра́хом, — о ты, мой един́ственный друг, о ты, кото́рую я люби́л так глубоко́ и так не́жно, ты, кото́рая наве́рно переживёшь меня́, — не ходи́ на мою́ моги́лу... Тебе́ там де́лать не́чего.

Не забыва́й меня́... но и не вспомина́й о́бо мне среди́ ежедне́вных забо́т, удово́льствий и нужд... Я не хочу́ меша́ть твое́й жи́зни, не хочу́ затрудня́ть её споко́йное тече́ние.

Но в часы́ уедине́ния, когда́ найдёт на тебя́ та засте́нчивая и беспричи́нная грусть, столь знако́мая до́брым сердца́м, возьми́ одну́ из на́ших люби́мых книг и отыщи́ в ней те страни́цы, те стро́ки, те слова́, от кото́рых, быва́ло, — по́мнишь? — у нас обо́их ра́зом выступа́ли сла́дкие и безмо́лвные слёзы.

Прочти́, закро́й глаза́ и протяни́ мне ру́ку... Отсу́тствующему дру́гу протяни́ ру́ку твою́.

Я не бу́ду в состоя́нии пожа́ть её мое́й руко́й — она́ бу́дет лежа́ть неподви́жно под землёю... но мне тепе́рь отра́дно ду́мать, что, быть мо́жет, ты на твое́й руке́ почу́вствуешь лёгкое прикоснове́ние.

И о́браз мой предста́нет тебе́ — и из-под закры́тых век твои́х глаз полью́тся слёзы, подо́бные тем слеза́м, кото́рые мы, умилённые Красото́ю, пролива́ли не́когда с тобо́ю вдвоём, о ты, мой еди́нственный друг, о ты, кото́рую я люби́л так глубоко́ и так не́жно!

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Quand je ne serai plus, quand tout ce qui était de moi tombera en poussière, – Ô toi, mon unique amie, Ô toi que j’aimais si profondément et si tendrement, toi qui, sans doute, me survivras, – ne va pas sur ma tombe… Tu n’as rien à y faire.

Ne m’oublie pas… mais ne te souviens pas de moi parmi tous les soucis, les petites choses du quotidien, les plaisirs… Je ne veux pas m’immiscer dans ta vie, je ne veux pas troubler son cours paisible.

Mais dans les heures de solitude, quand te saisira cette timide tristesse sans motif, si familière aux cœurs bons, alors prends un des livres que nous aimions et entr’ouvre ces pages, retrouve ces lignes, ces mots que souvent – t’en souviens-tu ? – nous-mêmes reprenions en pleurs silencieux et heureux.

Lis-les, ferme les yeux et tends-moi la main… Tends la main à ton ami absent.

La mienne ne pourra la saisir : elle reposera, inerte sous terre, mais j’ai aujourd’hui la consolation de penser que peut-être alors tu ressentiras sur la tienne son très léger contact.

Et mon image t’apparaîtra, et sous tes paupières fermées couleront des larmes, telles ces larmes qu’émus par la Beauté nous versions jadis tous les deux. Ô toi, mon unique amie, Ô toi que j’ai aimée si profondément et si tendrement.

Jamais publié du vivant de Tourguéniev, ce poème était probablement lui aussi destiné à Pauline Garcia-Viardot (1821-1910). Pour en savoir plus sur la profonde relation qui lia l’écrivain russe à cette femme, qui fut pendant près de quarante ans sa muse, écouter sur France-Musique : Pauline Viardot et Ivan Tourguéniev

En guise d'épilogue...

„И́бо вся́кая плоть – как трава́, и вся́кая сла́ва человече́ская – как цвет на траве́: засо́хла трава́, и цвет её опа́л ; но сло́во Го́сподне пребыва́ет вове́к...“ (Пётр 1.24)

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Car toute chair est comme l’herbe, et toute la gloire de l’homme est comme la fleur des champs : l’herbe se flétrit et la fleur se fane ; mais la parole du Seigneur demeure éternellement...’ (Pierre 1.24)

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