Les trains de Russie – Nikolaï Zabolotsky, A la gare

Les trains de Russie (4)
Nikolaï Zabolotsky – A la gare
1958
Николай Заболоцкий - На вокзале
Traduction : Anne Puyou
Nikolaï Zabolotsky – A la gare
interprété par Andreï Chlytchkov (Андрей Шлычков)
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В железном сумеречном зале,
Глотая паровозный дым,
Сидит Мадонна на вокзале
С ребёнком маленьким своим.
Вокруг неё кульки, баулы,
Дорожной жизни суета.
В блестящих бляхах вельзевулы
Тележку гонят в ворота.
На башне радио играет,
Гудок за окнами гудит,
И лишь она одна не знает,
Который час она сидит.
Который час ребёнка держит,
Который час! Который час!
Который час и дым и скрежет
С полузакрытых гонит глаз.
И сколько дней ещё придтся —
О, сколько дней! О, сколько дней!
Терпеть, пока не улыбнётся
Дитя у матери своей!
Над чёрной линией портала
Висит вечерняя звезда.
Несутся с Курского вокзала
По всей вселенной поезда.
Летят сквозь топи и туманы,
Сквозь перелески и пески,
И бьют им бездны в барабаны,
И рвут их пламя на куски.
И лишь на бедной той скамейке,
Превозмогая боль и страх,
Мадонна в шубке из цигейки
Молчит с ребёнком на руках.

Dans la salle bétonnée où tombe le soir,
Respirant des trains la fumée,
Une Madone est assise dans une gare
Son enfant à ses côtés.
Tout autour des malles, des baluchons,
L’agitation des voyages en train.
A leurs plaques de cuivre on distingue des démons
Qui poussent les chariots vers les portillons.
Sur la tour braille la station radio,
Derrière la verrière résonnent des signaux,
Mais elle seule ne sait pas
Depuis combien de temps elle est là.
Depuis combien de temps elle tient son enfant,
Depuis combien de temps ! Depuis combien de temps !
Depuis combien de temps de ses paupières fermées
Elle éloigne le bruit, la fumée.
Et combien de temps encore il lui faudra –
O, combien de temps !
Encore combien de temps !-
Attendre un sourire de l’enfant !
Au-dessus de la ligne du fronton
Scintille l’étoile du soir.
De la gare de Koursk les wagons
S’élancent dans l’immensité noire.
Ils volent, traversant les marais,
Les nuées les forêts les déserts,
Les abîmes martèlent leurs flancs,
Et les flammes les lacèrent.
Mais seule sur son méchant banc,
Refoulant la peur et la douleur,
La madone dans sa veste ouatinée
Serre son enfant et se tait.

Nikolaï Zabolotski (Николай Алексеевич Заболоцкий) (1903-1958), poète, écrivain pour enfants et traducteur, fut l'un des fondateurs du groupe d'avant-garde russe Oberiou ou « Association pour un art réel », héritier des futuristes et contemporain du Surréalisme.

