Nikolaï Oleïnikov – Poèmes d’amour et de désir

Nikolaï Oleïnikov - Николай Олейников
Poèmes d'amour et de désir
Стихи о любви и желании
traduits par Anne Puyou de Pouvourville,
extraits de l'ouvrage en édition bilingue 'Un poète fusillé',
paru chez Gallimard en 1996 - visitez
Всё погибнет, всё исчезнет
От бациллы до слона —
И любовь твоя, и песни,
И планеты, и луна.
Tout doit périr et disparaître
Du bacille jusqu’au lamantin
Ton amour, les chants et peut-être
La lune et les astres lointains.
Однажды красавица Вера...
Viéra la beauté
(1931 ?)
Récitant de la bibliothèque Bogolioubov
(Библиотека Боголюбова)
Однажды красавица Вера,
Одежды откинувши прочь,
Вдвоём со своим кавалером
До слёз хохотала всю ночь.
Действительно весело было!
Действительно было смешно!
А вьюга за форточкой выла,
И ветер стучался в окно.
Un jour, Viéra la beauté,
Ayant enlevé ses habits,
Et retrouvé son cavalier
Se tordit de rire toute la nuit.
Et c’est vrai que c’était gai !
Et c’était drôle, vraiment !
Mais dehors la tempête hurlait,
Aux carreaux se cognait le vent.
En amour, le plus souvent, Nikolaï Oleïnikov se met lui-même en scène sous les traits d’un Don Juan irrésistible, écartant tous ses rivaux à coup de traits d’esprit impitoyables et charmant ses conquêtes par le biais de déclarations d’amour enflammées et de poèmes aux dédicaces cocasses.
Oleïnikov, malicieusement, en profite aussi pafois pour se livrer à une dénonciation faussement puritaine et conformiste des excès sexuels...
Anne Puyou, traductrice*
Короткое объяснение в любви
Brève déclaration d’amour
(1928)
Récitant de la bibliothèque Bogolioubov
(Библиотека Боголюбова)
Тянется ужин.
Блещет бокал.
Пищей нагружен,
Я задремал.
Вижу: напротив
Дама сидит.
Прямо не дама,
А динамит!
Гладкая кожа.
Ест не спеша...
Боже мой, Боже,
Как хороша!
Я поднимаюсь
И говорю:
— Я извиняюсь,
Но я горю!
Le repas n’en finit pas.
Les coupes jettent des éclats.
Alourdi par la pitance,
Je cède à la somnolence.
En face de moi une dame
Est assise : je l’examine.
Non, ce n’est pas une dame,
Mais de la nitroglycérine !
Elle a une jolie peau.
Elle mange lentement…
Mon Dieu, Seigneur,
Quel spectacle charmant !
Je me redresse aussitôt
Et lui déclare alors :
-Je m’excuse, j’ai sans doute tort
Mais je brûle pour votre corps !

'Doux baiser de Vladivostok', toile de Thierry Naiglin - Visitez sur Facebook
Любовь - L'amour
(1927)
Пищит диванчик
Я с вами тут.
У нас романчик,
И вам капут.
Вы так боялись
Любить меня,
Сопротивлялись
В теченье дня.
Я ваши губки
Поцеловал,
Я ваши юбки
Пересчитал.
Их оказалось
Всего одна
Тут завязалась
Меж нами страсть
Но стало скучно
Мне через час,
Собственноручно
Прикрыл я вас
Мне надоело
Вас обнимать, —
Я начал смело
Отодвигать
Вы отвернулись,
Я замолчал,
Вы встрепенулись,
Я засыпал.
Потом под утро
Смотрел на вас:
Пропала пудра,
Закрылся глаз.
Вздохнул я страстно
И вас обнял,
И вновь ужасно
Диван дрожал.
Но это было
Уж не любовь!
Во мне бродила
Лишь просто кровь.
Ушел походкой
В сияньи дня.
Смотрели кротко
Вы на меня.
Вчера так крепко
Я вас любил,
Порвалась цепка,
Я вас забыл.
Любовь такая
Не для меня.
Она святая
Должна быть, да!
Le divan grince
Nous sommes dessus.
Pour vous j’en pince,
Vous êtes fichue.
Vous aviez si peur
De m’aimer,
Aviez lutté
Toute la journée.
Vos lèvres, je les
Ai embrassées,
Vos jupes, je les
Ai recomptées.
En tout j’en ai
Une seule trouvée
La passion nous
A rattrapés.
Une heure après
Je m’ennuyais,
J’ai recouvert
Votre corps entier.
J’en ai plein le dos
De vous aimer,-
Avec culot
Je m’écartai.
Le dos tourné
Vous tressailliez
Je n’ai rien dit
J’ai sommeillé.
Puis au matin
Vous ai toisée :
Plus de fond de teint
L’œil est fermé.
J’ai soupiré passionnément
Vous ai aimée
Et le divan a grincé
Horriblement.
Mais ce n’était
Pas de l’amour !
En moi brûlait
Un sang trop lourd.
Je suis sorti
Au jour naissant.
Vous regardiez
Bien discrètement.
Hier encore
J’aimais si fort,
Le lien est défait
Je vous ai oubliée.
L’amour comme ça
C’est pas pour moi
L’amour doit
Etre sacré, n’est-ce-pas !
Классификация жён
Classification des épouses
(1930 ?)
Récitant de la bibliothèque Bogolioubov
(Библиотека Боголюбова)
Жена-кобыла —
Для удовлетворения пыла.
Жена-корова —
Для тихого семейного крова.
Жена-стерва —
Для раздражения нерва.
Жена-крошка —
Всего понемножку.
Une épouse - jument -
Pour assouvir les sens.
Une épouse - grosse vache -
Pour un bonheur sans tache.
Une épouse - mégère -
Pour une bonne crise de nerfs.
Un tout petit chou -
Pour un peu de tout.

Быль, случившаяся с автором в ЦЧО
Histoire vécue
par l’auteur dans la région centrale des Terres noires
(1932)
(Стихотворение, бичующее разврат)
Пришёл я в гости, водку пил,
Хозяйкин сдерживая пыл.
Но водка выпита была.
Меня хозяйка увлекла.
Она меня прельщала так:
«Раскинем с вами бивуак,
Поверьте, насмешу я вас:
Я хороша, как тарантас».
От страсти тяжело дыша,
Я раздеваюся, шурша.
Вступив в опасную игру,
Подумал я: «А вдруг помру?»
Действительно, минуты не прошло,
Как что-то из меня ушло.
Душою было это что-то.
Я умер. Прекратилась органов работа.
И вот, отбросив жизни груз,
Лежу прохладный, как арбуз.
(Vers fustigeant la débauche)
J’étais invité, un peu dans l’ivresse
A grand’peine contenais l’ardeur de l’hôtesse.
Mais toute la vodka fut ingurgitée.
L’hôtesse à sa suite m’a alors entraîné.
Elle m’a captivé par ces mots captieux :
« On va bivouaquer un peu tous les deux,
Vous pouvez me croire, je vous distrairai:
J’ai un bon châssis, un véritable coupé. »
De désir, à peine respirant
J’enlève mes habits en bruissant.
Mais au seuil de cette dangereuse passe,
Soudain je pense : « Et si je trépasse ? »
Une minute encore,
Quelque chose a quitté mon corps.
C’était mon âme, ce quelque chose.
Je suis mort. Mes organes font une pause.
Déchargé du poids de la vie,
Comme une pastèque, je refroidis.

