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Les trains de Russie – Garik Soukatchev, 10 000 kilomètres
Les trains de Russie (6)
Garik Soukatchev – 10 000 kilomètres, 1997
Garik Soukatchev – 10 000 kilomètres
1997
Гарик Сукачёв — 10 000 километров
Traduction : Georges Fernandez
Между нами 10 000 километров,
Всё перроны, перегоны, да дожди...
Горы белых облаков и стаи ветров,
Но я скоро уж приеду, подожди...Там, где я, бабульки с паренной картошкой,
Там подсолнухи осыпались в кульки,
Там мохнатые окошки, да лукошки,
Там палят свои цигарки мужики...Расплескался я чайком вокруг стакана,
Стал вчерашнею газетной полосой.
Я - стоянка 5 минут, рычаг стоп-крана,
Я стал лесом, проводами, да луной...Между нами 10 000 километров,
Утр, перронов, и деревень во тьме...
Но уж очень скоро, в сереньком конверте,
Я приеду и прижмусь к тебе.Но уж очень скоро, в сереньком конверте,
Я приеду и прижмусь к тебе.Garik Soukatchev Entre nous 10 000 kilomètres,
Rien que des quais, des correspondances et de la pluie…
Des montagnes de nuages blancs et des volées de vents,
Mais bientôt enfin j’arriverai, attends-moi…Là, où je suis, des grands-mères vendent leurs patates bouillies.
Là, ce sont des cornets de graines de tournesols,
Des petites fenêtres couvertes de mousse, et des paniers,
Des hommes qui brûlent leurs clopes...Je suis ce thé renversé autour de mon verre,
Devenu pareil à la page du journal d'hier,
A un arrêt en gare 5 minutes, à un frein de secours.
Moi, devenu forêt, câbles électriques, et la lune aussi...Entre nous 10 000 kilomètres,
10 000 matins, 10 000 quais et villages dans la brume…
Mais très bientôt, dans cette enveloppe grise,
Je viendrai me blottir contre toi.Mais très bientôt, dans cette enveloppe grise,
Je viendrai me blottir contre toi.Garik Soukatchev – ou Soukatchov (Игорь Иванович (Гарик) Сукачёв) est un chanteur, poète, compositeur 'pop-rock' né en 1959. Avant de se lancer dans la chanson, il obtient un diplôme du Collège des transports ferroviaires de Moscou, spécialisé en construction ferroviaire, voies et installations de voies. Il a notamment participé à la conception de la gare de Touchino (станция Тушино) entre Moscou et Riga.
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Les trains de Russie – Ièvguéni Ièvtouchenko – Et tu pars…
Les trains de Russie (7)
Ièvguéni Ièvtouchenko - Et tu pars…
1968
Евгений Евтушенко - Ты уходишь, как поезд…
Musique de Mikaël Tariverdiev - Музыка: Микаэл Таривердиев
Traduction : Anne Puyou
Поздно,
Мне любить тебя поздно,
Ты уходишь, как поезд,
Поезд, поезд, поезд.
И одна на перроне —
Дождь и я.
Нет, не плакать, дождь, не плакать!
Пусть поплачу я за тебя.Ветер,
Он меня понимает,
Он меня обнимает,
Ветер, ветер, ветер.
Он, как я на перроне,
Одинок.
Нету Бога!
Нету Бога!
Есть лишь поезд, но он далёк.Поздно,
Не стоит надеяться мне на стоп-краны,
Поздно, поздно, поздно...
А поезд, поезд уже вдали,
Его не вернёшь.Рельсы,
Вы так тянетесь, рельсы,
Вы так тянетесь, рельсы,
Рельсы, рельсы, рельсы.
В этом поезде только
Мне места нет.
Лишь в ладони
Лист осенний,
Лист осенний, как мой билет.Поздно,
Не стоит надеяться мне на стоп-краны,
Поздно, поздно, поздно,
А поезд, поезд уже вдали,
Его не вернёшь.Поздно,
Мне любить тебя поздно,
Ты уходишь, как поезд,
Поезд, поезд, поезд...Il est tard
Bien trop tard pour t'aimer
Et tu pars
Comme le train ! Sur le quai
Je reste seule, sous la pluieNe pleure pas !
Ne pleure pas
C'est moi
Qui vais pleurer
Pour toi.Le vent
Me comprend
Et me prend
Dans ses bras
Comme moi
Il est seul sur le quaiOù est Dieu
Il n'y a que le train
Si lointain !
C'est trop tard !
Pour déclencher l'alarme
Bien trop tard !Le train va repartir
Tu ne le feras pas revenirRails déployés
Rails rayés.
Dans ce train
Pas de place pour moi
Dans ma main
Une feuille d'automne est tombée
Comme un billet
C'est trop tard !
Pour déclencher l'alarmeBien trop tard !
Le train est loin
Et tu pars, comme le train, comme le train.Poètes réunis pour une soirée de poésie (à droite : Evgueni Ièvtouchenko), 1962 Le phénomène de la ‘poésie-pop’ (Эстрадная поэзия)
Dans les années 1960, celles du ‘dégel’ post-stalinien, Ièvguéni Ièvtouchenko, avec d’autres poètes de son époque, se joint au courant ou plutôt au phénomène qu’on qualifia de ‘poésie-pop’ (Эстрадная поэзия), réunissant des centaines, voire des milliers d’auditeurs dans des salles telles que des gymnases, des auditoriums, créant ainsi une relation vive, directe, souvent théâtrale avec un public venu inconditionnel…
Pour en savoir plus (en russe) : Le phénomène de la ‘poésie-pop’.
Affiche du film 'Aimer' (Любить),1968 ‘Aimer...’ (Любить…) : un film controversé et largement amputé
La chanson 'Tu pars...' (Ты уходишь, как поезд…), interprétée par Elena Fiodorova (Елена Фёдорова) est extraite du film 'Aimer...' (Любить...), datant de 1968
En 1968, s’inscrivant dans le courant de la ‘Nouvelle vague soviétique’, Mikhail Kalik (Михаил/Моисе́й Наумович Калик) (1927-2017) réalise un film-manifeste sur l'érotisme en Union soviétique et les relations complexes entre hommes et femmes de son époque. Le film sera, écourté, en partie censuré, remonté, sans le consentement de son auteur. En 1990, en Israël, le film sera partiellement restauré, bien que certaines parties originales n’aient jamais été retrouvées...
‘Aimer...’ (Любить...), 1968 - version restaurée 1990
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Les trains de Russie – Ièvguéni Ièvtouchenko, Deux poèmes
Les trains de Russie (6)
Ièvguéni Ièvtouchenko – Le sifflement du train
Interprété par Stanislav Lappo (Станислав Лаппо)Ièvguéni Ièvtouchenko - Le sifflement du train
1951
Евгений Евтушенко - Паровозный гудок
Traduction : Anne Puyou
Паровозный гудок,
журавлиные трубы,
и зубов холодок
сквозь раскрытые губы.До свиданья, прости,
отпусти, не неволь же!
Разойдутся пути
и не встретятся больше.По дорогам весны
поезда будут мчаться,
и не руки, а сны
будут ночью встречаться.Опустевший вокзал
над сумятицей судеб...
Тот, кто горя не знал,
о любви пусть не судит.Le sifflement du train
Les bielles aux longues pattes
Le froid sur les dents
Les lèvres qu'on écarteAu revoir, pardon
Laisse-moi partir !
Nos chemins s'en vont
Pour ne plus revenir !Les trains fileront
Sur les routes du printemps
La nuit se croiseront
Les songes, sans les mainsLa gare s est vidée
Du tumulte des destinsqui n'a pas connu le chagrin,
A l’amour ne comprend rienIèvgueni Ièvtouchenko Le poète Ièvgueni Ièvtouchenko (Евгений Александрович Евтушенко) (1932-2017) se distingua également comme acteur, photographe et réalisateur de cinéma. Représentant emblématique de la génération du dégel intellectuel après la mort de Staline, il fut l'une des premières voix humanistes à s'élever en Union soviétique pour défendre la liberté individuelle, écrivant : « En Russie, un poète est plus qu'un poète » (Поэт в России больше, чем поэт).
Ièvguéni Ièvtouchenko – Deux villes
Lecture Kira GenerIèvguéni Ièvtouchenko - Deux villes
1964
Евгений Евтушенко - Два города
Traduction : Anne Puyou
Я, как поезд,
что мечется столько уж лет
между городом Да
и городом Нет.
Мои нервы натянуты,
как провода,
между городом Нет
и городом Да!Всё мертво, всё запугано в городе Нет.
Он похож на обитый тоской кабинет.
По утрам натирают в нем желчью паркет.
В нём диваны — из фальши, в нём стены —
из бед.
В нём глядит подозрительно каждый портрет.
В нём насупился замкнуто каждый предмет.
Чёрта с два здесь получишь ты добрый совет,
или, скажем, привет, или белый букет.
Пишмашинки стучат под копирку ответ:
«Нет-нет-нет…
Нет-нет-нет…
нет-нет-нет…»
А когда совершенно погасится свет,
начинают в нём призраки мрачный балет.
Чёрта с два —
хоть подохни —
получишь билет,
чтоб уехать из чёрного города Нет…Ну, а в городе Да — жизнь, как песня дрозда.
Этот город без стен, он — подобье гнезда.
С неба просится в руки любая звезда.
Просят губы любые твоих без стыда,
бормоча еле слышно: «А,- всё ерунда…» —
и сорвать себя просит, дразня, резеда,
и, мыча, молоко предлагают стада,
и ни в ком подозрения нет ни следа,
и куда ты захочешь, мгновенно туда
унесут поезда, самолеты, суда,
и, журча, как года, чуть лепечет вода:
«Да-да-да…
Да-да-да…
Да-да-да…»Только скучно, по правде сказать, иногда,
что даётся мне столько почти без труда
в разноцветно светящемся городе Да…Пусть уж лучше мечусь
до конца моих лет
между городом Да
и городом Нет!
Пусть уж нервы натянуты,
как провода,
между городом Нет
и городом Да!Moi, je suis comme un train
Qui depuis tant d’années
Fonce de la Ville-des-Oui
A la Ville-des-Non.
Mes nerfs sont tendus
de lignes à haute tension,
entre la Ville-des-Non
et la Ville-des-Oui !Dans la Ville-des-Non, tout est mort, apeuré.
C’est un cabinet tout tapissé d’ennui.
Le matin on y cire à la bile les parquets.
Les sofas sentent le faux et les murs,
Le dépit.
Chaque portrait vous observe d’un air soupçonneux.
Chaque objet reclus en lui-même se renfrogne.
Ici, pour avoir un conseil avisé,
Ou un salut, ou un bouquet blanc, tu peux toujours crever.
Les machines à écrire tapent sur le papier carbone :
« Non-non-non…
Non-non-non…
Non-non-non… »
Et quand la lumière s’éteint tout à fait,
Les fantômes commencent leur sinistre ballet.
Tu peux toujours crever
Pour avoir un billet,
Et quitter la funeste Ville-des-Non…
Mais dans la Ville-des-Oui, chantent les perdrix.C’est une ville sans murs, on dirait un nid.
Dans le ciel les étoiles demandent qu’on les prennent.
Sans honte des lèvres recherchent les tiennes,
Murmurant à peine : « Ce n’est pas important ».
Et où le réséda demande qu’on le détache,
Et où en mugissant, son lait offre la vache,
Où personne ne nourrit aucun soupçon,
Et où que tu veuilles partir, en un moment,
Te transportent les trains, les bateaux, les avions,
Et où les eaux bruissent, comme les ans :
« Oui-oui-oui…
« Oui-oui-oui…
« Oui-oui-oui… »Oui mais moi, à vrai dire parfois ça m’ennuie
D’avoir tout à portée de la main sans souci
Dans la ville rutilante des Oui…Je foncerai plutôt
Jusqu’au bout de mes ans
Entre la Ville-des-Oui
Et la Ville-des-Non !
Que mes nerfs soient tendus
des lignes à haute tension,
Entre la Ville-des-Non
Et la Ville des Oui ! -
Les trains de Russie – Nikolaï Zabolotsky, A la gare
"Une Madone est assise dans une gare, son enfant à ses côtés..." Les trains de Russie (5)
Nikolaï Zabolotsky – A la gare
1958
Николай Заболоцкий - На вокзале
Traduction : Anne Puyou
Nikolaï Zabolotsky – A la gare
interprété par Andreï Chlytchkov (Андрей Шлычков)
Visionnez sur YoutubeВ железном сумеречном зале,
Глотая паровозный дым,
Сидит Мадонна на вокзале
С ребёнком маленьким своим.Вокруг неё кульки, баулы,
Дорожной жизни суета.
В блестящих бляхах вельзевулы
Тележку гонят в ворота.На башне радио играет,
Гудок за окнами гудит,
И лишь она одна не знает,
Который час она сидит.Который час ребёнка держит,
Который час! Который час!
Который час и дым и скрежет
С полузакрытых гонит глаз.И сколько дней ещё придтся —
О, сколько дней! О, сколько дней!
Терпеть, пока не улыбнётся
Дитя у матери своей!Над чёрной линией портала
Висит вечерняя звезда.
Несутся с Курского вокзала
По всей вселенной поезда.Летят сквозь топи и туманы,
Сквозь перелески и пески,
И бьют им бездны в барабаны,
И рвут их пламя на куски.И лишь на бедной той скамейке,
Превозмогая боль и страх,
Мадонна в шубке из цигейки
Молчит с ребёнком на руках.Dans la salle bétonnée où tombe le soir,
Respirant des trains la fumée,
Une Madone est assise dans une gare
Son enfant à ses côtés.Tout autour des malles, des baluchons,
L’agitation des voyages en train.
A leurs plaques de cuivre on distingue des démons
Qui poussent les chariots vers les portillons.Sur la tour braille la station radio,
Derrière la verrière résonnent des signaux,
Mais elle seule ne sait pas
Depuis combien de temps elle est là.Depuis combien de temps elle tient son enfant,
Depuis combien de temps ! Depuis combien de temps !
Depuis combien de temps de ses paupières fermées
Elle éloigne le bruit, la fumée.Et combien de temps encore il lui faudra –
O, combien de temps !
Encore combien de temps !-
Attendre un sourire de l’enfant !Au-dessus de la ligne du fronton
Scintille l’étoile du soir.
De la gare de Koursk les wagons
S’élancent dans l’immensité noire.Ils volent, traversant les marais,
Les nuées les forêts les déserts,
Les abîmes martèlent leurs flancs,
Et les flammes les lacèrent.Mais seule sur son méchant banc,
Refoulant la peur et la douleur,
La madone dans sa veste ouatinée
Serre son enfant et se tait.Nikolaï Zabolotsky Nikolaï Zabolotski (Николай Алексеевич Заболоцкий) (1903-1958), poète, écrivain pour enfants et traducteur, fut l'un des fondateurs du groupe d'avant-garde russe Oberiou ou « Association pour un art réel », héritier des futuristes et contemporain du Surréalisme.
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Les trains de Russie – A. Kotchetkov, La ballade du wagon enfumé
Les trains de Russie (4)
Alexandre Kotchetkov — La ballade du wagon enfumé
Lecture Olecia et Ivan Savoskine (Олеся и Иван Савоськин)Alexandre Kotchetkov — La ballade du wagon enfumé
1932
Александр Кочетков - Баллада о прокуренном вагоне
Traduction : Anne Puyou
- Как больно, милая, как странно,
Сроднясь в земле, сплетясь ветвями,-
Как больно, милая, как странно
Раздваиваться под пилой.
Не зарастёт на сердце рана,
Прольётся чистыми слезами,
Не зарастёт на сердце рана -
Прольётся пламенной смолой.- Пока жива, с тобой я буду -
Душа и кровь нераздвоимы,-*
Пока жива, с тобой я буду -
Любовь и смерть всегда вдвоём.
Ты понесёшь с собой повсюду -
Ты понесёшь с собой, любимый,-**
Ты понесёшь с собой повсюду
Родную землю, милый дом.- Но если мне укрыться нечем
От жалости неисцелимой,
Но если мне укрыться нечем
От холода и темноты?
- За расставаньем будет встреча,
Не забывай меня, любимый,
За расставаньем будет встреча,
Вернёмся оба - я и ты.- Но если я безвестно кану -
Короткий свет луча дневного,-
Но если я безвестно кану
За звёздный пояс, в млечный дым?
- Я за тебя молиться стану,
Чтоб не забыл пути земного,
Я за тебя молиться стану,
Чтоб ты вернулся невредим.Трясясь в прокуренном вагоне,
Он стал бездомным и смиренным,
Трясясь в прокуренном вагоне,
Он полуплакал, полуспал,
Когда состав на скользком склоне
Вдруг изогнулся страшным креном,
Когда состав на скользком склоне
От рельс колёса оторвал.Нечеловеческая сила,
В одной давильне всех калеча,
Нечеловеческая сила
Земное сбросила с земли.
И никого не защитила
Вдали обещанная встреча,
И никого не защитила
Рука, зовущая вдали.С любимыми не расставайтесь!
С любимыми не расставайтесь!
С любимыми не расставайтесь!
Всей кровью прорастайте в них,-
И каждый раз навек прощайтесь!
И каждый раз навек прощайтесь!
И каждый раз навек прощайтесь!
Когда уходите на миг!Alexandre Kotchetkov « On ne quitte pas les gens qu'on aime ! » Quelle peine, ma douce, comme c’est étrange
Nés dans la terre, nos branches mêlées.
Quelle peine ma douce comme c’est étrange
D’être en deux par une scie coupés.
Le cœur blessé ne guérit pas,
Jaillissent les armes transparentes,
Le cœur blessé ne guérit pas,
Jaillit la résine brûlante.Je suis là tant que tu vivras -
L'âme et le sang sont insécables, -
Je suis là tant que tu vivras -
Mort et amour toujours ensemble.
Tu porteras en toi toujours -
Tu porteras en toi, amour, -**
Tu porteras en toi toujours
La terre natale, le foyer tendre.Mais si rien ne peut me garder
De l'inguérissable pitié,
Mais si rien ne peut me garder
Du froid et de l'obscurité ?
La rencontre suivra le départ,
Ne m'oublie pas mon tendre ami,
La rencontre suivra le départ
Nous serons à nouveau unis.Mais si je me perds sans nouvelles -
Bref rayon d'un jour de lumière, -
Mais si je me perds sans nouvelles
Dans la brume de la voie lactée ?
- Je ferai alors des prières
Pour que tu te retrouves sur terre,
- Je ferai alors des prières
Pour que tu nous reviennes entier.Cahots et wagon enfumé,
Lui résigné et sans abri,
Cahots et wagon enfumé,
Lui qui pleure et dort à demi,
Quand le train sur une pente glissante
Se tord dans un repli affreux,
Quand le train sur une pente glissante
Déraille et perd ses essieux.Une force inhumaine et brutale
Dans un pressoir a écrasé
Une force inhumaine et brutale
La terre à la terre arrachée
Mais la rencontre promise, lointaine
N’a pu sauver aucune vie
Même ta main tendue, lointaine
N'a pu sauver aucune vieOn ne quitte pas les gens qu'on aime !
On ne quitte pas les gens qu'on aime !
On ne quitte pas les gens qu'on aime !
Que dans votre sang croisse le germe,
- Et dites adieu à jamais !
Et dites adieu à jamais !
Et dites adieu à jamais !
Si pour un instant vous sortez !Variantes de la version sonore ci-dessus :
* Душа и кровь неразделимы,
** Не забывай меня, любимый,
* L'âme et le sang sont inséparables, -
** Ne m'oublie pas mon tendre ami,Alexandre Kotchetkov (Александр Сергеевич Кочетков) (1900-1953) est un poète et traducteur russe. De son vivant seuls quelques uns de ses poèmes furent publiés – en 1926. Son plus célèbre poème, ‘La ballade du wagon enfumé’ (Баллада о прокуренном вагоне), datant de 1932, ne fut publié en URSS qu’en 1966, bien après sa mort. Des vers que les gens pourtant recopiaient et se récitaient durant la Grande guerre patriotique (1941-1945) : « On ne quitte pas les gens qu'on aime ! » (С любимыми не расставайтесь!)…
Pour en savoir plus (en russe) sur le poème : kavtoday.ru.
Le poème sera repris en 1975 dans le film ‘L'Ironie du sort’ (Ирония судьбы, или с легким паром!), réalisé par Edouard Riazanov (Эльдар Рязанов)…
Alexandre Kotchetkov, La ballade du wagon enfumé (1932)
Extrait du film ‘L’ironie du sort’ (1975) -
Les trains de Russie – Marina Tsvetaïeva, L’aube sur les rails
Les trains de Russie (3)
Marina Tsvetaïeva — L'aube sur les rails
interprété par Anna Papoucheva (Анна Папушева)Marina Tsvetaïeva — L'aube sur les rails
1922
Марина Цветаева - Рассвет на рельсах
Traduction : Anne Puyou
Покамест день не встал
С его страстями стравленными,
Из сырости и шпал
Россию восстанавливаю.Из сырости – и свай,
Из сырости – и серости.
Покамест день не встал
И не вмешался стрелочник.Туман ещё щадит,
Ещё в холсты запахнутый
Спит ломовой гранит,
Полей не видно шахматных?Из сырости – и стай?
Ещё вестями шалыми
Лжет вороная сталь –
Ещё Москва за шпалами!Так, под упорством глаз –
Владением бесплотнейшим
Какая разлилась
Россия – в три полотнища!И – шире раскручу!
Невидимыми рельсами
По сырости пущу
Вагоны с погорельцами:С пропавшими навек
Для Бога и людей!
(Знак: сорок человек
И восемь лошадей).Так, посредине шпал,
Где даль шлагбаумом выросла,
Из сырости и шпал,
Из сырости – и сирости,Покамест день не встал
С его страстями стравленными –
Во всю горизонталь
Россию восстанавливаю!Без низости, без лжи:
Даль – да две рельсы синие?
Эй, вот она! – Держи!
По линиям, по линиям?Marina Tsvetaïeva (Марина Ивановна Цветаева), 1892-1941 Tant que le jour n’est pas levé
Avec ses ardeurs enflammées
Dans tes traverses, ton air mouillé
Je te revis
RussieTes poteaux, ton humidité
Ta grisaille et ton air mouillé
Le jour n’est pas encore levé
Le poste d’aiguillage est ferméLe brouillard prend pitié
La pierre concassée
Dans une bâche enveloppée
Dort. Des champs l’échiquier
Disparaît.Ton air mouillé et tes volées
D’oiseaux menteurs faux messagers
Aile de corbeau acier trempé
Où est Moscou ?
Par là ! Au bout !Regardez-le attentivement
Ce territoire désincarné
Russie ! Débordement
Des trois bandes tissées !Je vais desserrer les boulons
Et sur ces rails invisibles
Je vais lâcher tous ces wagons
De sinistrés dans l’air humideDe disparus dans le grand froid
Aux yeux de Dieu aux yeux des hommes
Huit chevaux et quarante personnes
C’est ce qui est écrit sur les paroisAinsi au milieu des traverses
L’horizon en barrière se dresse
Dans tes traverses, ton air mouillé
Ton air mouillé abandonnéTant que le jour n’est pas levé
Avec ses ardeurs enflammées
Dans ton horizontalité
Je te revis
Russie !Ni vilenie ni tromperie
L’horizon et deux rails bleutés
Ah ! Le voilà !
Accroche-toi !
Aux voies, aux voies…Marina Ivanovna Tsvetaïeva (Марина Ивановна Цветаева) (1892-1941) fut une des poétesses de langue russe les plus originales du XXᵉ siècle. Après des années d'exil à l'étranger, à l'orée de la Grande guerre patriotique, sa sœur d'abord, puis elle et son époux retournent URSS. Celui-ci sera fusillé en 1939, sa sœur connaîtra les camps et Marina, seule et sans soutien, se suicidera en 1941, son œuvre rejetée par le régime stalinien.
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Les trains de Russie – B. Pasternak, ma soeur la vie
Les trains de Russie (2)
Boris Pasternak – Ma sœur ma vie
lecture E. Sidorov (Е. Сидоров)Boris Pasternak - Ma sœur la vie
1917
Борис Пастернак – Сестра моя
жизнь и сегодня в разливе...
Traduction Anne Puyou
nb. Il existe (au moins) deux versions de ce poème différant sur deux strophes.
Сестра моя – жизнь и сегодня в разливе
Расшиблась весенним дождём обо всех,
Но люди в брелоках высоко брюзгливы
И вежливо жалят, как змеи в овсе.У старших на это свои есть резоны.
Бесспорно, бесспорно смешон твой резон,
Что в грозу лиловы глаза и газоны
И пахнет сырой резедой горизонт.Что в мае, когда поездов расписанье
Камышинской веткой читаешь в пути,
Оно грандиозней Святого писанья,
Хотя его сызнова всё перечти.*Что только закат озарит хуторянок,
Толпою теснящихся на полотне,
Я слышу, что это не тот полустанок,
И солнце, садясь, соболезнует мне.*И в третий плеснув, уплывает звоночек
Сплошным извиненьем: жалею, не здесь.
Под шторку несёт обгорающей ночью
И рушится степь со ступенек к звезде.Мигая, моргая, но спят где-то сладко,
И фата-морганой любимая спит
Тем часом, как сердце, плеща по площадкам,
Вагонными дверцами сыплет в степи.Ma sœur - c’est la vie, en crue aujourd’hui,
Se brisant dans les pluies diluviennes du printemps,
Mais les gens à babioles disent qu’ils sont mécontents
Et mordent poliment, comme des serpents enfouis.Nos aînés pour cela ont leurs propres raisons.
Mais les tiennes, c’est sûr, c’est sûr qu’elles manquent de fond,
Que l’orage rend violet les yeux et les gazons
Et que l’horizon sent le réséda mouillé.Que tu lis l’horaire des trains, voyageur de mai
Sur la ligne qui va à Kaminshiska,
Sa lecture élève plus que les Saintes Ecritures
Quitte à les relire de nouveau en entier.*Que lorsque dans les feux du soleil couchant
Les fermières se rassemblent en foule sur les voies,
J’entends que cet arrêt n’est pas encore pour moi,
Le soleil disparaît, il est compatissant.*Et quand au troisième son de la cloche qui s’éloigne,
Je m’excuse mille fois : ce n’est pas encore là,
Sous le store défile dans la nuit qui s’enflamme
La steppe, sous le marchepied elle roule vers les étoiles.Ils se sont endormis en plissant leurs paupières,
Et ma bien-aimée, ma chimère dort aussi
A l’heure où mon cœur sur la plate-forme jaillit
Et se fond dans la steppe par-delà les portières.Sources (en russe) :
* Ces strophes varient selon les versions :
Variantes des strophes 2 et 3 :
Что в мае, когда поездов расписанье
Камышинской веткой читаешь в купе,
Оно грандиозней святого писанья
И чёрных от пыли и бурь канапе.Что только нарвётся, разлаявшись, тормоз
На мирных сельчан в захолустном вине,
С матрацев глядят, не моя ли платформа,
И солнце, садясь, соболезнует мне.Ainsi en mai dans le compartiment d'un train
Tu lis les horaires de la ligne qui mène à Kaminshiska
Et leur lecture est plus grandiose que les Saintes Écritures
Ou les canapés noircis de poussière et de tempêtes.Que seulement le crissement des freins heurte aboyant
Les paisibles paysans enivrés de mauvais vin local
Et voilà que du haut de sa couche on regarde
Est-ce là qu'on descend ?
Et le soleil couchant est pour moi compatissant(traduction : Georges Fernandez)
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Les trains de Russie – Poèmes
"Des piliers, des rails, des ponts. Et sur les côtés, tous ces ossements russes..." N. Nekrassov Les trains de Russie - Poèmes
...Прямо дороженька: насыпи узкие,
Столбики, рельсы, мосты.
А по бокам-то всё косточки русские…
(…)
Вынес достаточно русский народ,
Вынес и эту дорогу железную —
Вынесет всё, что господь ни пошлёт!
Вынесет всё — и широкую, ясную
Грудью дорогу проложит себе.
Жаль только — жить в эту пору прекрасную
Уж не придётся — ни мне, ни тебе....Tout droit, une voie : des talus étroits,
Des piliers, des rails, des ponts.
Et sur les côtés, tous ces ossements russes...
(…)
Le peuple russe a assez enduré,
Il a aussi enduré cette route de fer -
Il endurera tout ce que le Seigneur enverra !
Il supportera tout et tracera par lui-même
De toutes ses forces un large et clair chemin.
C'est juste dommage que ni vous ni moi
N'aurons à vivre cette époque merveilleuse.(traduction Georges Fernandez)
Dès que les trains sont apparus en Russie au milieu du 19º siècle, la littérature s'est emparée du sujet. D'abord la poésie, avec Afanassi Fet (Афанасий Фет) et Nikolaï Nekrassov (Николай Некрасов) dont le poème « Le chemin de fer » (Железная дорога) dénonçait dès 1884 le caractère inhumain des conditions de travail des paysans sur les chantiers. Puis par le roman : c'est dans une voiture du Varsovie-Petersbourg que le prince Mychkine - alias 'l'ldiot' de Dostoïevski (Фёдор Михайлович Достоевский) - fait la rencontre de son futur assassin.
Dans le roman de Léon Tolstoï (Лев Николаевич Толстой), Anna Karénine croise Vronski en descendant sur le quai de la gare de Moscou : rencontre fatale, à cause de lui, elle se jettera sous les roues d'un train. Enfin, pour Boris Pasternak (Борис Леонидович Пастернак), c'est allongé sur une couchette en bois dans un wagon de marchandises traversant l'Oural que le docteur Jivago ressentira un bonheur d'une intensité incroyable.
Les trains russes font partie de la mythologie de cet immense pays, traversé par un réseau de voies ferrées. Ils ont servi à transporter des millions de déportés, de troupes, de paysans victimes de la collectivisation. Ils ont servi de paysages littéraires, poétiques, cinématographiques.
Les voyages en train favorisent les rencontres sans lendemain, les ruptures, les retrouvailles, l'exaltation des découvertes. Le rythme des roues est celui du dactyle - une longue, deux brèves -, un rythme ternaire, alors que « les trains d'Europe sont à quatre temps » remarquait déjà Blaise Cendrars en 1913.
Le rythme est donc celui de la création poétique, initiée par de très grands poètes et d'autres dont l'œuvre tout aussi attachante reste moins connue en France. Celle des chansons du goulag et de 'tubes' du dégel soviétique des années soixante. Ce sont des poésies lyriques, qui exaltent les sentiments. Des poésies qui échappent à tout contrôle, car « on ne peut pas programmer l'art comme le trafic ferroviaire », écrivait Victor Chklovski (Виктор Борисович Шкловский), écrivain et spécialiste de la littérature russe.
Anne Puyou, traductrice*
Raoul Dufy - Train en gare, 1935 Boris Pasternak - La gare
1913, 1928
Борис Пастернак – Вокзал
Traduction : Anne Puyou
Вокзал, несгораемый ящик
Разлук моих, встреч и разлук,
Испытанный друг и указчик,
Начать – не исчислить заслуг.Бывало, вся жизнь моя – в шарфе,
Лишь подан к посадке состав,
И пышут намордники гарпий,
Парами глаза нам застлав.Бывало, лишь рядом усядусь –
И крышка. Приник и отник.
Прощай же, пора, моя радость!
Я спрыгну сейчас, проводник.Бывало, раздвинется запад
В маневрах ненастий и шпал
И примется хлопьями цапать,
Чтоб под буфера не попал.И глохнет свисток повторённый,
А издали вторит другой,
И поезд метёт по перронам
Глухой многогорбой пургой.И вот уже сумеркам невтерпь,
И вот уж, за дымом вослед,
Срываются поле и ветер, –
О, быть бы и мне в их числе!O gare, coffre-fort inviolable
De mes ruptures, mes rencontres, mes ruptures,
Compagne éprouvée et conseillère sûre,
Impossible de dire tes bienfaits innombrables.Il est arrivé qu’un châle retienne ma vie,
A peine étions-nous montés à bord
Que la vapeur gonflait les joues des harpies
Et qu'elle nous remplissait les yeux à ras bord.Il est arrivé qu'à peine étais-je blotti
A tes pieds et c'en était fini.
Adieu, c'est l'heure, adieu mon bonheur,
Je descends sur le quai tout de suite, contrôleur.Il est arrivé qu’on disloque l'occident
Manœuvré par les rails, les bourrasques de vent,
Nous nous accrochions aux flocons
Pour ne pas rouler sous le tampon.Les coups de sifflet doublés retentissaient
Répétés dans l'écho lointain
Et le train fracassant s’éloignait des quais
Convoi bosselé et strident.Déjà se hâtait le couchant
Et derrière la colonne de fumée
S'arrachaient les champs et les vents
Oh ! si seulement j'en étais !(Traduction : Anne Puyou)
Boris Pasternak Boris Pasternak (Борис Леонидович Пастернак) (1890-1960) fut non seulement un grand romancier, prix Nobel de littérature en 1958, auteur du célèbre 'Docteur Jivago' (Доктор Живаго), mais aussi, et d'abord peut-être, un poète accompli.
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La séparation de Boris Pasternak
Edvard Munch, 'Separation II' 1896 Boris Pasternak - La séparation
(1949)
Борис Пастернак - Разлука
С порога смотрит человек,
Не узнавая дома.
Её отъезд был как побег.
Везде следы разгрома.Повсюду в комнатах хаос.
Он меры разоренья
Не замечает из-за слёз
И приступа мигрени.В ушах с утра какой-то шум.
Он в памяти иль грезит?
И почему ему на ум
Всё мысль о море лезет?Когда сквозь иней на окне
Не видно света божья,
Безвыходность тоски вдвойне
С пустыней моря схожа.Она была так дорога
Ему чертой любою,
Как моря близки берега
Всей линией прибоя.Как затопляет камыши
Волненье после шторма,
Ушли на дно его души
Её черты и формы.В года мытарств, во времена
Немыслимого быта
Она волной судьбы со дна
Была к нему прибита.Среди препятствий без числа,
Опасности минуя,
Волна несла её, несла
И пригнала вплотную.И вот теперь её отъезд,
Насильственный, быть может!
Разлука их обоих съест,
Тоска с костями сгложет.И человек глядит кругом:
Она в момент ухода
Всё выворотила вверх дном
Из ящиков комода.Он бродит и до темноты
Укладывает в ящик
Раскиданные лоскуты
И выкройки образчик.И, наколовшись об шитьё
С не вынутой иголкой,
Внезапно видит всю её
И плачет втихомолку.Depuis le seuil il regarde l’intérieur
Sans rien y reconnaître. Elle était partie.
Et son départ avait été comme une fuite :
Partout les traces du saccage,Dans toutes les pièces le même chaos.
A cause des larmes
Et de la migraine qui le gagne
Il ne se figure pas l’ampleur de la ruine.Depuis le matin, dans sa tête, le même bruit.
Est-il conscient ou bien rêve-t-il ?
Pourquoi en ce moment dans son esprit
Tout l’entraîne vers la mer ?A travers les vitres couvertes de givre,
Quand il n’y a plus aucune lumière,
Le désespoir sans issue
Ressemble deux fois plus à un désert marin.Elle lui était pourtant si chère
Par tous les traits de son visage,
Qui, comme les lignes du ressac
Dessinent le rivage.Comme des roseaux noyés
Après la tempête,
Ses traits et sa silhouette
Avaient sombré jusqu’au tréfonds de son âme.Au cours de ces années agitées
Où plus rien n’avait de sens,
Le destin, comme une vague,
L’avait ramenée vers lui.Parmi les obstacles sans nombre,
Et les dangers évités,
Une vague l’avait portée, l’avait emportée
Et puis l’avait ramenée, tout contre lui.Et voilà qu’à présent elle était partie,
- Contre sa volonté, peut-être ! -
Et la séparation va les détruire l’un et l’autre,
Et le chagrin les rongera.Il regarde tout autour de lui :
Au moment de s’en aller
Elle avait tout sorti des tiroirs de la commode,
Tout traînait là sens dessus dessous.Il s’attarde et, dans l’obscurité,
Il replace dans le tiroir
Des chiffons éparpillés
Et quelques coupes de tissus.Et, en se piquant avec une aiguille
Tapie dans une couture,
Soudain il l’a revoit toute entière.
Et, en silence, il pleure. -
Nuit d’hiver de Boris Pasternak
Boris Pasternak - Nuit d'hiver
(1949)
Борис Пастернак - Зимняя ночь
Мело, мело по всей земле
Во все пределы.
Свеча горела на столе,
Свеча горела.Как летом роем мошкара
Летит на пламя,
Слетались хлопья со двора
К оконной раме.Метель лепила на стекле
Кружки и стрелы.
Свеча горела на столе,
Свеча горела.На озарённый потолок
Ложились тени,
Скрещенья рук, скрещенья ног,
Судьбы скрещенья.И падали два башмачка
Со стуком на пол.
И воск слeзами с ночника
На платье капал.И всё терялось в снежной мгле
Седой и белой.
Свеча горела на столе,
Свеча горела.На свечку дуло из угла,
И жар соблазна
Вздымал, как ангел, два крыла
Крестообразно.Мело весь месяц в феврале,
И то и дело
Свеча горела на столе,
Свеча горела.La tempête, la tempête de neige s’abattait,
Partout, sur toute la terre.
Sur la table, brûlait là une bougie,
Une bougie brûlait.Comme en été un essaim de moucherons
Se précipite vers la flamme,
Les flocons s’agglutinaient en-dehors
Contre le châssis de la fenêtre.Le blizzard sculptait sur les vitres
Des cercles et des flèches.
Sur la table, brûlait là une bougie,
Une bougie brûlait.Sur le plafond éclairé,
Des ombres s’allongeaient,
De mains entremêlées, de jambes entremêlées,
De destins entremêlés.Et ses bottines tombèrent
Bruyamment sur le sol.
Des larmes de cire
S’écoulèrent goutte à goutte sur sa robe.Et tout se perdit dans cette brume enneigée
Grise et blafarde.
Sur la table, brûlait là une bougie,
Une bougie brûlait.De l’encoignure un souffle passa sur la bougie,
Et une ardente tentation s’exhala
Soulevant, tel un ange, deux ailes
Qui formèrent une croix.Tout février ne fut que bourrasques,
Et encore et toujours
Sur la table une bougie brûlait,
Toujours brûlait là une bougie.