Episode 04 – Le destin

Petites nouvelles russes - Kouprine - Le Destin - Roger Burgi - Le père et son fils
Illustration de Roger Burgi : Le père et son fils

Судьба́ – Le destin

 

Четвёртый эпизо́д - Еpisode quatre

До́лго они́ скака́ли по доро́ге. Всё боя́лись: вот нагря́нет в кофе́йную поли́ция, пого́нится по горя́чим следа́м, схва́тит и отведёт к су́дьям. А от судьи́ - прав ты и́ли винова́т - во всю жизнь не отвя́жешься, пока́ не обнища́ешь до после́дней руба́шки.

На заре́ дости́гли они́ небольшо́й ре́чки, по обо́им берега́м кото́рой росла́ све́жая, тени́стая ро́ща. Здесь оте́ц веле́л привяза́ть лошаде́й к де́реву. Сотвори́ли они́ о́ба утре́ннее омове́ние. Пото́м оте́ц приказа́л:

- Бери́ мешки́ и неси́ за мно́ю.

Пришли́ на ма́лую поля́нку, со всех сторо́н укры́тую от посторо́нних взгля́дов. Купе́ц останови́лся и сказа́л:

- Сади́сь.

Се́ли. Оте́ц развяза́л о́ба мешка́ и мо́лча стал раскла́дывать всё, что в них бы́ло, на две ра́вные ку́чки. Всё попола́м: брилья́нты, же́мчуг, бирюзу́ - ка́мешек про́тив ка́мешка по величине́ и досто́инству. Так же золоты́е моне́ты, так же че́ки на ба́нкирские дома́ бога́тых ма́вров. Око́нчив же э́ту делёжку, он сказа́л:

- Здесь две ра́вных до́ли. Одна́ - твоя́. Вы́бери любу́ю ку́чку, ссыпь всё, что в ней есть, в мешо́к, привяжи́ мешо́к к своему́ седлу́. Ся́дешь сейча́с же на ло́шадь и пое́дешь в том направле́нии, как мы до сих пор е́хали. В пяти́ мину́тах езды́ уви́дишь, что доро́га раздвоя́ется. Возьмёшь нале́во. Так ты коро́че дое́дешь домо́й. По́мни, что тепе́рь в до́ме ты са́мый ста́рший.

Строй жизнь как хо́чешь и уме́ешь. Я же тебе́ ни сове́тов, ни благослове́ний не даю́. Иди́. Пока не дое́дешь до пе́рвого селе́ния, не смей обора́чиваться наза́д. Домо́й я до́лго не верну́сь. Мо́жет быть, и никогда́. Ступа́й.

Сын безмо́лвно вы́слушал приказа́ние, упа́л отцу́ в но́ги, поцелова́л зе́млю ме́жду его́ стопа́ми, поверну́лся, сел на ло́шадь и исче́з ме́жду дере́вьями.

И вот пока́ всё о купце́ и его́ сы́не.

Petites nouvelles russes - Le destin - Main de Fatma

S’éloignant de l’auberge, pendant longtemps le père et le fils galopèrent. Sans cesse ils avaient peur : que la police fût entrée dans le café et eût découvert les cadavres, qu’elle les eût poursuivis, qu’elle ne les rattrape et les traîne devant le juge. Et des griffes d’un juge, de toute votre vie - que vous soyez coupable ou innocent -, vous ne saurez vous défaire, et ce aussi longtemps qu’il ne vous aura pas pris jusqu’à votre dernière chemise !

A l'aube, les deux hommes atteignirent une petite rivière sur les rives de laquelle poussait un petit bois ombragé. Là, le père ordonna d'attacher les montures à un arbre. Après avoir fait leurs ablutions matinales il énonça :

– Prends les sacs et suis-moi...

A l'abri de tout regard, dans une petite clairière, le marchand s'arrêta et dit :

– Asseyons-nous !

Le père ouvrit les deux sacs et commença silencieusement à faire deux parts égales de tout ce qu'ils contenaient. Il divisa tout par deux : diamants, perles, turquoises – pierre après pierre –, en taille et en valeur. Il répartit aussi les pièces d'or, ainsi que des billets à ordre contractés auprès des banques barbaresques.

Ayant terminé le partage, le marchand déclara à son fils :

– Il y a là deux parts égales. L'une est pour toi. Choisis un des tas, mets le tout dans un sac et attache-le à ta selle. Prends immédiatement ton cheval et mets-toi en route, toujours tout droit. A cinq minutes d’ici, à bon galop, la route se sépare en deux branches. Prends à gauche, ainsi tu rejoindras plus vite la maison. N'oublie pas que maintenant c’est toi l'aîné de la maison. Mène ta vie comme tu le penses et l’entends. Je n’ai ni conseil ni bénédiction à te donner. Va ! Et avant que tu n'aies atteint le premier village, ne pense même pas à regarder derrière toi ! Je ne serai pas de retour avant longtemps, peut-être jamais... Allez, mets-toi en route !

Le fils écouta silencieusement ses ordres. Il s’agenouilla, embrassa le sol devant les pieds de son père, se releva, prit son cheval et disparut au-delà des frondaisons.

Et voilà, pour le moment, c’est ici que nous quittons le marchand et son fils.