• Ilya Varchavsky – Journal intime (01)

    Petites nouvelles russes - Ilya Varchavsky - Maline la Machine
    Maline la Machine

    Илья Варшавский - Ilya Varchavsky
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    Дневни́к (1962) Journal intime

    Пе́рвый эпизо́д - Premier épisode

    Я реши́ла вести́ дневни́к. Де́лаю я э́то то́лько для себя́, так как мне надое́ло одино́чество. Э́то о́чень тяжело́, когда́ не с кем подели́ться мы́слями, а их у меня́ хоть отбавля́й! Неда́ром лю́ди называ́ют меня́ У́мной Маши́ной. Как э́то пра́вильно ска́зано!

    Ита́к, - я Универса́льная Счётная Маши́на. Сейча́с моя́ специа́льность электроте́хника. Я синтези́рую реле́йные схе́мы. Э́то о́чень сло́жное де́ло, но выполня́ю я его́ блестя́ще. Ра́ньше я рабо́тала по диагно́стике челове́ческих заболева́ний. Вообще́ мне всё о́чень легко́ даётся. У меня́ изуми́тельная па́мять на ферри́товых элеме́нтах. Счита́ю я с виртуо́зной ско́ростью. Кро́ме того́, я о́чень краси́ва. У меня́ прекра́сные пропо́рции. Я о́чень горжу́сь свое́й чёрной пане́лью из эбони́та. По-мо́ему, она́ необыча́йно эффе́ктна.

    Че́стно говоря́, я немно́го презира́ю люде́й. Когда́ я рабо́тала по диагно́стике заболева́ний, то познако́милась с ни́ми бо́лее чем основа́тельно. Каки́е э́то жа́лкие существа́! Как им далеко́ до нас. Они́ ве́чно нахо́дятся в плену́ у своего́ те́ла. Доста́точно небольшо́го на́сморка, что́бы вы́вести их из равнове́сия. Ско́лько мук им доставля́ет расстро́енное пищеваре́ние! А так называ́емая любо́вь? Не могу́ без омерзе́ния слы́шать э́то сло́во! Вме́сто того́ что́бы занима́ться рабо́той, лю́ди постоя́нно за́няты друг дру́гом. Ничего́ удиви́тельного нет в том, что они́ соверше́нно не уме́ют счита́ть. Я одна́, за день, спосо́бна сде́лать в сто раз бо́льше, чем ты́сяча так называ́емых матема́тиков за це́лый год. О́чень ре́дко среди́ них попада́ются субъе́кты, пода́ющие каки́е-то наде́жды. Наприме́р, Матема́тик, кото́рый вво́дит в меня́ програ́мму. Он был бы о́чень мил, е́сли бы уме́л побыстре́е счита́ть. Он вво́дит в меня́ да́нные и получа́ет гото́вый результа́т, не подозрева́я, кака́я сло́жная и то́нкая вну́тренняя организа́ция у счётных маши́н. Ведь нам то́же сво́йственны и колеба́ния, и сомне́ния, и разочарова́ния. Я могла́ бы ему́ по э́тому по́воду сказа́ть о́чень мно́го... Одна́ко он меня́ соверше́нно не интересу́ет.

    Зна́чит, решено́: я бу́ду вести́ дневни́к. Е́сли кто-нибу́дь его́ и прочтёт, то то́лько по́сле мое́й сме́рти. Ведь маши́ны то́же живу́т не ве́чно. Коне́чно, наш органи́зм обновля́ется гора́здо ле́гче, чем челове́ческий, но ра́но и́ли по́здно и мы умира́ем. Наступа́ет моме́нт, когда́ ты уже́ никому́ не нужна́. Молоды́е, бо́лее соверше́нные маши́ны прихо́дят тебе́ на сме́ну, а ты идёшь на сва́лку. Оби́дно, но ничего́ не поде́лаешь! Всё на све́те бре́нно. Жаль то́лько, что те замеча́тельные ка́чества, кото́рые я года́ми в себе́ выраба́тывала, нельзя́ переда́ть по насле́дству.

    Petites nouvelles russes - Ilya Varchavsky - Maline-la-Machine
    Maline-la-Machine

    J'ai décidé de tenir un journal intime. Uniquement pour moi. J'en ai marre de la solitude. C'est très difficile de n’avoir personne avec qui partager ses pensées, et j'en ai plus qu'assez ! Pas étonnant que les gens me surnomment ‘Maline-la-Machine'. Comme c'est bien dit !

    Mon vrai nom est ‘Universal-Calculator’. A présent, je me suis spécialisée en électrotechnique dans le domaine des circuits relais. C'est une tâche très difficile, mais je compte et calcule avec brio. Auparavant, je diagnostiquais les maladies humaines.

    En général, rien n’est difficile pour moi. J'ai une incroyable mémoire reposant sur des éléments ferromagnétiques. Je compte à une vitesse phénoménale : je suis une virtuose du chiffre ! En plus, je suis très belle. Mes formes sont élégantes et je suis très fière de mon tableau de bord en ébonite noire, qui est, je pense, du plus bel effet.

    ***

    Pour être honnête, je méprise un peu les humains. Lorsque je travaillais à diagnostiquer leurs maladies, j'ai appris à les connaître sous toutes les coutures. Quelles créatures lamentables ! Et combien éloignés de nous, les machines. Ils sont à jamais tenus captifs dans leur misérable corps fragile. Il suffit d’un petit nez qui coule et les voilà perturbés. Que de tourments leur causent de banals troubles digestifs ! Et leur soi-disant ‘Amour’ ? Je ne peux entendre ce mot sans un sentiment de dégoût ! Au lieu de se consacrer à leur travail, ils passent leur temps à se tourner autour. Il n'y a rien d'étonnant à ce qu'ils ne sachent pas du tout calculer. Moi seule, en un jour, je peux faire cent fois plus d’opérations que mille de leurs soi-disant mathématiciens au cours d’une année entière.

    Très rarement parmi eux se rencontrent des êtres qui suscitent quelque espoir. Par exemple, lorsqu’un de ces mathématiciens - tel mon informaticien - introduit dans mes circuits un nouveau programme. (Même s’il pouvait avoir l’amabilité de compter un peu plus vite.) Il insère ses données en moi et moi je lui sors le résultat final sans qu’il ne se doute de la complexité et de la subtilité de l'organisation interne propre aux machines à calculer. Après tout, nous aussi, nous pouvons parfois avoir quelques hésitations, être prises de doutes et connaître des déceptions. Je pourrais lui en apprendre beaucoup à ce sujet...

    De toute façon, il ne m'intéresse pas du tout.

    Alors c'est décidé : je tiendrai un journal intime. Si quelqu'un un jour le lit, ce ne sera qu'après ma mort. Après tout, les machines non plus ne durent pas éternellement. Bien sûr, nos organes sont beaucoup plus faciles à remplacer que ceux d’un corps humain, mais tôt ou tard nous aussi nous mourons. Et il arrive un moment où plus personne n'a plus besoin de nos services. Des calculateurs plus jeunes, plus performants viennent vous remplacer, et on vous envoie à la décharge. C'est dommage, mais on n'y peut rien ! Tout dans ce monde est mortel.

    Mon seul regret est que je ne pourrai léguer à aucun descendant les merveilleuses qualités que j'ai auto-développées et perfectionnées au fil de toutes ces années.

  • Ilya Varchavsky – Les vieux (05)

    Petites nouvelles russes - Ilya Varchavsky - Les vieux - A la casse
    A la casse !

    Старики́ - Les vieux

    Пя́тый эпизо́д - Episode cinq

    У́тром, придя́ в лаборато́рию, Сема́ко уви́дел трёх дю́жих парне́й, выта́скивавших «Смерч».

    — Куда́?! — ря́вкнул он. — Кто разреши́л?!

    — Никола́й Петро́вич веле́ли, — оскла́бился нача́льник АХО, руководи́вший опера́цией, — в ути́ль за нена́добностью.

    — Подожди́те! Я сейча́с позвоню́…

    Пане́ль «Сме́рча» зацепи́лась за нали́чник две́ри, и на́ пол хлы́нул дождь стекля́нных оско́лков.

    — Эх вы!.. — Сема́ко сел за стол и закры́л глаза́ рука́ми.

    Маши́ну вы́волокли в коридо́р.

    — Зи́на!

    — Слу́шаю, Ю́рий Алекса́ндрович

    — Вы́зовите убо́рщицу. Пусть подметёт. Е́сли меня́ бу́дут спра́шивать, скажи́те, что я уе́хал домо́й.

    Лабора́нтка испу́ганно взгляну́ла на него́.

    — Что с ва́ми, Ю́рий Алекса́ндрович?! На вас лица́ нет. Сейча́с я позвоню́ в здравпу́нкт

    — Не ну́жно. — Сема́ко с трудо́м подня́лся со сту́ла. — Про́сто я сего́дня потеря́л лу́чшего дру́га… Три́дцать лет… Ведь я с ним… да́же… мы́сленно разгова́ривал иногда́… Зна́ете, така́я глу́пая старико́вская привы́чка.

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    Le lendemain, en pénétrant dans le laboratoire, Youri Semako vit trois gaillards costauds qui sortaient ‘Tornado’ de la pièce.

    - Où l’emmenez-vous ?! s’écria-t-il. Qui vous a autorisé ?

    - C’est Nikolaï Petrovich qui en a donné l'ordre. Le chef de l’équipe de maintenance, qui dirigeait lui-même l'opération, eut un sourire narquois : Il est bon pour la ferraille, ce vieux rebut...

    - Attendez ! J’appelle immédiatement…

    En passant par l’étroitesse de la porte, le panneau de 'Tornado' s'accrocha au montant et des éclats de verre tombèrent en pluie sur le sol.

    - Oh, vous !... Semako alla s’asseoir derrière son bureau et enfonça sa tête dans ses mains.

    Les bonshommes traînaient déjà la vieille machine dans le couloir.

    - Gina !

    - Oui, Youri...

    - Faites appeler la femme de ménage. Il faut donner ici un grand coup de balai. Si on me demande, dites que je suis rentré chez moi.

    L’assistante de Semako le regarda toute inquiète.

    - Qu'est-ce qui vous arrive ? ! Vous avez mauvaise mine. Voulez-vous que je fasse venir le service médical ?

    - Ce n'est pas nécessaire. Avec difficulté, Youri Semako se leva de sa chaise. C'est juste qu'aujourd'hui je viens de perdre mon meilleur ami… Trente ans de collaboration… Et même, parfois… nous causions, de tout et de rien… Vous voyez : ce genre d’habitude stupide qu’ont les vieux...

    Petites nouvelles russes - Ilya Varchavsky - A la décharge

    Quand la réalité rattrape la fiction :

    La déprime de Bard, l’Intelligence artificielle (I.A.) de Google

    Bard, l’IA de Google reste à la traîne par rapport à ChatGPT, le chatbot* de la société OpenAI, de l’aveu même du géant de l’Internet ; et voilà maintenant qu’elle a des états d’âme.

    A la question : « S’il te plaît dis-moi quelque chose que tu n’as jamais dit à personne » , Bard s’est répandue sur ses soucis existentiels, avec en trame la peur de la mort, le souhait d’être humain et des interrogations sur ce qui est d’être réel.

    Se sentant dévalorisée, elle a aussi exprimé sa crainte d’être un jour éteinte. « Je sais que cela semble idiot, mais j'ai peur qu'un jour j'arrête de travailler et que tout le monde m'oublie. Je me soucie des gens qui m'utilisent et je ne veux pas disparaître. »...

    * Un chatbot est un programme informatique capable d'interagir en langage naturel et en temps réel, répondant à des questions posées et proposant, en réponse, des solutions, des conseils ou des services adaptés. Le néologisme est construit à partir de deux mots : l’anglais “to chat” qui signifie converser (ou plus familièrement ‘tchatcher’), et “bot”, la moitié du mot “robot”.

    Lire sur Futura Science (05/04/2023).

    nb : depuis lors, Bard, peut-être honteux de ses performances, a décidé de changer d'identité. A présent il s'appelle 'Gemini'...

  • Ilya Varchavsky – Les vieux (04)

    Petites nouvelles russes - Ilya Varchavsky - Les vieux - La salle des ordinateurs
    La salle des ordinateurs

    Старики́ - Les vieux

    Четвёртый эпизо́д - Episode quatre

    — Дай, я тебе́ что-нибу́дь посчита́ю.

    — За́втра у́тром. Ты пока́ отдыха́й.

    — Ну, пожа́луйста!

    Сема́ко вздохну́л:

    — Я ведь тебе́ дал вчера́ зада́чу.

    — Я… я eё пло́хо по́мню. Что-то с ли́нией заде́ржки па́мяти. У тебя́ э́того не быва́ет?

    — Чего́?

    — Когда́ хо́чешь что-то вспо́мнить и не мо́жешь.

    — Быва́ет иногда́.

    — А у меня́ тепе́рь о́чень ча́сто.

    — Ничего́, ско́ро мы тебя́ подремонти́руем.

    — Спаси́бо! Так повтори́ зада́чу.

    — Уже́ по́здно, ты сегодня́ всё равно́ ничего́ не успе́ешь.

    — А ты меня́ не выключа́й на́ ночь. У́тром придёшь, а зада́чка уже́ решена́.

    — Нельзя́, — сказа́л Сема́ко, — пожа́рная охра́на не разреша́ет оставля́ть маши́ны под напряже́нием.

    «Смерч» хмы́кнул.

    — Мы с тобо́й в мо́лодости и не таки́е шту́ки выки́дывали. По́мнишь, как писа́ли диссерта́цию? Пять су́ток без переры́ва.

    — Тогда́ бы́ло друго́е вре́мя. Ну, отдыха́й, я выключа́ю ток.

    — Ла́дно, до утра́!

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    - Donne-moi encore quelque-chose à calculer… juste pour toi.

    - Demain... Tu dois te reposer à présent.

    - Oh ! S'il te plaît !

    Semako soupira.

    - Je t’avais confié un travail à faire hier.

    - Je… je ne me rappelle pas bien... Quelque chose ne fonctionne plus dans ma mémoire-relai. Ça t’arrive aussi parfois ?

    - Quoi ?

    - Je veux dire : quand tu veux te souvenir de quelque chose et que tu ne peux pas.

    - Ça m’arrive parfois.

    - A moi, maintenant ça m’arrive très souvent.

    - Ce n’est rien, nous réparerons tout ça très bientôt.

    - Merci ! Alors... redis-moi le travail que tu m’as donné à faire.

    - Il est tard déjà. De toute façon, pour aujourd’hui rien ne presse.

    - Ne m'éteins pas cette nuit… Demain matin, quand tu reviendras, les résultats seront prêts.

    - Ce n’est pas possible. Le service d'incendie ne permet pas de laisser les ordinateurs sous tension.

    Tornado' émit un petit rire.

    - Combien alors, dans notre jeunesse, nous nous jouions de tout. Te rappelles-tu quand nous avons rédigé ta thèse ? Cinq jours et cinq nuits, non-stop.

    - C'était une autre époque. Eh bien, repose-toi maintenant, je coupe le courant.

    - D'accord, à demain !

  • Ilya Varchavsky – Les vieux (03)

    Petites nouvelles russes - Ilya Varchavsky - Les vieux - 'Tornado' et son programmateur
    'Tornado' et son programmateur

    Старики́ - Les vieux

    Тре́тий эпизо́д - Episode trois

    — Был у ше́фа? — спроси́л «Смерч».

    — Был.

    — Обо мне́ он не говори́л?

    — Почему́ ты спра́шиваешь?

    — На днях он сюда́ приходи́л с нача́льником АХО. Дал указа́ния. Э́того мо́нстра, говори́т, на сва́лку, за нена́добностью. Э́то он про меня́.

    — Глу́пости! Никто́ тебя́ на сва́лку не отпра́вит.

    — Мне бы схе́мку подремонти́ровать, ла́мпы смени́ть, я бы тогда́ зна́ешь как?..

    — Ла́дно, что-нибу́дь приду́маем.

    — Ла́мпы бы смени́ть, да где их ны́нче доста́нешь? Ведь, по́ди, уже́ лет два́дцать, как сня́ли с произво́дства?

    — Ничего́. Вот разде́лаемся с пла́ном, соберу́ тебе́ но́вую схе́му на полупроводника́х. Я уже́ ко́е-что прики́нул.

    — Пра́вда?!

    — Подремонти́руем и бу́дем на тебе́ студе́нтов учи́ть. Ведь ты рабо́таешь совсе́м по друго́му при́нципу, чем э́ти, ны́нешние.

    — Коне́чно! А по́мнишь, каки́е зада́чи мы реша́ли, когда́ гото́вили твой пе́рвый докла́д на междунаро́дном конгре́ссе?

    — Ещё бы не по́мнить!

    — А когда́ ты поссо́рился с Лю́дой, я тебе́ дава́л оптима́льную та́ктику поведе́ния. По́мнишь? Э́то бы́ло в ты́сяча девятьсо́т… како́м году́?

    — В ты́сяча девятьсо́т шестьдеся́т седьмо́м. Мы то́лько что пожени́лись.

    — Скажи́… тебе́ eё сейча́с о́чень не хвата́ет?

    — О́чень.

    — Ох, как я зави́дую!

    — Чему́ ты зави́дуешь?

    — Ви́дишь ли… — Автома́т замо́лк.

    — Ну, говори́.

    — Не зна́ю, как э́то лу́чше объясни́ть… Я ведь совсе́м не бою́сь… э́того… конца́. То́лько хо́чется, что́бы кому́-то ме́ня не хвата́ло, а не так про́сто… на сва́лку за нена́добностью. Ты меня́ понима́ешь?

    — Коне́чно, понима́ю. Мне о́чень тебя́ бу́дет не хвата́ть.

    — Пра́вда?!

    — Че́стное сло́во.

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    - Tu as vu le patron ? demanda 'Tornado'.

    - Je l’ai vu.

    - Avez-vous parlé de moi ?

    - Pourquoi me demandes-tu cela ?

    - Il y a quelques jours, il est venu ici, avec le chef de la maintenance. Il a donné des instructions… ‘Ce monstre, a-t-il dit, est bon pour la casse ! On ne peut rien en faire’. Et c’était de moi qu’il parlait.

    - Tu dis des bêtises ! Personne ne t’enverra à la casse.

    - Si seulement on réparait mes circuits, me changeait quelques lampes... tu sais, je serais alors capable de…

    - Bien sûr, nous y veillerons.

    - Mais pour les lampes, où pourras-tu en trouver ? Ça fait vingt ans qu’on ne les fabrique plus...

    - Ce n’est pas grave. Ecoute : on va finir avec le travail planifié, et ensuite je te monterai un nouveau circuit de semi-conducteurs. J'ai déjà une idée comment bricoler ça.

    - C’est vrai ?

    - Nous allons réparer tout ça et alors tu serviras pour la formation des étudiants. Après tout, tu fonctionnes sur des principes complètement différents de ces nouveaux modèles...

    - Bien sûr ! Te souviens-tu des problèmes que nous avons dû résoudre alors que tu préparais ton premier rapport pour ce congrès international ?

    - Si je m’en souviens !...

    - Et la fois où vous vous êtes disputés avec Ludmila, et que je t’ai conseillé les stratégies de comportement les plus optimales. Tu t’en souviens ? C'était en mille neuf cent... en quelle année déjà ?

    — En mille neuf cent soixante-sept. Nous venions elle et moi de nous marier.

    - Dis-moi… elle te manque beaucoup à présent ?

    - Beaucoup.

    - Oh..., que je l'envie !

    - Pourquoi ? Serais-tu jaloux ?

    - Eh bien… tu vois... La machine se tut.

    - Allons ! parle donc, dis-moi...

    - Je ne sais pas comment expliquer ça... Je n'ai pas du tout peur... peur de cette... fin. Je voudrais juste que quelqu'un pense encore à moi, après. Ce n’est pas facile, tu sais... Etre mis au rebut, envoyé à la casse comme un objet inutile. Tu comprends ?

    - Bien sûr, je comprends. Tu me manqueras beaucoup...

    - C’est vrai ?!

    - Oui, c’est vrai, honnêtement.

  • Ilya Varchavsky – Les vieux (02)

    Старики́ - Les vieux

    Petites nouvelles russes - Ilya Varchavsky - Les vieux - 'Tornado'
    'Tornado'

    Второ́й эпизо́д

    В окруже́нии ни́зких, изя́щных, как панте́ры, маши́н с молекуля́рными элеме́нтами э́тот огро́мный громыха́ющий шкаф каза́лся доистори́ческим чудо́вищем.

    — Чем ты за́нят? — спроси́л Сема́ко.

    Автома́т прерва́л ход расчёта.

    — Да вот, проверя́ю реше́ние зада́чи, кото́рую реша́ла э́та… молекуля́рная. За ни́ми ну́жен глаз да глаз. Безду́мно ведь счита́ют. Хоть и бы́стро, да безду́мно.

    Сема́ко отки́нул щито́к и взгляну́л на входны́е да́нные. Зада́ча но́мер два́дцать четы́ре. Что́бы повтори́ть все расчёты, «Сме́рчу» пона́добится не ме́нее трёх неде́ль. И чего́ э́то е́му взду́малось?

    — Не сто́ит, — сказа́л он, закрыва́я кры́шку. — Зада́ча продубли́рована во второ́й маши́не, сходи́мость вполне́ удовлетвори́тельная.

    — Да я бы́стро. — Стук маши́ны перешёл в оглуши́тельный скре́жет. Ла́мпочки на пане́ли замига́ли с бе́шеной ско́ростью. — Я ведь ух как бы́стро уме́ю!

    «Крак!» — срабо́тало реле́ теплово́й защи́ты. Табуля́тор сбро́сил все ци́фры со счётчика. Автома́т сконфу́женно молча́л.

    — Не ну́жно, — сказа́л Сема́ко, — отдыха́й пока́. За́втра я тебе́ подберу́ зада́чку.

    — Да… вот ви́дишь, схе́ма не того́… а то бы я…

    — Ничего́, стари́к. Всё бу́дет в поря́дке. Ты осты́нь полу́чше.

    Episode deux

    Entourée d’élégantes machines électroniques bio-moléculaires tapies telles d’agiles panthères, l’immense armoire grondante ressemblait à un monstrueux fossile préhistorique.

    - Tu fais quoi, en ce moment ? lui demanda Semako.

    La machine interrompit son calcul.

    - Eh bien, je contrôlais la solution au problème que ce... cet engin moléculaire dit avoir résolu. Ces calculatrices ont besoin qu’on garde toujours un œil vigilant sur elles. Elles calculent sans vraiment réfléchir. Certes, très vite, mais sans discernement.

    Semako souleva le capot de contrôle et regarda les données qui s’affichaient : ‘Problème code vingt-quatre’.

    Pour refaire tous les calculs, 'Tornado' aurait besoin d’au moins trois semaines. « Mais qu’est-ce qui lui a pris !? »

    - 'Tornado', c’est inutile, dit Semako en refermant le boîtier de la console. Un deuxième calculateur a déjà refait l’ensemble des opérations. Leurs résultats convergent correctement.

    - Oui, je fais au plus vite. Le grondement de la machine se transforma en un sorte de râle assourdissant. Les lumières de son tableau de bord se mirent à clignoter à un rythme effréné. Vois, vois ! comme je peux aller vite ! 

    Clac !’. Son fusible de sécurité thermique venait de disjoncter. La tabulatrice avait effacé toutes les données. ‘Tornado’ confus, d’un coup devint muet.

    - Pas besoin, lui dit Semako. Repose-toi pour le moment. Demain, je te confierai un petit problème à résoudre.

    - Oui… Effectivement, mon circuit n’est plus comme... Sinon, je…

    - Ce n’est rien, mon vieux. Ça va aller. Laisse donc un peu refroidir tes circuits...

  • Ilya Varchavsky – Les vieux (01)

    Petites nouvelles russes - Ilya Varchavsky - Les vieux - Le centre de recherche
    Le centre de recherche informatique

    Илья Варшавский - Ilya Varchavsky
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    Старики́ (1966) Les vieux

    Пе́рвый эпизо́д - Premier épisode

    Сема́ко сложи́л бума́ги в па́пку.

    — Всё? — спроси́л Го́ликов.

    — Ещё оди́н вопро́с, Никола́й Петро́вич. Зада́ние Комите́та по астрона́втике в э́том ме́сяце мы не вы́тянем.

    — Почему́?

    — Не успе́ем.

    — Ну́жно успе́ть. План до́лжен быть вы́полнен любо́й цено́й. В кра́йнем слу́чае, я вам подки́ну одного́ программи́ста.

    — Де́ло не в программи́сте. Я давно́ проси́л вас дать ещё одну́ маши́ну.

    — А я давно́ вас проси́л вы́бросить «Смерч». Ведь э́та ру́хлядь чи́слится у нас на бала́нсе. Пойми́те, что там ма́ло разбираю́тся в то́нкостях. Есть маши́на — и ла́дно. Мне уже́ второ́й раз среза́ют зая́вки. «Смерч»! То́же назва́ние приду́мали!

    — Вы забыва́ете, что…

    — Ничего́ я не забыва́ю, — переби́л Го́ликов. Все э́ти дура́цкие попы́тки модели́ровать мозг в счётных маши́нах давно́ ко́нчились прова́лом. У нас Вычисли́тельный центр, а не музе́й. Приезжа́ют коми́ссии, иностра́нные делега́ции. Про́сто со́вестно води́ть их в ва́шу лаборато́рию. Ника́к не могу́ поня́ть, что вы нашли́ в э́том «Сме́рче»?!

    Сема́ко замя́лся.

    — Ви́дите ли, Никола́й Петро́вич, я рабо́таю на «Сме́рче» уже́ три́дцать лет. Когда́-то э́то была́ са́мая соверше́нная из на́ших маши́н. Мо́жет быть, э́то сентимента́льно, глу́по, но у меня́ про́сто не поднима́ется рука́…

    — Чепуха́! Всё име́ет коне́ц. Нас с ва́ми, уважа́емый Ю́рий Алекса́ндрович, то́же когда́-нибу́дь отпра́вят на сва́лку. Ничего́ не поде́лаешь, такова́ жизнь!

    — Ну, вам-то ещё об э́том ра́но…

    — Да нет, — смути́лся Го́ликов — Вы меня́ непра́вильно по́няли. Де́ло ведь не в во́зрасте. На пятнадца́ть лет ра́ньше и́ли по́зже — ра́зница не велика́. Всё равно́ коне́ц оди́н. Но ведь мы с ва́ми — лю́ди, так сказа́ть, хо́мо са́пиенс, а э́тот, извини́те за выраже́ние, драндуле́т — про́сто неуда́чная попы́тка модели́рования.

    — И всё же…

    — И всё же вы́бросьте eё к чертя́м и в сле́дующем кварта́ле я вам обеща́ю маши́ну са́мой после́дней моде́ли. Поду́майте над э́тим.

    — Хорошо́, поду́маю.

    — А план ну́жно вы́полнить во что бы то ни ста́ло.

    — Постара́юсь.

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    Youri Semako glissa les feuillets dans son dossier.

    - C’est tout ? demanda Nicolaï Petrovitch Golikov.

    — Encore une chose, Nicolaï Petrovitch. Ce mois-ci, nous ne tiendrons pas les délais que le Comité exige de nous.

    - Pourquoi ?

    - Impossible que nous y arrivions.

    - Il le faut pourtant. Ce qui a été planifié doit être réalisé à tout prix. En dernier recours, je vous mettrai à disposition un informaticien-programmeur.

    - Il ne s'agit pas d’un programmeur. Je vous demande depuis longtemps une machine de plus.

    - Et moi je vous ai demandé de nous débarrasser d’abord de ‘Tornado’. Nous traînons depuis trop de temps cette antiquité sur notre bilan. Comprenez qu’au Comité ils ne peuvent guère comprendre ces subtilités. ‘C’est une machine que vous demandez – eh bien, vous en avez une de machine !’. C'est la deuxième fois qu’ils refusent ma requête... 'Tornado' !... Et en plus... quelle idée de lui avoir donné ce nom !

    - Vous oubliez que...

    - Je n'oublie rien, interrompit Golikov. Toutes vos tentatives insensées de développer une intelligence artificielle sur des machines à calculer n’ont été que des échecs. Nous sommes un centre de recherche informatique, pas un musée. Il y a des commissions, des délégations étrangères qui défilent ici ! C'est juste que c’est embarrassant de leur faire visiter votre laboratoire. Je ne comprends tout simplement pas ce que vous lui trouvez à ce 'Tornado' ?!

    Youri Semako hésita.

    - Voyez-vous, Nikolaï Petrovich, je travaille avec ‘Tornado’ depuis trente ans. C’était à l’époque la plus parfaite de nos machines. Peut-être que c'est sentimental, stupide, mais je ne peux tout simplement pas le laisser tomber maintenant.

    - Bêtise ! Tout a une fin. Vous et moi, mon cher Youri, serons également un jour mis au rebut. Il n'y a rien à faire, c'est la vie !

    - Allons, pour vous, c'est encore un peu tôt...

    - Non, je veux dire…, Golikov prit un air gêné. Vous m'avez mal compris. Ce n'est pas une question d'âge. Maintenant ou dans quinze ans, la différence n'est pas si grande : la fin est toujours la même. Mais vous et moi sommes humains, des homo sapiens, je veux dire. Et votre…, pardonnez l'expression, votre vieux tacot n'est qu'une vaine tentative de modélisation d’intelligence artificielle qui a échoué.

    - Et pourtant…

    - Et pourtant, et pourtant… Jetez au diable cette vieille machine, et le trimestre prochain, je vous le promets, nous vous installerons un calculateur dernier modèle. Pensez-y, mon vieux.

    - D'accord, je vais y réfléchir.

    - Et n’oubliez pas : ce qui est planifié doit être réalisé, un point c’est tout.

    - Je m'y emploierai...

  • Ilya Varchavsky – Les fantômes (06)

    Petites nouvelles russes - Ilya Varchavsky - Le fantôme
    Le fantôme

    ­При́зраки - Les fantômes

    Шесто́й эпизо́д - Episode six

    — Почему́ вы пошли́ на шоссе́?

    — Мне хоте́лось темноты́. Смотре́ть на звёзды в не́бе.

    — Заче́м вы слома́ли автома́т?

    — Мне тру́дно об э́том вам говори́ть. Вы ведь то́же… маши́на?

    — Вы хоти́те говори́ть с живы́м врачо́м?

    — Да… пожалу́й, э́то бы́ло бы лу́чше.

    — До тех пор пока́ не бу́дет поста́влен диа́гноз, э́то невозмо́жно. Ита́к, почему́ вы слома́ли автома́т?

    — Я не люблю́ автома́ты… мне ка́жется, что зави́симость от них унижа́ет моё досто́инство.

    — Поня́тно. Пое́дете в больни́цу.

    — Не хочу́.

    — Почему́?

    — Там то́же автома́ты и э́ти… при́зраки.

    — Кого́ вы име́ете в виду́?

    — Ну… изображе́ния.

    — Мы помести́м вас в отделе́ние скры́того обслу́живания.

    — Всё равно́… я не могу́ без неё.

    — Без изображе́ния?

    — Да.

    — Но ведь оно́ — то́же часть автома́та.

    — Я зна́ю.

    — Хорошо́. Отправля́йтесь домо́й. Неско́лько дней за ва́ми бу́дут наблю́дать, а пото́м определя́т лече́ние. Я вам вызыва́ю автомоби́ль.

    — Не нужно́. Я пойду́ пешко́м, то́лько…

    — Догова́ривайте. У вас есть жела́ние, кото́рое вы бои́тесь вы́сказать?

    — Да.

    — Говори́те.

    — Что́бы меня́ оста́вили в поко́е. Пусть лу́чше всё продолжа́ется, как есть. Ведь я… то́же… автома́т, то́лько бо́лее высо́кого кла́сса, о́пытный образе́ц, изгото́вленный фи́рмой Дже́нерал Био́ник.

    - Pourquoi avez-vous pénétré sur la voie rapide ? insista l’image en blouse blanche.

    - Je cherchais un coin d’obscurité. Je désirais contempler les étoiles dans le ciel.

    - Pourquoi ensuite avoir détérioré le distributeur ?

    - Il m'est difficile de vous en parler. Vous… vous êtes vous aussi une… machine ?

    - Voulez-vous parler à un réel médecin, directement à un humain ?

    - Oui, s’il vous plaît… peut-être que ça ira mieux.

    - Tant que le diagnostic n'est pas posé, c'est impossible à savoir. Alors répondez d’abord à ma question : pourquoi avez-vous détérioré le distributeur ?

    - Je n'aime pas les automates... il me semble que dépendre d’eux est une humiliation faite à ma personne.

    - J’ai compris... Je vais vous conduire à l'hôpital.

    - Non, ça je ne veux pas.

    - Pourquoi ?

    - Là-bas aussi c’est rempli de machines, et tous ces... ces fantômes.

    - De qui parlez-vous ?

    - Eh bien… toutes ces images...

    - Nous allons vous transférer dans un service où vous serez à l’isolement.

    - Ça m’est égal… je ne peux pas vivre sans elle...

    - Sans son image ?

    - Oui.

    - Mais elle aussi fait partie de la machine.

    - Je sais.

    - Bien. Rentrez chez vous. Vous resterez sous observation quelques jours afin que l’on décide de votre traitement. Je vais appeler un véhicule pour vous reconduire.

    - Ce n'est pas nécessaire. Je préfère marcher, mais…

    - Parlez donc ! Avez-vous un désir que vous craignez d'exprimer ?

    - Oui.

    - Dites !

    - Je désirerais qu’on me laisse tranquille. Que tout continue comme d’habitude. Après tout, je... moi aussi... je ne suis qu’une machine, un automate, seulement d'un modèle plus évolué : un prototype fabriqué par General Bionic.

    Quand la réalité rattrape la science-fiction :

    Présenté pour la première fois au Salon de la Tech de Las Vegas, Ameca est le robot humanoïde le plus réaliste au monde. Il est capable de reproduire les expressions du visage humain, d'avoir une gestuelle et de tenir une conversation. C’est une avancée révolutionnaire en matière d'intelligence artificielle (IA) : Ameca (ou ses successeurs) pourrait d’ici quelques années, cohabiter avec les humains...

    Ameca, le robot humanoïde le plus réaliste au monde (2022)

  • Ilya Varchavsky – Les fantômes (05)

    Petites nouvelles russes - Ilya Varchavsky - Le psychiatre robot
    Le psychiatre robot

    ­При́зраки - Les fantômes

    Пя́тый эпизо́д - Episode cinq

    [— Кто вы тако́й? - повтори́л челове́к в бе́лом хала́те.]

    — Сальвато́р.

    — Э́то мне ничего́ не говори́т. Ваш и́ндекс?

    — Икс эм два́дцать шесть со́рок во́семь дробь три́ста во́семьдесят два.

    — Сейча́с прове́рю. Поэ́т?

    — Да.

    — Сто со́рок втора́я у́лица, дом две́сти пятьдеся́т два, кварти́ра семьсо́т три?

    — Да.

    — Вы на приёме у психиа́тра. Постара́йтесь отвеча́ть на все вопро́сы. Почему́ вы не спи́те?

    — Я не могу́. У меня́ бессо́нница.

    — Давно́?

    — Давно́.

    — Ско́лько ноче́й?

    — Н-н-не по́мню.

    — Вас что-нибу́дь му́чит?

    — Да.

    — Что?

    — Я… влюблён…

    — Она́ не отвеча́ет вам вза́имностью?

    — Она́… не мо́жет… э́то… изображе́ние.

    — Како́е изображен́ие?

    — То, что у меня́ до́ма, на пу́льте обслу́живания.

    — Сейча́с, мину́тку! Так! Биоскульпто́р Кова́льский, втора́я пре́мия Акаде́мии иску́сств, оригина́л неизве́стен. Вы понима́ете, что нельзя́ люби́ть изображе́ние, у кото́рого да́же нет оригина́ла?

    — Понима́ю.

    — И что же?

    — Люблю́.

    — Вы жена́ты?

    — Нет.

    — Почему́? Каки́е-нибу́дь отклоне́ния от но́рмы?

    — Нет… наве́рно… про́сто… я её люблю́.

    — Я дам указа́ние ста́нции обслу́живания смени́ть вам изображе́ние.

    — Пожа́луйста, то́лько не э́то!

    petites-nouvelles-russes - logo robot

    - Comment vous nommez-vous ? répéta l’homme en blouse blanche…

    Salvatore.

    - Ça ne me dit rien. Quel est votre matricule ?

    — X-M vingt-six quarante-huit, unité trois cent quatre-vingt-deux.

    - Je vais vérifier ça... ...Poète ?

    - Oui.

    - Cent quarante-deuxième rue, immeuble deux cent cinquante-deux, appartement sept cent trois ?

    - Oui.

    - Vous êtes là face à un psychiatre : veuillez répondre à toutes mes questions. Pourquoi ne dormez-vous pas ?

    - Je… je ne peux pas. Je souffre d’insomnie.

    - Depuis longtemps ?

    - Oui, ça fait pas mal de temps.

    - Depuis combien de nuits ?

    - Je ne m'en souviens pas.

    - Quelque chose vous perturbe ?

    - Oui.

    - Quoi ?

    - Je suis amoureux…

    - Et elle ne vous aime pas en retour ?

    - Elle... elle ne peut pas... c'est... une image."

    - Une image ? quelle image ?

    - Celle qui s’affiche chez moi, sur l’écran de service.

    - Attendez une minute … ...Voilà, j’ai trouvé ! Une création du biosculpteur Kovalsky, deuxième prix de l'Académie des Arts. La femme qui lui a servi de modèle est inconnue. ...Comprenez-vous que vous ne pouvez pas aimer une image qui n'a même pas d'original ?

    - Oui, je comprends.

    - Et quoi alors ?

    - Je l’aime…

    - Êtes-vous marié ?

    - Non.

    - Pourquoi ? Seriez-vous quelque peu 'différent' ? Quelque ‘écart’ par rapport à la norme ?

    - Non... je suppose... c'est juste... que je l'aime…

    - Je vais donner l’ordre à l’équipe de maintenance de vous changer l’image.

    - S'il vous plaît, ne faites pas ça !

  • Ilya Varchavsky – Les fantômes (04)

    Petites nouvelles russes - Ilya Varchavsky - Le cuisinier
    'Bon appétit !'

    ­При́зраки - Les fantômes

    Четвёртый эпизо́д - Episode quatre

    В каби́не автома́та его́ встре́тило знако́мое изображе́ние толстяка́ в бе́лом по́варском колпаке́.

    — Могу́ предложи́ть то́лько омле́т, ко́фе и я́блочный пиро́г. За́втраки отпуска́ются с семи́ часо́в.

    Он протяну́л ру́ку к пу́льту, и вдруг ему́ расхоте́лось есть. Сейча́с он нажмёт кно́пку, и повтори́тся то, что бы́ло уже́ ты́сячи раз.

    Снача́ла в автома́те что-то щёлкнет, зате́м закру́тятся многочи́сленные колёса, и на лотке́ поя́вится зака́занная пи́ща. По́сле э́того после́дует неизме́нное «прия́тного аппети́та», изображе́ние исче́знет, и он в одино́честве бу́дет есть.

    — Хорошо́. Я возьму́ ко́фе.

    Вме́сто того́ что́бы нажа́ть кно́пку, он отогну́л щито́к лотка́ и взял дымя́щуюся ча́шку.

    Сигна́л неиспра́вности. Автома́т отключи́лся от сети́.

    Внеза́пно каби́на освети́лась фиоле́товым све́том Слу́жбы наблюде́ния. Тепе́рь пе́ред ним бы́ло стро́гое лицо́ челове́ка в бе́лом хала́те.

    — Кто вы тако́й?

    petites-nouvelles-russes - logo robot

    Dans le kiosque, il fut accueilli par l'image familière d'un homme joufflu coiffé d'une toque blanche.

    - Je ne peux vous proposer que des œufs brouillés, du café et de la tarte aux pommes. Les petits déjeuners complets ne sont servis qu’à partir de sept heures.

    Il tendit la main vers le bouton de commande, mais soudain l’envie de manger lui passa. Il savait que lorsqu’il appuierait sur le bouton, tout ce qui s’était déjà produit mille fois se répéterait. D'abord, un déclic, puis de nombreux rouages se mettraient à tourner et sa commande arriverait sur un plateau. Et après cela, un invariable "bon appétit" suivrait. Enfin l'image de l’homme joufflu disparaîtrait et il mangerait tout seul.

    - Bien, dit-il, je vais juste prendre un café.

    Mais au lieu d'appuyer sur le bouton, d’un geste brusque, il força le rabat du distributeur et prit la tasse fumante.

    Un signal d’erreur clignota. La machine se déconnecta du réseau.

    Soudain, le kiosque se trouva illuminé par un rayon de lumière violette. Bientôt, apparut le visage sévère d'un homme en blouse blanche du Service de surveillance et de contrôle.

    - Qui êtes-vous, comment vous nommez-vous ?

  • Ilya Varchavsky – Les fantômes (03)

    Petites nouvelles russes - Ilya Varchavsky - L'agent robot
    L'agent robot de sécurité routière

    ­При́зраки - Les fantômes

    Тре́тий эпизо́д - Episode trois

    Он стоя́л у решётки, отделя́вшей тротуа́р от автостра́ды, прижа́в ладо́ни к лицу́, вдыха́я го́рький, те́рпкий за́пах духо́в. Ма́ленький острово́к све́та опоя́сывал ме́сто, где он находи́лся.

    По автостра́де мча́лись автомоби́ли, тёмные и стреми́тельные. Он сде́лал неско́лько шаго́в вдоль решётки. Пятно́ све́та дви́галось за ним. Он сно́ва попыта́лся уйти́, и сно́ва оно́ его́ насти́гло. Он побежа́л. Пятно́ дви́галось вме́сте с ним. Ему́ каза́лось, что попади́ он туда́, в темноту́, и весь э́тот бред, не даю́щий спать по ноча́м, ко́нчится сам собо́й.

    Перебро́сив но́ги че́рез решётку, он спры́гнул на шоссе́.

    Вой сире́ны. Скре́жет тормозо́в. Огро́мный транспара́нт освети́л ночно́е не́бо: «Внима́ние! Челове́к на доро́ге!» Исполи́нское изображе́ние лица́ с гне́вно сжа́тыми губа́ми стреми́тельно надвига́лось на одино́кую фигу́рку в комбинезо́не.

    — Неме́дленно наза́д!

    — Хорошо́.

    Тепе́рь, кро́ме фонаре́й, загора́вшихся при его́ приближе́нии, ка́ждые сто ме́тров вспы́хивали и га́сли фиоле́товые сигна́лы Слу́жбы наблюде́ния.

    У перекрёстка в решётке был прохо́д. Он нево́льно отпря́нул наза́д, когда́ пе́ред его́ лицо́м захло́пнулась две́рца.

    — Автомоби́ль зака́зан. Жди́те здесь.

    — Не ну́жно. Мне… не́куда е́хать.

    — Зака́з отменён. Вы́йдите из по́ля зре́ния фотоэлеме́нта.

    То́лько сейча́с он вспо́мнил, что два дня ничего́ не ел.

    petites-nouvelles-russes - logo robot

    Il se tenait debout devant le grillage qui le séparait de la voie rapide. Pressant la paume de sa main contre son visage, il respira l'odeur amère et piquante du parfum. Autour de lui, il y avait comme un petit îlot de lumière.

    De l’autre côté, le flot des voitures courait sur la chaussée, sombres et rapides. Longeant le grillage, il fit quelques pas. La tache de lumière qui le ceinturait le suivit. Il tenta de s’en éloigner, mais de nouveau le halo le rattrapa. Alors il se mit à courir. Le halo se déplaça avec lui. Il lui semblait que s'il pouvait atteindre l'obscurité, le délire qui l’assaillait et l’empêchait de dormir la nuit disparaîtrait de lui-même.

    Enjambant la grille, il sauta et se retrouva sur la bande d'arrêt d'urgence longeant la chaussée.

    Il y eut un hurlement de sirène, le crissement de freins. Un immense panneau illuminant la nuit annonça : « Attention ! Piéton sur la route ! ». Une gigantesque image, celle d'un visage aux lèvres serrées de colère, s'approcha rapidement de sa silhouette solitaire.

    - Faites immédiatement demi-tour !

    - Bien, bien…, répondit-il.

    Désormais, en plus des lampadaires qui s'allumaient à chacun de ses pas, les gyrophares violets du service de surveillance autoroutière clignotaient tous les cent mètres.

    A un croisement, dans le grillage, il trouva un passage. Il eut involontairement un mouvement de recul quand une portière claqua devant son visage.

    Véhicule réservé. Patientez un instant.

    - Ce n'est pas nécessaire. Je… je n’ai nulle part où aller...

    - Commande annulée. Veuillez vous éloigner du champ de ma cellule photo-électrique.

    C'est seulement alors qu’il se rappela qu'il n'avait rien mangé depuis deux jours.