M. Zochtchenko – Gens nerveux

petites-nouvelles-russes : Gens nerveux
Gens nerveux - Нервные люди

Mikhaïl Zochtchenko - Михаил Зощенко
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Gens nerveux - Нервные люди

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(1925)
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Traduction : Michel Davidenkoff
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in 'Contes De La Vie De Tous Les Jours', Noir sur blanc, 1987

Недавно в нашей коммунальной квартире драка произошла. И не то, что драка, а цельный бой. На углу Глазовой и Боровой.

Дрались, конечно, от чистого сердца. Инвалиду Гаврилову последнюю башку чуть не оттяпали.

Главная причина народ очень уж нервный. Расстраивается по мелким пустякам. Горячится. И через это дерется грубо, как в тумане.

Оно, конечно, после гражданской войны нервы, говорят, у народа завсегда расшатываются. Может, оно и так, а только у инвалида Гаврилова от этой идеологии башка поскорее не зарастет.

А приходит, например, одна жиличка, Марья Васильевна Щипцова, в девять часов вечера на кухню и разжигает примус. Она всегда, знаете, об это время разжигает примус. Чай пьет и компрессы ставит.

Так приходит она на кухню. Ставит примус перед собой и разжигает. А он, провались совсем, не разжигается.

Она думает:

С чего бы он, дьявол, не разжигается? Не закоптел ли, провались совсем?

И берет она в левую руку ежик и хочет чистить.

Хочет она чистить, берет в левую руку ежик, а другая жиличка, Дарья Петровна Кобылина, чей ежик, посмотрела, чего взято, и отвечает:

Ежик-то, уважаемая Марья Васильевна, промежду прочим, назад положьте.

Щипцова, конечно, вспыхнула от этих слов и отвечает:

Пожалуйста, отвечает, подавитесь, Дарья Петровна, своим ежиком. Мне, говорит, до вашего ежика дотронуться противно, не то что его в руку взять.

Тут, конечно, вспыхнула от этих слов Дарья Петровна Кобылина.

Стали они между собой разговаривать. Шум у них поднялся, грохот, треск.

Муж, Иван Степанович Кобылин, чей ежик, на шум является. Здоровый такой мужчина, пузатый даже, но, в свою очередь, нервный.

Так является этот Иван Степаныч и говорит:

Я, говорит, ну ровно слон работаю за тридцать два рубли с копейками в кооперации, улыбаюсь, говорит, покупателям и колбасу им отвешиваю, и из этого, говорит, на трудовые гроши ежики себе покупаю, и нипочем, то есть, не разрешу постороннему чужому персоналу этими ежиками воспользоваться.

Тут снова шум и дискуссия поднялись вокруг ежика. Все жильцы, конечно, поднаперли в кухню. Хлопочут. Инвалид Гаврилыч тоже является.

Что это, говорит, за шум, а драки нету?

Тут сразу после этих слов и подтвердилась драка. Началось.

А кухонька, знаете, узкая. Драться неспособно. Тесно. Кругом кастрюли и примуса. Повернуться негде. А тут двенадцать человек вперлось. Хочешь, например, одного по харе смазать троих кроешь. И, конечное дело, на все натыкаешься, падаешь. Не то что, знаете, безногому инвалиду с тремя ногами устоять на полу нет никакой возможности.

А инвалид, чертова перечница, несмотря на это, в самую гущу вперся. Иван Степаныч, чей ежик, кричит ему:

Уходи, Гаврилыч, от греха. Гляди, последнюю ногу оборвут.

Гаврилыч говорит:

Пущай, говорит, нога пропадает! А только, говорит, не могу я тепереча уйти. Мне, говорит, сейчас всю амбицию в кровь разбили.

А ему, действительно, в эту минуту кто-то по морде съездил. Ну, и не уходит, накидывается. Тут в это время кто-то и ударяет инвалида кастрюлькой по кумполу.

Инвалид брык на пол и лежит. Скучает.

Тут какой-то паразит за милицией кинулся.

Является мильтон. Кричит:

Запасайтесь, дьяволы, гробами, сейчас стрелять буду!

Только после этих роковых слов народ маленько очухался. Бросился по своим комнатам.

Вот те, думает, клюква, с чего ж это мы, уважаемые граждане, разодрались?

Бросился народ по своим комнатам, один только инвалид Гаврилыч не бросился. Лежит, знаете, на полу скучный. И из башки кровь каплет.

Через две недели после этого факта суд состоялся.

А нарсудья тоже нервный такой мужчина попался прописал ижицу.

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Récemment une bagarre a éclaté dans notre appartement [communautaire]¹. Et pas qu'une bagarre, une vraie bataille. A l'angle de la Glazova et de la Borovaïa.

On se bagarrait, naturellement, le cœur pur. On a presque arraché la dernière cafetière de l'invalide Gavrilytch. Raison principale : les gens sont vraiment trop nerveux ; ils se détraquent pour des bagatelles de rien. Ils s'enfièvrent. Et donc, ils se battent avec grossièreté, comme dans un brouillard.

Oui, évidemment, après une guerre civile on dit que les nerfs du peuple se détraquent toujours. Peut-être, mais ce n’est pas cette idéologie qui cicatrisera plus vite la carafe de Gavrilytch.

Donc. mettons qu'une locataire, Maria Vassilievna Chiptsov, arrive dans la cuisine à neuf heures du soir et qu’elle allume son réchaud. Elle allume le réchaud tous les soirs à cette heure-là. Elle boit du thé et s'applique des compresses.

Donc, elle arrive dans la cuisine. Elle pose le réchaud devant elle et elle allume. Mais lui, qu'il aille se faire foutre, ne s’allume pas.

Elle pense : pourquoi ce putain de réchaud ne s'allume pas ? il est peut-être bouché, ce salopard !

Alors, de la main gauche elle prend l'écouvillon pour le déboucher. Elle veut le nettoyer, elle prend l'écouvillon de la main gauche, quand une autre locataire, Daria Pétrovna Kobyline, dont c'est l'écouvillon, jette un coup d’œil pour voir ce qui avait été enlevé et répond : - Ce balai, estimée Maria Vassilievna, entre autre, vous allez le reposer.

Bien entendu, la Chiptsov explose à ces paroles et répond : - Je vous en prie, répond-elle, étouffez-vous avec votre balai, Daria Pétrovna ! Ça m’écœure, dit-elle de toucher à votre balai, et encore plus de le prendre dans la main.

Là, bien entendu, Daria Pétrovna explose à ces paroles. Elles commencent à se parler entre elles. Il y a du brouhaha, du fracas, des pétarades.

Le bruit attire le mari, Ivan Stepanytch Kobyline, dont c'est l'écouvillon. Un homme qui pète de santé, même qu'il est bedonnant ; mais, à son tour, nerveux.

Paraît donc Ivan Stepanytch et dit : - Moi, dit-il, eh bien, je travaille comme un bœuf à la coopérative pour trente-deux roubles et des kopecks ; je souris aux clients, qu'il dit, je pèse leurs saucissons, et pour ces sous de travailleur j'achète des brosses, dit-il, et pour rien au monde, remarquez, je ne permettrai au personnel étranger au service de profiter de ces écouvillons.

Alors là, le tintouin recommence et une discussion s'instaure à propos de la brosse. Naturellement, tous les locataires viennent s'entasser dans la cuisine. Ils s'affairent. L'invalide Gavrilytch paraît aussi.

- Eh quoi, dit-il, pourquoi tout ce tintouin, et pas de bagarre ?

Aussitôt après ces paroles, la bagarre se confirme. C'est parti ! Or, la cuisine, vous savez, est exiguë. Pas faite pour les bagarres. On est à l'étroit. Autour il y a les casseroles et des réchauds. On ne sait pas où donner de la tête. Et vingt personnes s'y entassent. Par exemple, quand on veut démolir le portrait de quelqu'un, on en touche trois. Et puis, on se cogne contre tout, on tombe.

Alors, on n'a pas besoin d'être un invalide cul-de-jatte - même avec trois jambes il est rigoureusement impossible de rester debout sur le sol.

Or, l'invalide, ce poivrier du diable, fonce tout droit au cœur de la mêlée. Ivan Stepanytch, dont c'est l'écouvillon, lui crie : - Eloigne-toi du malheur, Gavrilytch. Fais gaffe, on va t’arracher ta dernière jambe !

Gavrilytch dit : - Qu'elle disparaisse, dit-il, ma jambe ! Mais, dit-il, je ne peux pas partir maintenant. Toutes mes ambitions, dit-il, on les a noyées dans le sang.

Et en effet. au même moment, quelqu'un lui enfonce la gueule. Mais il ne s'en va pas, il s'y plaît. Et au même moment quelqu'un frappe sa tronche avec une petite casserole.

L’invalide, plouf, tombe par terre et y reste. Il est dans les vapes.

Alors là, un parasite s'élance pour chercher la police.

Arrive un flic. Il crie : - Munissez-vous de cercueils, je vais tirer !

C’est seulement après ces paroles fatales que les gens se sont un peu calmés. Ils foncent vers leur chambre. Eh ben, pensent-ils, quelle tuile ! Pourquoi nous nous sommes déchirés, nous, citoyens honorables ?

Les gens ont foncé vers leur chambre, seul l'invalide Gavrilytch ne s'y est pas planqué. Il repose, vous savez, sur le sol, l'air emmerdé. Et le sang s'écoule de sa caboche.

Deux semaines après ces faits, le procès a eu lieu. Mais ils sont tombés sur un juge du peuple qui était aussi un peu nerveux. Il leur a fait la leçon².

1- Un ‘appartement communautaire’ (Коммунальная квартира) rassemble dans un même logement plusieurs foyers qui partagent les parties communes (cuisine, toilettes, salle de bain). Pour en savoir plus, lire : 'les appartements communautaires'. (note des pnr)

2- Ici le texte russe fait référence à une ancienne expression scolaire : ‘prescrire l’ijitsa’ (прописать ижицу), en référence à une ancienne lettre de l’alphabet cyrillique (d’avant la réforme orthographique de 1918) – ѵ -, expression synonyme de punition sévère, voire d’user du fouet. (note des pnr)

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