M. Zochtchenko – L’acteur

Mikhaïl Zochtchenko - Михаил Зощенко
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L'acteur - Актёр

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(1925)
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Traduction : Michel Davidenkoff
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in 'Contes De La Vie De Tous Les Jours', Noir sur blanc, 1987

Petites nouvelles russes - L'acteur

Рассказ этот — истинное происшествие. Случилось в Астрахани. Рассказал мне об этом актер-любитель. Вот что он рассказал.

Вот вы меня, граждане, спрашиваете, был ли я актером? Ну, был. В театре играл. Прикасался к этому искусству. А только ерунда. Ничего в этом нет выдающего, Конечно, если подумать глубже, то в этом искусстве много хорошего.

Скажем, выйдешь на сцену, а публика смотрит. А средь публики — знакомые, родственники со стороны жены, граждане с дому. Глядишь — подмигивают с партеру — дескать, не робей, Вася, дуй до горы. А ты, значит, им знаки делаешь — дескать, оставьте беспокоиться, граждане. Знаем. Сами с усами.

Но если подумать глубже, то ничего в этой профессии нету хорошего. Крови больше испортишь.

Вот раз ставили мы пьесу «Кто виноват?». Из прежней жизни. Очень это сильная пьеса. Там, значит, в одном акте грабители купца грабят на глазах у публики. Очень натурально выходит. Купец, значит, кричит, ногами отбивается. А его грабят. Жуткая пьеса.

Так вот поставили эту пьесу.

А перед самым спектаклем один любитель, который купца играл, выпил. И в жаре до того его, бродягу, растрясло, что, видим, не может роль купца вести. И, как выйдет к рампе, так нарочно электрические лампочки ногой давит.

Режиссер Иван Палыч мне говорит: — Не придется,— говорит,— во втором акте его выпущать. Передавит, сукин сын, все лампочки. Может,— говорит,— ты заместо его сыграешь? Публика дура — не поймет.

Я говорю: — Я, граждане, не могу,— говорю,— к рампе выйти. Не просите. Я,— говорю,— сейчас два арбуза съел. Неважно соображаю.

А он говорит: — Выручай, браток. Хоть на одно действие. Может, тот артист после очухается. Не срывай,— говорит,— просветительной работы.

Все-таки упросили. Вышел я к рампе. И вышел по ходу пьесы, как есть, в своем пиджаке, в брюках. Только что бороденку чужую приклеил. И вышел. А публика хотя и дура, а враз узнала меня, — А,— говорят,— Вася вышедши! Не робей, дескать, дуй до горы.

Я говорю: — Робеть, граждане, не приходится — раз,— говорю,— критический момент. Артист,— говорю,— сильно под мухой и не может к рампе выйтить. Блюет.

Начали действие.

Играю я в действии купца. Кричу, значит, ногами от грабителей отбиваюсь. И чувствую, будто кто-то из любителей действительно мне в карман лезет.

Запахнул я пиджачок. В сторону от артистов.

Отбиваюсь от них. Прямо по роже бью. Ей-богу! — Не подходите, — говорю, — сволочи, честью прошу.

А те по ходу пьесы это наседают и наседают. Вынули у меня бумажник (восемнадцать червонцев) и к часам прутся.

Я кричу не своим голосом: — Караул, дескать, граждане, всерьез грабят.

А от этого полный эффект получается. Публика-дура в восхищении в ладоши бьет. Кричит: — Давай, Вася, давай. Отбивайся, милый. Крой их, дьяволов, по башкам.

Я кричу: — Не помогает, братцы! И сам стегаю прямо по головам. Вижу — один любитель кровью исходит, а другие, подлецы, в раж вошли и наседают.

— Братцы,— кричу,— да что ж это? За какое самое это страдать-то приходится? Режиссер тут с кулис высовывается.

— Молодец,— говорит,— Вася. Чудно,— говорит,— рольку ведешь. Давай дальше.

Вижу — крики не помогают. Потому, чего ни крикнешь — все прямо по ходу пьесы ложится. Встал я на колени.

— Братцы,— говорю.— Режиссер,— говорю,— Иван Палыч. Не могу больше! Спущайте занавеску. Последнее,— говорю,— сбереженье всерьез прут! Тут многие театральные спецы — видят, не по пьесе слова — из кулис выходят. Суфлер, спасибо, из будки наружу вылезает.

— Кажись,— говорит,— граждане, действительно у купца бумажник свистнули.

Дали занавес. Воды мне в ковшике принесли. Напоили, — Братцы,— говорю.— Режиссер,—говорю,—Иван Палыч. Да что ж это,— говорю.— По ходу,— говорю,— пьесы ктой-то бумажник у меня вынул.

Ну, устроили обыск у любителей. А только денег не нашли. А пустой бумажник кто-то в кулисы кинул.

Деньги так и сгинули. Как сгорели.

Вы говорите — искусство? Знаем! Играли!

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Ce récit relate un fait authentique. Ça s'est passé à Astrakhan. C'est un acteur amateur qui me l'a raconté. Voici ce qu'il m'a dit :

— Bon, citoyens, vous me demandez si j'ai été acteur ? Mais oui, je l'ai été. J'ai joué au théâtre. J'ai touché à cet art. Mais c'est de la foutaise. Rien de bien folichon dans tout ça.

Naturellement, si on y réfléchit, il y a pas mal de bons côtés dans cet art. Par exemple, on entre en scène, et le public vous fixe. Et dans le public il y a des amis, des proches parents par alliance, des voisins de palier. On regarde et on voit qu'ils vous font des clins d’œil depuis l'orchestre, comme s'ils voulaient dire, vas-y, Vassia, mets le paquet. De votre côté, vous leur faites des signes qui signifient : arrêtez de vous tortiller, citoyens. Je suis au courant. Je suis pas débile.

Mais, si on y réfléchit, il n'y a rien de bon dans ce métier. On se fait plutôt du mauvais sang.

Eh bien, un jour on jouait la pièce « A qui la faute ? », tirée de la vie d'avant. Elle est forte, cette pièce. C'est-à-dire, dans un des actes, des bandits détroussent un commerçant au vu et au su du public. Ça a un air très naturel. Donc le commerçant hurle, il bat en retraite à coups de pied. Mais les autres le harcèlent. Formidable, la pièce !

Donc, on a joué cette pièce. Mais juste avant le spectacle un des amateurs, celui qui jouait le commerçant, s'était saoulé. Et avec toute la chaleur, il était tellement secoué, ce vaurien, qu'on a vu qu'il ne pouvait pas jouer le rôle du commerçant. Dès qu'il s'avance vers la rampe, il écrase exprès les ampoules électriques.

Le metteur en scène, Ivan Palytch, me dit : — Il ne faut pas le lâcher sur la scène au deuxième acte. Il va écraser toutes les ampoules, ce fils de pute. Et si tu jouais à sa place ? qu'il dit. Le public est con - il n'y verra que du feu.

Je dis : — Citoyen, moi je ne veux pas aller à la rampe. N'insiste pas ! Moi, dis-je, je viens de m'avaler deux pastèques. Je suis un peu dans les vapes.

Mais lui me dit : — Sauve-nous, petit. Ne serait-ce que pour un acte. L'autre artiste va se réveiller peut-être, entre temps. Ne sape pas, dit-il, notre travail éducatif !

Bon, ils m'ont eu. Je suis entré en scène.

Et je suis entré sans me changer, comme l'action de la pièce l'indique, avec mon veston et mon pantalon. Je me suis juste collé une fausse barbiche. Et c’est parti ! Le public, bien que con, m'a reconnu tout de suite.

— Ah, disent-ils, c'est Vassia qu'arrive ! Vas-y, qu'ils disent, mets le paquet !

Je dis : — J'y vais, citoyens, puisque, dis-je, c'est un moment critique, faut pas faire le timide. L’artiste, dis-je, est rond comme une bille et il peut pas s'approcher de la rampe. Il gerbe.

On a commencé. Dans cet acte je joue le commerçant. Donc, je hurle, je repousse les voleurs à coups de pied. Et voilà que je sens qu'un des amateurs a l'air de glisser sa main dans ma poche pour de bon.

Je boucle mon veston. Je saute de côté, loin des artistes. Je me défends. Je tape en pleine gueule, parbleu !

— N'approchez pas, dis je, salopards, je vous le demande en tout honneur !

Mais eux, comme prévu dans l'action de la pièce, ils me harcèlent de plus belle.

Ils ont piqué mon portefeuille (avec cent quatre-vingt roubles) et s’en prennent à ma montre.

Je hurle d'une voix méconnaissable : — Au secours, citoyens, on me dépouille pour de vrai !

Or, ça fait un effet bœuf. Le con de public, ravi, applaudit à tout rompre. On crie : — Vas-y, Vassia, vas-y. Défends-toi, petit. Enfonce-leur la cafetière !

Je crie : — Rien à faire, les potes !

Et je tape de plus belle sur leurs têtes. Je vois que le sang coule ce celle d’un comédien amateur ; les autres, les vilains, enragent et me bousculent.

— Eh les potes, c'est quoi tout ça ? Pour quelle raison je dois souffrir ainsi ?

Et voilà que le metteur en scène sort sa tête des coulisses : — T'es un crack, Vassia, dit-il. Tu joues à la perfection. Continue !

Je constate que mes cris n'y font rien. Parce que je peux crier n'importe quoi, ça correspond chaque fois à l'action de la pièce.

Je me suis mis à genoux.

— Mes p'tits potes..., dis-je, Ivan Palytch..., notre metteur en scène..., j'en peux plus. Baissez le rideau. On me pique, dis-je, mes dernières économies pour de vrai.

Là, beaucoup de spécialistes ès art dramatique s'aperçoivent bien que cette réplique ne figure pas dans la pièce et sortent des coulisses. Le souffleur, Dieu merci, s'extrait de son trou : — On dirait, citoyen, dit-il, qu'on a vraiment piqué le portefeuille du commerçant.

On a baissé le rideau. On m'a apporté un godet d'eau. On m'a abreuvé.

— Ah là là, les potes, dis-je, Ivan Palytch, notre metteur en scène ! Quelle histoire ! Quelqu'un a chouravé mon portefeuille comme c'est écrit dans la pièce.

Bon, on a fouillé tous les comédiens amateurs. Mais sans trouver mon argent. Quant au portefeuille on l'a retrouvé, vide, dans les coulisses.

Eh bien, l'argent avait complètement disparu. Comme s'il avait flambé.

Vous dites : — Le théâtre, un art ? Oui, je connais. J'ai joué moi-même.

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