M. Zochtchenko – L’aristocrate (2)

Petites nouvelles russes - Renoir, le déjeuner des canotiers, détail
Auguste Renoir, le déjeuner des canotiers, détail, 1880/81

L’aristocrate - Аристократка
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Suite - Продолжение

Вот мы и пошли. Сели в театр. Она села на мой билет, я — на Васькин. Сижу на верхотуре и ни хрена не вижу. А ежели нагнуться через барьер, то её вижу. Хотя плохо. Поскучал я, поскучал, вниз сошёл. Гляжу— антракт. А она в антракте ходит.

— Здравствуйте,— говорю.

— Здравствуйте.

— Интересно,— говорю,—действует ли тут водопровод? — Не знаю,— говорит.

И сама в буфет. Я за ней. Ходит она по буфету и на стойку смотрит. А на стойке блюдо. На блюде пирожные.

А я этаким гусем, этаким буржуем нерезаным вьюсь вокруг её и предлагаю: — Ежели,— говорю,— вам охота скушать одно пирожное, то не стесняйтесь. Я заплачу.

— Мерси,— говорит.

И вдруг подходит развратной походкой к блюду и цоп с кремом и жрёт.

А денег у меня — кот наплакал. Самое большое, что на три пирожных. Она кушает, а я с беспокойством по карманам шарю, смотрю рукой, сколько у меня денег. А денег — с гулькин нос.

Съела она с кремом, цоп другое. Я аж крякнул. И молчу. Взяла меня этакая буржуйская стыдливость. Дескать, кавалер, а не при деньгах.

Я хожу вокруг неё, что петух, а она хохочет и на комплименты напрашивается.

Я говорю: — Не пора ли нам в театр сесть? Звонили, может быть.

А она говорит: — Нет.

И берёт третье. Я говорю: — Натощак — не много ли? Может вытошнить. А она: — Нет,— говорит,— мы привыкшие. И берёт четвёртое.

Тут ударила мне кровь в голову.

— Ложи,— говорю,— взад! А она испужалась. Открыла рот, а во рте зуб блестит.

А мне будто попала вожжа под хвост. Всё равно, думаю, теперь с ней не гулять.

— Ложи,— говорю,— к чёртовой матери! Положила она назад. А я говорю хозяину: — Сколько с нас за скушанные три пирожные? А хозяин держится индифферентно — ваньку валяет.

— С вас,— говорит,— за скушанные четыре штуки столько-то.

— Как,— говорю,— за четыре?! Когда четвёртое в блюде находится.

— Нету,— отвечает,— хотя оно и в блюде находится, но надкус на ём сделан и пальцем смято.

— Как,— говорю,—надкус, помилуйте! Это ваши смешные фантазии. А хозяин держится индифферентно — перед рожей руками крутит.

Ну, народ, конечно, собрался. Эксперты.

Одни говорят — надкус сделан, другие — нету.

А я вывернул карманы — всякое, конечно, барахло на пол вывалилось — народ хохочет. А мне не смешно. Я деньги считаю.

Сосчитал деньги — в обрез за четыре штуки. Зря, мать честная, спорил.

Заплатил. Обращаюсь к даме: — Докушайте,— говорю,— гражданка. Заплачено. А дама не двигается. И конфузится докушивать. А тут какой-то дядя ввязался.

— Давай,— говорит,— я докушаю.

И докушал, сволочь. За мои-то деньги. Сели мы в театр. Досмотрели оперу. И домой. А у дома она мне и говорит своим буржуйским тоном: — Довольно свинство с вашей стороны. Которые без денег — не ездют с дамами.

А я говорю: — Не в деньгах, гражданка, счастье. Извините за выражение.

Так мы с ней и разошлись. Не нравятся мне аристократки.

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Et voilà, on est sorti. On s’assoit dans la salle. Elle occupe ma place, moi, celle de Vasska. J'ai une place dans les nuages et je vois que dalle. Mais quand je me penche par-dessus la rambarde, je la vois, elle. Quoique mal. Je me suis emmerdé à mourir, puis je suis descendu en bas. Que vois-je, c'est l'entracte. Et elle fait les cent pas pendant.

- Bonsoir, dis-je.
- Bonsoir.
- Question intéressante, dis-je, est-ce que la plomberie marche ici ?
- Je l'ignore, dit-elle.

Elle se dirige vers le buffet. Je la suis. Elle se promène devant le buffet en lorgnant le comptoir. Or, il y a un plat sur le comptoir. Et sur le plat - des gâteaux.

Or, moi, espèce de coq, espèce de bourgeois mal léché, je tourne autour d'elle et je propose :
- Au cas, dis-je, où vous auriez envie de consommer un gâteau ne soyez pas gênée. C'est moi qui paie.
- Merci, dit-elle.

Et tout à coup elle s'approche du plat d'une démarche libertine et hop, un à la crème qu'elle commence à bouffer.

Or, comme argent, j'ai des clopinettes. Tout au plus assez pour trois gâteaux. Elle mange ; moi, agité, je fouille dans mes poches. je regarde avec ma main combien d'argent j’ai. Or, côté argent, il y a des clous.

Elle achève celui à la crème et hop, au suivant. J'ai failli hurler. Mais je me tais. Je suis paralysé par une espèce de pudeur bourgeoise. Comment ? Un galant homme sans argent ?

Je tourne autour d'elle comme un coq ; elle se marre et veut des compliments.

Je dis :
- Ça ne serait pas l'heure de s'asseoir dans la salle ? On a peut-être sonné.

Mais elle dit :
- Non.

Et s'empare du troisième.

Je dis :
- A jeun, c'est peut-être trop ? Vous pourriez attraper la nausée.

Mais elle :
- Non, dit-elle, nous avons l'habitude.

Et elle saisit le quatrième.

Là, j'ai piqué un coup de sang.

- Pose-ça, dis-je, en arrière !

Elle a eu la trouille. Elle ouvre la bouche, et dans sa bouche la dent brille.

Mais moi, c'est comme si un taon m'avait piqué sous la queue. Tant pis, je pense, on n'est pas à la promenade maintenant.

- Pose-ça, dis-je, à tous les diables !

Elle l'a reposé. Moi je dis au patron :
- Ça fait combien pour nous, les trois gâteaux consommés ?

Or, le patron reste indifférent, il fait le clown.
- Vous me devez, dit-il, tant et tant pour les quatre tranches consommées.
- Comment ça ? dis-je, quatre ?! Alors que la quatrième se trouve encore sur le plat.
- Vous faites erreur, répond-il, c'est vrai qu'elle se trouve sur le plat, mais il y a des traces de dents, et des empreintes digitales.
- Ah bon, dis-je, des traces de dents ? De grâce ! C'est vos drôles de fantasmes ridicules !

Mais le patron reste indifférent, il agite ses mains devant ma gueule.

Enfin, le public, évidemment, s'est attroupé. Des experts. L'un dit qu'il y a des traces, les autres, non.

Pour ma part, j'ai retourné mes poches ; naturellement il y a tout un bric-à-brac qui tombe par terre ; les types se marrent. Mais moi, j'en ai pas envie. Moi, je compte l'argent. J'ai fini de compter - j'en avais juste assez pour payer quatre tranches. J'avais râlé pour rien. Crénom de Dieu !

J’ai payé. Puis je m'adresse à la dame.
- Terminez, dis-je, citoyenne. C'est réglé.

Mais la dame ne bouge pas. Elle est gênée pour terminer.

Et là, une espèce de type s'en mêle :
- Donne, dit-il, je vais la terminer. Et il l'a terminée le salopard. Pour mon argent.

On s’est assis dans le théâtre. On a suivi la fin de l'opéra. Et puis on est rentré.

Mais près de la maison elle me dit avec son ton bourgeois :
- C'est une assez belle saloperie de votre part. Quand on n’a pas d'argent, on ne sort pas des dames !

Et moi, je dis :
- L'argent, citoyenne, ne fait pas le bonheur. Excusez cette expression.

Voilà comment on s'est séparé.

Je n’aime pas les aristocrates.

Petites nouvelles russes - L'aristocrate
L'aristocrate, illustation de Sergueï Lemekhov (Сергей Лемехов), 2006

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