M. Zochtchenko – Une vie de riche (02)

Mikhaïl Zochtchenko - Михаил Зощенко
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Une vie de riche - ­Бога́тая жизнь

Episode deux - Второй эпизод

Petites nouvelles russes - Obligation d'Etat URSS 1935
Obligation d'Etat de l'URSS, 1935

 ...Я как в пе́рвый день получи́л де́ньги, так всё и начало́сь, все несча́стья... То жил споко́йно и безмяте́жно, то повезло́ со всех концо́в. А я как в кварти́ру с деньга́ми вкати́лся, так сра́зу ви́жу, что нела́дно что-то. Ро́дственники, коне́чно, ви́жу, колба́сятся по кварти́ре. То нет никого́, а то сидя́т на всех сту́льях. Поздравля́ют. Я, коне́чно, дал ка́ждому для поте́хи по два рубля́.

А Ми́шка, же́нин брати́шка, наибо́льше колбаси́тся.

— Дово́льно,— говори́т,— сты́дно по два рубля́ отва́ливать, когда́, говори́т, капита́лец есть.

— Ну, сло́во за́ слово, рука́ми по столу́ — дра́ка. Кто кого́ бьёт — неизве́стно. А Ми́шка снял с ве́шалки моё демисезо́нное пальти́шко и вы́шел.

...Ну, расплева́лся я с ро́дственниками. Стал так жить.

...Купи́л, коне́чно, вся́кого добра́. Кастрю́ли купи́л, пшена́, на два го́да. Стал ду́мать, куда́ ещё де́ньги присоба́чить.

...Смотрю́ — жена́ по хозя́йству трётся, ни отды́ху ей, ни сро́ку.

«Не де́ло,— ду́маю.— Хоть и ба́ба она́, а всё-таки равнопра́вная ба́ба. Стоп,— ду́маю.— Возьму́,— ду́маю,— ей в по́мощь небольшу́ю девчо́нку. Пуща́й девчо́нка проду́кты стря́пает».

Ну, взял. Девчо́нка крупу́ стря́пает, а жена́, на досу́ге, сиди́т це́лые дни на сундучке́ и пла́чет. То рабо́тала и весели́лась, а то сиди́т и пла́чет. Ей, ви́дите ли, на досу́ге вся́кие несча́стья ста́ли вспомина́ться, и как па́па её сконча́лся, и как она́ за́муж за меня́ вы́шла... Вообще́ поле́зла ей в го́лову по́лная ерунда́ от де́лать не́чего.

Дал я, коне́чно, супру́ге де́нег.

— Сходи́,— говорю́,— хотя́ бы в клуб и́ли в теа́тр. Я бы,— говорю́,— и сам с тобо́й пошёл, да мне, ви́дишь ли, за дрова́ми последи́ть на́до.

Ну, попла́кала ба́ба — пошла́ в клуб. В лото́ ста́ла игра́ть. Днём пла́чет — на досу́ге, а ве́чером игра́ет.

А я за дрова́ми слежу́. А девчо́нка проду́кты стря́пает.

А по́сле председа́тель захо́дит и говори́т: — Ты,— говори́т,— что ж э́то, су́кин кот, подро́стков эксплуати́руешь? Почему́,— говори́т,— девчо́нка Бы́кова не зарегистри́рована? Я,— говори́т,— на тебя́ в наро́дный суд пода́м, да́ром что ты де́ньги вы́играл...

Илья́ Ива́ныч сно́ва махну́л руко́й, попра́вил га́лстук и замолча́л.

— Пло́хо,— сказа́л я.

— Ещё бы не пло́хо,— оживи́лся Илья́ Ива́ныч.— Сижу́, ска́жем, за пи́вом, а в груди́ сосёт. Мо́жет, сию́ мину́ту дрова́ у меня́ спёрли. И́ли, мо́жет, в кварти́ру ле́зут... А у меня́ самова́р но́вый стои́т. И сиде́ть неохо́та, и идти́ неохо́та. Что ж до́ма? Жена́, коне́чно, мо́жет быть, пла́чет. Девчо́нка Бы́кова то́же пла́чет — бои́тся под суд идти́... Ми́шка, же́нин брат, наве́рное, вокру́г кварти́ры колба́сится — влезть хо́чет... Эх, лу́чше бы мне и де́нег э́тих не выи́грывать!

Илья́ Ива́ныч расплати́лся за пи́во и гру́стно пожа́л мне ру́ку. Я бы́ло хоте́л его́ уте́шить на проща́нье, но он вдруг спроси́л: — А чего́ э́то са́мое... Ро́зыгрыш-то но́вый ско́ро ли бу́дет? Тысчо́нку бы мне, э́тово, непло́хо вы́играть для ро́вного счёта...

Илья́ Ива́ныч одёрнул свой ро́зовый га́лстук и, кивну́в мне голово́й, торопли́во пошёл к до́му.

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...Et c’est comme ça depuis le premier jour, continue Ilya Ivanovitch. Dès que j’ai eu touché ce pognon. C’est à ce moment-là que tout a commencé, tous mes malheurs...

...Avant j’avais une vie calme et pépère, jusqu’à ce que je décroche le gros lot.

...A peine rentré avec l’oseille, j’ai immédiatement vu que quelque chose clochait à l'appartement. Ma famille, bien sûr. Je les vois tous qui gigotent. D’abord personne, puis tous le cul sur les chaises. Ils me félicitent. Moi, bien sûr, grand seigneur, je leur offre deux roubles, deux roubles à chacun, juste histoire de blaguer.

...Et c’est Michka, le frérot de ma femme, le plus excité de tous : - C’est une belle honte, qu’il dit, de refiler deux roubles quand on est un capitaliste plein aux as !

...Alors là, un mot en entraîne un autre, on frappe du poing sur la table : c’est la bagarre. On ne sait plus qui frappe qui. Et voilà-t-y pas que sur le porte-manteau Michka fauche mon paletot mi-saison et se débine avec.

...Voilà comment je me suis coupé d’avec tous mes proches parents. C’est comme ça...

...Bien sûr, j’ai acheté toutes sortes de choses : des casseroles, des céréales pour deux ans. J'ai commencé à réfléchir où placer mon pognon.

...Et puis je vois ma femme tout le temps qui se crève au ménage, sans trêve ni repos.

… « Ça va pas, que je pense. Et même si elle n’est qu’une bonne femme, elle a les mêmes droits que tout le monde… Stop ! que je pense… On prendra une petite bonne, que je me dis. La fille fera la popote. »

…Eh bien, on en a pris une. La fille fait la popote et ma femme, qui n’a plus rien à s’occuper, reste prostrée sur sa malle, toute la journée, et pleure.

...Avant elle s’affairait et était heureuse, à présent elle reste prostrée et pleure. Et, voyez-vous, pendant qu’elle est là à se tourner les pouces, elle commence à se remémorer toutes sortes de malheurs : le décès de son père et comment elle m'a épousé... En bref, plein d’absurdités qui lui passent par la tête parce qu'elle reste sans rien faire.

...Bien sûr, je lui ai refilé de mon blé : - Sors donc, que je lui dis, va danser ou alors va au théâtre. Je voudrais t’accompagner, que je lui dis, mais, vois-tu, je dois garder un œil sur le bois dans la cour.

...Eh bien, la journée elle pleure parce qu’elle n’a rien à faire, et le soir elle s’en va à son club, jouer au loto. Et pendant ce temps, je garde un œil sur le bois de chauffage, et la petite bonne fait la popote.

….Et puis le chef d’immeuble arrive et déclare : - Toi, qu’il dit, dis donc, espèce de fils de pute, tu exploites des gamines maintenant ? Pourquoi, qu’il m’interroge, la fille Bykova n’est-elle pas déclarée ? Je vais te traîner, qu’il ajoute, devant le tribunal du Peuple, même si tu en as plein les poches…

***

...Ilya Ivanovitch me fait de nouveau un geste de la main, redresse sa cravate et se tait.

- C'est bien triste tout ça, lui dis-je.

- C’est pire encore, réagit Ilya Ivanovitch. Je reste assis comme ça, à boire une bière, et l’angoisse qui me quitte pas. Peut-être qu’en ce moment même dans la cour on me fauche mon bois. Ou peut-être bien qu’y en a qui ont forcé ma porte… C’est qu’à la maison, j’ai un nouveau samovar... J’ai ni envie de rester ici à attendre ni envie de rentrer. Et à la maison quoi ? C’est sûr, peut-être ma femme est en train de pleurer. Et la fille Bykova elle aussi pleurniche – elle a peur d’être traînée devant le tribunal... Et Michka, mon beau-frère, qui tourne autour de l’appartement - il veut me dépouiller, le bougre... Ah, ça aurait été mieux si j’avais pas encaissé tout ce pognon !

Ilya Ivanovitch paye nos bières et me serre tristement la main. J’allais lui remonter le moral quand soudain il me demande : - Et à propos... Y aura-t-il bientôt une nouvelle émission de bons du Trésor ? Ça serait bien pour moi d'en acquérir un petit millier, juste pour faire un compte rond...

Ilya Ivanovitch rajuste alors sa cravate rose et, après un signe de la tête, me quitte et précipitamment rentre chez lui.

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