Bitt-Boy – Chapitre I

Petites nouvelles russes - Bitt-Boy - Roger Burgi - Poteries et vases 1
Petites nouvelles russes - Bitt-Boy - Roger Burgi - Poteries et vases 2

Toiles de Roger Burgi : Poteries et vases

BITT-BOY, LE PORTE-BONHEUR

Корабли в Лиссе

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Глава первая - Chapitre premier

Есть люди, напоминающие старомодную табакерку. Взяв в руки такую вещь, смотришь на неё с плодотворной задумчивостью. Она – целое поколение, и мы ей чужие. Табакерку помещают среди иных подходящих вещиц и показывают гостям, но редко случится, что её собственник воспользуется ею как обиходным предметом. Почему? Столетия остановят его? Или формы иного времени, так обманчиво схожие – геометрически – с формами новыми, настолько различны по существу, что видеть их постоянно, постоянно входить с ними в прикосновение – значит незаметно жить прошлым? Может быть, мелкая мысль о сложном несоответствии? Трудно сказать. /.../

Petites nouvelles russes - Bitt-Boy - Roger Burgi - Poteries et vases 3
Roger Burgi : Poteries et vases

Но, – начали мы, – есть люди, напоминающие старинный обиходный предмет, и люди эти, в душевной сути своей, так же чужды окружающей их манере жить, как вышеуказанная табакерка мародёру из гостиницы «Лиссабон». Раз навсегда, в детстве ли, или в одном из тех жизненных поворотов, когда, складываясь, характер как бы подобен насыщенной минеральным раствором жидкости: легко возмути её – и вся она в молниеносно возникших кристаллах застыла неизгладимо… в одном ли из таких поворотов, благодаря случайному впечатлению или чему иному – душа укладывается в непоколебимую форму. Её требования наивны и поэтичны: цельность, законченность, обаяние привычного, где так ясно и удобно живётся грёзам, свободным от придирок момента. Такой человек предпочтёт лошадей вагону; свечу – электрической груше; пушистую косу девушки – её же хитрой причёске, пахнущей горелым и мускусным; розу – хризантеме; неуклюжий парусник с возвышенной громадой белых парусов, напоминающий лицо с тяжёлой челюстью и ясным лбом над синими глазами, предпочтёт он игрушечно -красивому пароходу. Внутренняя его жизнь по необходимости замкнута, а внешняя состоит во взаимном отталкивании.

0. Trèfle

Il y a des gens qui font penser à d’anciens objets. Quand vous prenez ces objets dans vos mains et les regardez, mille pensées vous traversent la tête : ils portent à eux-seuls des générations entières, mais nous leur demeurons étrangers. Leurs propriétaires les ont posés là, parmi d'autres objets, ils les montrent à leurs visiteurs, mais rarement s'en servent au quotidien.

Pourquoi ? Est-ce le poids décourageant des siècles qu’ils renferment ? Est-ce leurs formes, issues d'un autre temps : si faussement similaires, dans leur géométrie, à celles d’aujourd’hui, mais pourtant si différentes dans leur essence ? Les voir en permanence, entrer régulièrement en contact avec eux signifierait-il accepter, sans s'en rendre compte, de vivre dans le passé ?

Mais peut-être est-ce là une pensée trop simple pour une incohérence plus complexe encore... Voilà qui est difficile à dire…

Mais reprenons ce que nous disions au début : Il y a des gens qui font penser à d’anciens objets du quotidien, et ces gens, dans leur essence spirituelle, sont tout aussi étrangers au mode de vie qui les entoure, que ces objets ne le seraient pour un maraudeur chapardant au sein d’un hôtel...

Pendant l'enfance, ou lors d’un de ces tournants que la vie réserve parfois, quand le caractère n’est pas encore formé, il est fréquent qu’une personne se trouve perturbée par quelque impression rencontrée au hasard ; alors – telle une solution aqueuse saturée- son âme précipite et se minéralise, se fige une fois pour toutes, de manière indéfectible, pareille à des cristaux de sel au fond d’un verre.

Une telle âme est empreinte de naïveté et de poésie : elle n'aspire qu'à l'intégrité, ne rêve que d’absolu, ne souhaite que profiter des charmes simples de la vie quotidienne. Là, seulement, ses pensées, ses aspirations, peuvent se développer à leur aise, sereinement, à l'abri des chicanes et de l'agitation du siècle...

Une telle personne préférera les roses aux chrysanthèmes, la flamme d’une bougie à l’éclat d’une ampoule électrique, les chevaux aux automobiles et la tresse duveteuse d’une jeune femme à une coiffure plus recherchée, poudrée et sentant le musc. A n’importe quel vapeur - si beau jouet soit-il -, elle préférera un voilier disgracieux mais empanaché de hautes voiles blanches, à l'image d' un visage à la mâchoire épaisse mais aux yeux bleus brillant sous un front pur.

Un tel être, inévitablement, se repliera sur lui-même ; sa vie sociale sera marquée du sceau de la répulsion et d'incompréhensions réciproques : le monde se tiendra loin de lui et lui se tiendra à l’écart du monde...