M. Zochtchenko – Une histoire d’invités (2)

Petites nouvelles russes - téléphone

Une histoire d’invités
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Интере́сный слу́чай в гостя́х

Episode deux - Второй эпизод

А в те го́ды на посту́ председа́теля был, ка́жется что, това́рищ Ры́ков¹.

Вот А́нна Си́доровна побледне́ла ещё бо́льше и говори́т:

Вы́зовем к аппара́ту това́рища председа́теля Ры́кова и спро́сим. То́лько и дело́в.

Подняли́сь кри́ки, гул. Мно́гим э́то показа́лось интере́сным.

Не́которые сказа́ли:

В э́том нет ничего́ осо́бенного.

А други́е сказа́ли:

Нет, не на́до.

Но хозя́ин отве́тил:

Коне́чно, э́тим звонко́м мы мо́жем ему́ помеша́ть, но всё-таки поговори́ть интере́сно. Я люблю́ молодёжь и согла́сен предоста́вить ей телефо́н для э́той це́ли.

Тут оди́н энерги́чный това́рищ Митро́хин подхо́дит к аппара́ту твёрдой похо́дкой и говори́т:

Я сейча́с вы́зову.

Он снима́ет тру́бку и говори́т:

Бу́дьте любе́́зны… Кремль…

Го́сти, затаи́в дыха́ние, вста́ли полукру́гом у аппара́та. Това́рищ А́нна Си́доровна сде́лалась совсе́м бе́лая, как бума́га, и пошла́ на ку́хню освежа́ться.

Жильцы́, коне́чно, со всей кварти́ры собра́лись в ко́мнату. Яви́лась и кварти́рная хозя́йка, на и́мя кото́рой запи́сана была́ кварти́ра, Да́рья Васи́льевна Пила́това.

Она́ отве́тственная съёмщица. И она́ пришла́ погляде́ть, всё ли идёт пра́вильно во вве́ренной ей кварти́ре.

Она́ останови́лась у две́ри, и в глаза́х у неё мно́гие заме́тили тоску́ и непонима́ние совреме́нности.

Энерги́чный това́рищ Митро́хин говори́т:

Бу́дьте любе́зны, попроси́те к аппара́ту това́рища председа́теля Рыко́ва. Что?

И вдруг го́сти ви́дят, что това́рищ Митро́хин перемени́лся в лице́, обвёл блужда́ющим взо́ром всех собра́вшихся, зажа́л телефо́нную тру́бку ме́жду коле́н, чтоб не слыха́ть бы́ло, и говори́т шёпотом:

Чего́ сказа́ть?.. Спра́шивают по како́му де́лу? Отку́да говоря́т?.. Секрета́рь, должно́ быть… Да говори́те же, чёрт возьми́.

Тут о́бщество не́сколько шара́хнулось от телефо́на. Кто-то сказа́л:

Говори́: из реда́кции… Из Пра́вды… Да говори́ же, подле́ц э́такий…

Из Пра́вды… глу́хо сказа́л Митро́хин. Что-с? Вообще́ насчёт статьи́.

Кто-то сказа́л:

Завели́ волы́нку. Тепе́рь расхлёбывайте. Во́все не на́до бы́ло врать, что из Пра́вды. Так бы́ло бы вполне́ хорошо́, а тепе́рь навра́ли, и неизве́стно ещё, как обернётся.

Кварти́рная хозя́йка Да́рья Васи́льевна Пила́това, на чьё благоро́дное и́мя запи́сана была́ кварти́ра, покачну́лась на своём ме́сте и сказа́ла:

Ой, тошнёхонько! Заре́зали меня́, подлецы́. Ве́шайте тру́бку. Ве́шайте в мое́й кварти́ре тру́бку. Я не позво́лю в мое́й кварти́ре с вождя́ми разгова́ривать…

Това́рищ Митро́хин обвёл свои́м блужда́ющим взгля́дом о́бщество и пове́сил тру́бку.

В комна́те наступи́ла тишина́...

1- Этот абзац отсутствует в предлагаемой аудиоверсии. Имя «товарища Рыкова» не упоминается.

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Dans ces années-là, le président des commissaires du peuple était, semble-t-il, le camarade Rykov¹.

Voici qu’Anna Sidorovna, devenant plus pâle encore, propose : - Appelons donc le camarade Rykov à son bureau et interrogeons-le. Voilà l’affaire.

Des exclamations s’élèvent, du brouhaha. Beaucoup trouvent l’idée intéressante.

Certains disent : - Y-a rien de mal à ça.

Et d'autres : - Non, non, surtout pas.

Mais l’hôte, Grigori Karavaïev, s’interpose : - Bien sûr, notre appel pourrait le déranger, mais ce serait quand même une discussion sacrément intéressante. J'aime votre jeunesse et je suis d’accord que vous lui téléphoniez d’ici.

Sur ce, Mitrokhine, un énergique camarade, s'approche du combiné d’un pas décidé et déclare : - Je l’appelle illico.

Il décroche le combiné : - S'il vous plaît... Passez-moi le Kremlin...

Les invités, retenant leur souffle, se rassemblent, en demi-cercle, debout autour de l'appareil. La camarade Anna Sidorovna, devient blanche comme un linge et se réfugie à la cuisine se rafraîchir.

Les autres colocataires de l’appartement² ont rejoint la pièce. La responsable, au nom de laquelle l'appartement est enregistré, Daria Vassilievna Pilatova, montre également le bout de son nez. En tant que responsable, elle est venue voir si tout allait comme il faut. Elle s’arrête sur le seuil de la porte et beaucoup remarquent la mélancolie de son regard et son incompréhension du monde moderne.

Mitrokhine, en camarade énergique, poursuit : - Ayez l’amabilité de demander au camarade Rykov de prendre l’appel. ... Comment ?...

Et soudain, les invités remarquent que le camarade Mitrokhine change de figure. Il dévisage d’un regard perdu tous ceux rassemblés autour de lui.

Il serre le combiné entre ses genoux pour en étouffer le son et murmure : - Que dois-je répondre ?... On me demande au sujet de quoi ? D'où est-ce que j’appelle ?... Une secrétaire sans doute... Dites-moi ce qu’il faut dire, que diable !

Ici, s’écartant du téléphone, l’attroupement fait un pas en arrière.

Quelqu'un lui suggère : - Dis que c’est la rédaction... de La Pravda... Parle-lui donc, mon salaud…

- De la part de La Pravda³... reprend Mitrokhine d'une voix sourde. ... Comment ?... Eh bien, à propos de l'article.

Quelqu'un s’exclame : - Bonjour les tracas ! Maintenant, démerdez-vous avec. Fallait pas leur raconter des bobards, dire que c’était La Pravda. Tout était bien, mais maintenant qu’on a raconté n’importe quoi, va savoir comment tout ça va tourner.

Daria Vasilievna Pilatova, la locataire au nom de laquelle l'appartement est enregistré, chancelle et déclare : - Oh, que me voilà patraque ! Ils m'ont poignardée, les canailles. Raccrochez. Raccrochez ce téléphone. Je n’autorise personne à parler à nos dirigeants depuis cet appartement...

Le camarade Mitrokhine jette un regard fuyant sur l’assemblée et raccroche.

Un grand silence envahit la pièce.

1- La nouvelle date de 1934/35. Ici,« huit ans plus tôt » renvoie au milieu des années 20. À l’époque, Alexeï Rykov (Алексей Иванович Рыков) (1881-1938) était alors le président du Conseil des commissaires des peuples de l’URSS (Совет Народных Комиссаров СССР). Il sera évincé ensuite, et finira exécuté quelques années après la parution de ce texte, victime des Procès de Moscou engagés par Staline. (nb. Ce paragraphe est absent de la version audio qui ne cite jamais Rykov et parle seulement du ‘président’ (предцедатель) sans préciser son nom.)
2- Il s’agit là d’un appartement communautaire – pour en savoir plus lire : Les appartements communautaires.
3- La Pravda (Правда) — ‘La Vérité’, journal fondé en 1912, il deviendra de 1918 à 1991 l’organe officiel du Parti communiste de l’Union soviétique. Dissous sous Boris Eltsine, il renaît de ses cendres en 1997.

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