M. Zochtchenko – Un petit vieux bien agité (02)

Petites nouvelles russes : Bureau des pompes funèbres
Bureau des pompes funèbres (бюро похоронных процессий)

Un petit vieux bien agité
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Расска́з о беспоко́йном старике́

Deuxième épisode - Второй эпизод

Lecture : Viola Rodiolova (Виола Родиолова)

Муж, э́тот главá семьи́, бежи́т тогдá поскорéй в райóнное бюрó похорóнных процéссий. И скорéе оттýда возвращáется.

Ну, говори́т, всё в поря́дке. Тóлько малéнько с лошадьми́ зацéпка. Колесни́цу, говори́т, хоть сейчáс даю́т, а лошадéй рáньше, как чéрез четы́ре дня, не обещáют.

Женá говори́т: — Я так и знáла. Ты, говори́т, с мои́м отцóм завсегдá при жи́зни цара́пался и тепéрь не мóжешь емý сдéлать одолжéния — не мóжешь емý ло́шадь достáть.

Муж говори́т: — А иди́те к чёрту! Я не верховóй, я лошадьми́ не заве́дую. Я,— говори́т,— и сам не рад дожидáться стóлько врéмени. Óчень,— говори́т,— мне глубóкий интерéс всё врéмя твоегó пáпу ви́деть.

Тут происхо́дят рáзные семейные сцéны. Ребёнок, не привы́кший ви́деть неживы́х людéй, пуга́ется и орёт благи́м мáтом.

И ня́нька отка́зывается слýжить э́той семьé, в кóмнате котóрой живёт покóйник.

Но её уговáривают не бросáть профéссию и обещáют ей поскорéй ликвиди́ровать смерть.

Тогдá самá мадáм, устáвшая от э́тих делóв, поспешáет в бюрó, но вскóре возвращáется оттýда блéдная как полотнó.

Лошадéй, говори́т, обещáют че́рез неде́лю. Éсли б мой муж, э́тот дурáк, остáвшийся в живы́х, записа́лся, когдá ходи́л, тогдá чéрез три дня. А тепе́рь мы уже́ шестна́дцатые на о́череди. А коля́ску, говори́т, действи́тельно, хоть сейчáс даю́т.

И самá одевáет поскорéй своегó ребёнка, берёт орýщую ня́ньку и в такóм ви́де éдет в Сестрорéцк пожи́ть у свои́х знакóмых.

Мне, говори́т, ребёнок дорóже. Я не могý емý с дéтских лет пока́зывать таки́е тумáнные карти́ны. А ты как хóчешь, так и делáй.

Муж говори́т: - Я, говори́т, тóже с ним не оста́нусь. Как хоти́те. Э́то не мой стари́к. Я, говори́т, егó при жи́зни не осóбенно долю́бливал, а сейчáс, говори́т, мне в осóбенности проти́вно с ним вмéсте жить. И́ли, говори́т, я егó в коридóр постáвлю, и́ли я к своему́ брáту переéду. А он пущáй тут дожидáется лошадéй.

Вот семья́ уезжáет в Сестрорéцк, а муж, э́тот главá семьи́, бежи́т к своему́ брáту.

Но у брáта в э́то врéмя всей семьёй происхо́дит дифтери́т, и егó нипочём не хотéли пускáть в кóмнату.

Вот тогдá он вернýлся назáд, положи́л заснýвшего старичкá на ýзкий ло́мберный стóлик и постáвил э́то сооружéние в коридóр óколо вáнной. И сам закры́лся в своéй кóмнате и ни на каки́е стýки и вы́крики не отвечáл в течéние двух дней.

Тут происхо́дит в коммунáльной кварти́ре сплошнáя ерундá, волы́нка и неразбери́ха.

Жильцы́ поднимáют шум и вой.

Жéнщины и дéти перестаю́т ходи́ть кудá бы то ни бы́ло, говоря́т, что они́ не мо́гут проходи́ть без тогó, чтóбы не испугáться.

Тогдá мужчи́ны нарасхвáт берýт э́то сооружéние и переставля́ют егó в пере́днюю, что вызывáет пáнику и замешáтельство у входя́щих в кварти́ру.

Завéдующий кооперати́вом, живýщий в угловóй кóмнате, заяви́л, что к нему́ почему́-то чáсто хóдят знакóмые жéнщины и он не мóжет рисковáть ихни́м нéрвным здорóвьем.

Petites nouvelles russes : La momie

Le mari, en chef de famille, court en vitesse au bureau des pompes funèbres locales et en revient aussi vite.

- Eh bien, qu'il dit, tout est arrangé. Il y a juste un ennui du côté des chevaux. Le corbillard, qu’ils m’ont dit, quand vous voudrez, mais les chevaux ils ne les promettent pas avant quatre jours.

La femme répond : - Je le savais. Toi, lui dit-elle, tu t’es toujours chamaillé avec mon père toute sa vie et maintenant tu es incapable de lui rendre un service : même pas de lui dégoter un cheval.

- Allez au diable ! réagit le mari. Moi, je m’occupe pas de chevaux, j’ai pas d’écurie. Moi, dit-il, je n’ai aucun plaisir à devoir attendre si longtemps. Penses-tu que j’ai un si profond intérêt à voir ton père tout ce temps ?

Et voilà, c'est parti pour diverses scènes de ménage. L’enfant, peu habitué à voir des gens pas vivants, prend peur et se met à brailler de toutes ses forces.

La nounou refuse de servir dans une famille dans la chambre de laquelle vit un défunt. Mais on la persuade de pas lâcher son métier et on lui promet de liquider dare-dare le mort.

Alors Madame en personne, lasse de ces péripéties, se hâte au bureau des pompes funèbres, mais en revient vite, pâle comme un linceul.

- Les chevaux, dit-elle, on les promet d'ici une semaine. Si mon mari, ce con, toujours vivant lui, s'était inscrit en s’y rendant, ça aurait été pour dans trois jours. Mais maintenant il y a déjà quinze personnes avant qui attendent. Quant au corbillard, dit-elle, ils le fournissent tout de suite, pour peu qu'on en fasse la demande.

Alors elle habille son enfant en quatrième vitesse, prend par le bras la nounou hurlante et part ni une ni deux pour Sestroretsk¹ chez des amis.

- Pour moi, dit-elle, mon enfant est plus cher que tout. Je ne veux pas lui montrer ce genre de tableaux embrumés dès son plus jeune âge. Quant à toi, fais comme bon te semble.

Le mari : - Moi, dit-il, je ne vais pas non plus rester ici avec lui. Faites comme vous voudrez. C'est pas mon vieux à moi. Moi, dit-il, je ne l'affectionnais déjà pas spécialement de son vivant. Et maintenant, dit-il, ça me dégoûte tout particulièrement de cohabiter avec lui. Ou bien je le dépose dans le couloir, ou bien je déménage chez mon frère. Quant à lui, il n'a qu'à attendre ses chevaux tout seul.

Et voilà : la famille part pour Sestroretsk et le mari court chez son frère.

Cependant, au même moment toute la famille de ce frère a contracté la diphtérie, et pour rien au monde ils ne veulent lui ouvrir la porte.

Alors il revient. Il dépose le petit vieux endormi sur une étroite petite table de jeu et déménage cet assemblage dans le couloir, près de la salle de bain collective. Puis il s'enferme dans sa chambre, ne répondant pendant deux jours à aucun coup à sa porte ni à aucune injonction.

Alors là, dans l'appartement communautaire, c’est la salade totale : chicanes et tohu-bohu. Les occupants poussent des hauts cris et des gémissements.

Les femmes et les enfants ne sortent plus nulle part, ils disent qu'ils ne peuvent pas passer devant sans être terrorisés.

Alors les hommes prennent d’assaut cet assemblage, s’en saisissent et le transbahutent à l’entrée de l’appartement, ce qui sème la panique et l’embarras chez les visiteurs.

Un gérant de coopérative, qui loge dans la chambre d'angle, déclare quant à lui qu'il reçoit souvent chez lui, Dieu sait pourquoi, des connaissances féminines et qu'il ne peut risquer de mettre en péril leur équilibre nerveux…

1- Sestroretsk (Сестрорецк), station balnéaire située dans le district de Saint-Pétersbourg.