M. Zochtchenko – Bonne fête ! (02)
Bonne fête !
Расска́з об имени́ннице
Second épisode - Второй эпизод
Lecture : Vladimir Samoïlov (Владимир Самойлов)
Мне, городско́му челове́ку, ужа́сно как ста́ло нело́вко е́хать в теле́ге, тем бо́лее что имени́нница кры́ла тепе́рь всё гро́мче и гро́мче и меня́, и мои́х родны́х, и своего́ полупочте́нного супру́га.
Я пода́л мужику́ рубль, спры́гнул с теле́ги и сказа́л:
– Пуща́й ба́ба ся́дет. Я пройду́сь.
Мужи́к взял рубль и, не снима́я с головы́ ша́пки, засу́нул его́ куда́-то под во́лосы.
Одна́ко свою́ имени́нницу он не стал ждать. Он сно́ва зацо́кал языко́м и дви́нул да́льше.
Я му́жественно шага́л ря́дом, держа́сь за теле́гу руко́й, пото́м спроси́л:
– Ну, что ж не сажа́ешь-то?
Мужи́к тяжело́ вздохну́л:
– Доро́га дю́же тяжёлая. Не мо́жно сажа́ть сейча́с… Да ничего́ ей, ба́бе-то. Она́ у меня́ – дья́вол, двужи́льная.
Я сно́ва на ходу́ влез в теле́гу и дое́хал до са́мой дере́вни, стара́ясь тепе́рь не гляде́ть ни на моего́ изво́зчика, ни на имени́нницу.
По доро́ге мужи́к сказа́л:
– Я, ви́дишь ли, со́бственно, ло́шадь жале́ю. Тем бо́лее мы не в колхо́зе. А мы – единоли́чники. А то я ба́бу обяза́тельно бы посади́л. На казённую ло́шадь. А э́ту я берегу́. Тем бо́лее ба́ба у меня́ мо́жет ходи́ть ско́лько уго́дно. По са́мым худы́м доро́гам.
Я говорю́ мужику́:
– Всё-таки она́ имени́нница. На́до бы́ло бы её ува́жить.
– До́ма я её непреме́нно ува́жу, – сказа́л мужи́к. – Но тут доро́га тяжёлая, и ты ещё влез.
Че́рез полчаса́ мы прие́хали. Мужи́к сказа́л:
– Доро́га дю́же тяжёлая, вот что я скажу́. За таку́ю доро́гу на́до троя́к брать с вас, городски́х. Ка́жется, ви́дел, – я ба́бу не посади́л – до чего́ тяжёлый путь.
Я говорю́:
– Проти́в це́ны не спо́рю.
И стал с ним распла́чиваться.
А когда́ расплати́лся, вдруг подошла́ имени́нница. Пот кати́л с неё гра́дом. Она́ одёрнула свои́ ю́бки и, не гля́дя на супру́га, сказа́ла:
– Выгружа́ть, что ли?
– Коне́чно, выгружа́ть, – сказа́л мужи́к, – не до ле́ту лежа́ть това́ру.
Имени́нница подошла́ к теле́ге и ста́ла выгружа́ть поку́пки, унося́ их в дом.
Я подари́л имени́ннице пять целко́вых и с расстро́енной душо́й пошёл по свои́м дела́м.
А когда́ возвраща́лся обра́тно в го́род, то ду́мал о дереве́нской жи́зни. И о таки́х нра́вах, кото́рые да́же и не запи́саны в литерату́ре.
Вот, дороги́е друзья́, како́го со́рта быва́ют неуда́чи. Хорошо́, что они́ сменя́ются уда́чами.
И как э́то, пра́вда, хорошо́ и вполне́ уда́чно, что тепе́решняя переме́на в дере́вне как раз уда́рила по таки́м мужья́м, у кото́рых таки́е имени́нницы. (…)
Moi, venant de la ville, je me sens terriblement gêné d’être assis là, dans cette charrette, d'autant plus que la bonne femme (dont c’est en ce jour la fête) hausse de plus en plus le ton, gueulant contre moi, toute ma famille et son peu vénérable époux réunis.
A celui-ci je tends un rouble et je saute de la charrette tout en disant : - Laisse-la donc s'asseoir à ma place. Ça me fera une promenade.
Le paysan prend le rouble et, sans même retirer sa chapka, le glisse quelque part dans sa tignasse.
Cependant, claquant à nouveau sa langue, sans attendre sa moitié (dont c’est la fête), voilà qu’il poursuit son chemin.
Avec courage, je marche à ses côtés, m’agrippant au véhicule d’une main. Enfin je lui demande : - Eh bien, pourquoi ne la laisses-tu pas monter ?
Le paysan pousse un profond soupir : - La route est fort difficile. Impossible qu’elle monte ici... Mais c’est pas grave pour elle. C’est une diablesse, la bonne femme, elle est increvable !
Alors je remonte dans la charrette, essayant jusqu’au village de ne regarder ni du côté de mon cocher ni vers son épouse dont c’est la fête.
En chemin, l'homme me dit : - Vois-tu, j’ai pitié de mon cheval. De plus, nous on n’est pas du kolkhoze¹. On est des paysans indépendants². Si ça avait été un cheval de l’Etat, ma bonne femme je l’aurais bien définitivement laissée monter. Mais faut que je prenne soin de l’animal. De plus, ma femme, elle, peut marcher à souhait. Et sur des chemins bien pires.
Je dis au bonhomme : - C’est son jour de fête pourtant. Tu pourrais avoir un peu de considération pour elle.
- A la maison, sans problème elle aura toute ma considération. Mais ici la route est difficile et toi aussi t’es un poids...
Une demi-heure plus tard, nous voilà à destination. Le paysan m’interpelle : - La route est diablement difficile, c'est ce que je vous dirais. A vous les gens de la ville, pour une telle route, on devrait vous faire payer trois roubles. T’as bien vu que ma bonne femme je l’ai pas laissée s’asseoir tant le chemin est rude.
Moi : – Je n’ai rien contre à payer ce qui faut.
Et je paie.
Et quand j'ai payé, la commère soudain arrive. Tout en sueur. Elle redresse ses jupes et, sans même regarder son mari, lui demande : - Faut décharger, ou quoi ?
- Bien sûr, faut décharger, lui répond son bonhomme, les marchandises, elles vont pas traîner ici jusqu’à l'été...
La femme s’approche de la charrette et commence à déballer les achats et à les porter à l’intérieur.
A elle, je lui ai donné cinq roubles et, l'âme bouleversée, je suis parti m’occuper de mes affaires.
Et, revenu en ville, j'ai repensé à la vie dans ces villages et à ces mœurs que la littérature n’a même pas consignées.
Voilà, chers amis, le genre d’échecs qu’on y croise. Et ce sera bien qu’à tant d’infortunes succèdent de meilleurs jours.
Et comme il est bon et bienvenu que les changements actuels dans les campagnes touchent aussi de tels maris qui ont de telles épouses, à qui on souhaite bonne fête...
1- Kolkhoze (колхоз) : Exploitation agricole collective, dans l'ex-URSS.
2- La collectivisation des terres agricoles fut officialisée en URSS par un décret du 6 janvier 1930, entraînant la disparition de la paysannerie privée.