Mikhaïl Zochtchenko - Михаил Зощенко
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Le conte de l’étudiant et du scaphandrier­
Расска́з о студе́нте и водола́зе

 

Extrait du Livre bleu ciel (Голуба́я кни́га)

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(1935)

Premier épisode - Первый эпизод

Voilà qui est intéressant. Deux gars se sont battus. Deux types se sont castagnés, et c’est le plus faible, un garçon fragile, malingre et scrofuleux¹, qui a mis au tapis le plus costaud.

J’ai même peine à y croire. Comment donc, camarades, un gars si faible a-t-il pu violer toutes les lois fondamentales de la physique et de la chimie ? Aurait-il tout manigancé ? A-t-il roulé l’autre dans la farine ?

Non ! C’est juste qu’il a fait preuve de caractère. Je dirais même plus : de courage. Et c'est ainsi qu'il a terrassé son ennemi.

Je vous le dis : deux types se sont battus ; un scaphandrier, le camarade Filippov, un gaillard énorme, arborant une moustache impériale, et l’autre, un gamin, un étudiant traînant sur les bancs de la fac. Un garçon assez instruit, plus ou moins intellectuel. (Et, soit dit en passant, homonyme de notre célèbre romancier soviétique Malachkine².)

Le scaphandrier Filippov, je le répète, était un type robuste. En plongée sous-marine, bien sûr, les êtres fragiles ne sont pas de mise. Mais celui-là se trouvait être diablement costaud.

Et l’étudiant, de son côté, bien entendu, était un petit gringalet. Et, par-dessus le marché, pas particulièrement beau. Toujours avec quelque infection sur la tronche. De l’eczéma, ou je ne sais quoi.

Et voilà qu’ils se sont castagnés.

Il me faut seulement préciser ici qu’entre eux nulle question de lutte des classes. Ni de différence idéologique non plus. Tous deux étaient d'origine tout ce qu’il y a de plus prolétaire. La cause de leur lutte acharnée naquit d’une histoire de cœur.

Pour le dire crûment, ils n’ont tout simplement pas partagé la même nana ! Après ces années de Révolution, ils n'ont pas voulu partager ! Quelle blague !

La nana en question, c'était Chourotchka. Alors, bien sûr, pensez donc ! Une petite bouche, un petit nez, tout y était. Mais rien pourtant de décoiffant non plus.

Mais le scaphandrier, le camarade Filippov, était profondément et, même, excessivement amoureux d'elle.

Elle a bien voulu sortir un tout petit peu avec lui puis brusquement a viré du côté de la semi-intelligentsia, jetant son dévolu sur Malachkine. Peut-être qu’il lui semblait plus causant. Ou peut-être que ses mains étaient moins sales. Je ne sais pas. Toujours est-il qu’elle s’est littéralement entichée de lui. Et les voilà pris l’un pour l’autre d’un amour ardent.

Mais lui, Malachkine, vous savez, ne trouve pas ce bonheur folichon. Parce qu’il comprend qu’il y a en face un redoutable adversaire. Cependant, il ne fait montre de rien et parade tout à fait ouvertement avec sa conquête, conduit sa dame de-ci de-là. Courageusement, bras dessus bras dessous.

Et ainsi ils traversent la cour. Pendant ce temps, Philippov, le scaphandrier, les observe. Mais Malachkine ne se montre pas timide et, au contraire, brandit bien haut l’étendard de son amour.

Et le scaphandrier, bien sûr, l’agonit d’injures sans que notre étudiant ait le temps de dire ‘ouf’.

Il l’affuble de quelques noms grossiers et, à l’occasion, lui décoche un sacré coup dans le plexus. Tout en le bousculant, il lui dit : - Eh bien, on va te faire chanter la sérénade ! Espèce de parasite, je vais te dévisser la caboche !

Eh bien sûr, l’étudiant encaisse avant de prendre le large...