M. Zochtchenko – Le maître d’école

Petites nouvelles russes : Mikhaïl Zochtchenko
Mikhaïl Zochtchenko (Михаил Михайлович Зощенко)

Mikhaïl Zochtchenko - Михаил Зощенко
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Le maître d'école
­Учи́тель (Бе́дный Тру́пиков)

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(1922)

(nb : cette nouvelle ne fait pas partie du ‘Livre bleu ciel’)

Voici une des toutes premières nouvelles publiée de Mikhaïl Zochtchenko, en 1922, qui aurait mérité de conclure le chapitre sur l'Infortune du Livre bleu ciel... (nb. Il en existe - au moins - deux versions)

Учи́тель второ́й ступе́ни Ива́н Семёнович Тру́пиков одёрнул ку́цый свой пиджачо́к, ка́шлянул в ру́ку и ро́бкими шага́ми вошёл в класс.

– Вы опя́ть опозда́ли? – стро́го спроси́л дежу́рный учени́к.

Ива́н Семёнович сконфу́зился и, почти́тельно здоро́ваясь с кла́ссом, ти́хо сказа́л:

– Э́то трамва́й, зна́ете ли… Э́то я на трамва́й не попа́л… Пря́мо беда́ с э́тим ви́дом передвиже́ния...

– Отгово́рочки! – усмехну́лся дежу́рный.

Учи́тель ро́бко присе́л на ко́нчик сту́ла и зажму́рил глаза́. Стра́нные воспомина́ния тесни́лись в его́ уме́…

Вот он, учи́тель исто́рии, вхо́дит в класс, и все ученики́ почти́тельно встаю́т. А он, Ива́н Семёнович, кре́пким стро́гим ша́гом идёт к ка́федре, открыва́ет журна́л и… ах, необыкнове́ннейшая тишина́ водворя́лась в кла́ссе! И тогда́ он учи́тель строжа́йше смотре́л в журна́л, пото́м на ученико́в, пото́м опя́ть в журна́л и называ́л фами́лию.

– Семёнов Никола́й!

Учи́тель вздро́гнул, откры́л глаза́ и ти́хо сказа́л:

– Това́рищ Семёнов…

– Чего́ на́до? – спроси́л учени́к, рассма́тривая альбо́м с ма́рками.

– Ничего́-с, – сказа́л учи́тель. – Э́то я так. Не придава́йте значе́ния.

– Чего́ так?

– Ничего́-с… Э́то я хоте́л узна́ть – здесь ли молодо́й това́рищ Семёнов…

– Здесь! – сказа́л Семёнов, разгля́дывая на свет каку́ю-то ма́рку. Учи́тель прошёлся по кла́ссу.

– Извиня́юсь, молоды́е това́рищи, – сказа́л он, – на сего́дня вам за́дано… то есть я хоте́л сказа́ть… предло́жено прочита́ть – рефо́рмы бы́вшего Алекса́ндра I. Так, мо́жет быть, извиня́юсь, кто́-нибудь расска́жет мне о рефо́рмах бы́вшего Алекса́ндра I… Я, пове́рьте, молоды́е това́рищи, с презре́нием говорю́ об импера́торах.

В кла́ссе засмея́лись.

– Э́то я та́к, – сказа́л учи́тель. – Э́то я волну́юсь, молоды́е това́рищи. Не истолко́вывайте превра́тно мои́х слов. Я не наста́иваю. Я да́же рад, е́сли вы не хоти́те расска́зывать… Я волну́юсь, молоды́е това́рищи…

– Да помолчи́ ты хоть мину́ту! – разда́лся чей-то го́лос. – Трещи́т как соро́ка.

– Молчу́. Молчу́-с… – сказа́л учи́тель. – Я то́лько тихо́нько. Я тихо́нько то́лько хочу́ спроси́ть у молодо́го това́рища Се́мечкина, – каки́е он извлёк полити́ческие но́вости из газе́ты «Пра́вда?»

Се́мечкин отложи́л газе́ту в сто́рону и сказа́л:

— Э́то что? Газе́ту, по-ва́шему, убра́ть? Да я, чёрт возьми́…

[– Э́то вы что – намёк? Газе́ту по-ва́шему убра́ть? Э́ту газе́ту убра́ть? Да зна́ете ли вы… Да я вас за э́то…

– Ничего́-с… ничего́-с… Ей-бо́гу, ничего́… То есть про бо́га я ничего́ не сказа́л… Не истолко́вывайте превра́тно.

Учи́тель в волне́нии заходи́л по кла́ссу.

– Да не мелька́й ты пе́ред глаза́ми! – сказа́л кто́-то. – Встань к доске́!

Учи́тель встал к доске́ и, сморка́ясь в полоте́нце, тихо́нько запла́кал.

Ны́нче таки́х учителе́й, как мой бе́дный Тру́пиков, коне́чно, не́ту. Но бы́ли. Они́ бы́ли в 18 году́, в перехо́дное вре́мя..²

1- В зависимости от версии.
2- Последний абзац отсутствует в аудиоверсии.

Séparateur 1

Ivan Semionovitch Troupikov, enseignant du second degré, a redressé sa veste tout étriquée, et, toussant dans sa main, est entré dans la classe à pas timides.

- Vous êtes encore en retard ? lui demande sévèrement le délégué de la classe.

Ivan Semionovitch, bien embarrassé, et saluant respectueusement la classe, répond d’une petite voix : - C'est à cause du tram, voyez-vous... J’ai loupé mon tram… Quel malheur tous ces transports...

- Encore des prétextes ! dit l’élève, avec un sourire moqueur.

Le professeur pose timidement le bout de ses fesses sur sa chaise et plisse les yeux. D'étranges souvenirs se bousculent dans sa tête...

Le voilà, lui, professeur d'Histoire, qui entre dans la classe, et tous les élèves se lèvent respectueusement. Et lui, Ivan Semionovitch Troupikov, se dirige d'un pas décidé vers son bureau et ouvre un magazine, et... ah..., un silence extraordinaire envahit alors la salle ! Et puis lui, le maître d’école, jette un regard sévère sur les pages son magazine, puis sur ses élèves, puis de nouveau se plonge dans son magazine, et puis épelle un nom.

- Nikolaï Semionov !

Le professeur frissonne, il ouvre les yeux et dit d’une toute petite voix : - Camarade Semionov...

- De quoi t’as besoin ? lui demande l’élève, sans même quitter des yeux son album de timbres.

- De rien, m’sieur, dit l’enseignant. C'est juste moi. Ne faites pas attention.

- Quoi donc encore ?

- Rien, m’sieur... Je voulais seulement m’assurer que le jeune camarade Semionov était là...

- Ici ! dit Semionov en regardant à la lumière un de ses timbres.

L’enseignant fait le tour de la classe : - Je m'excuse, mes jeunes camarades, dit-il, mais aujourd'hui vous deviez... c'est-à-dire, je voulais dire... je vous avais suggéré de lire les réformes du ci-devant tsar Alexandre Ier. Alors, peut-être, je…, excusez-moi, quelqu'un pourrait me parler des réformes de ce ci-devant tsar ?... Quant à moi, croyez-moi sur parole, mes jeunes camarades, je n’ai que du mépris pour tous ces empereurs...

La classe entière éclate de rire.

- C'est rien, dit l’enseignant, c'est juste moi qui suis troublé, mes jeunes camarades. Ne prenez pas à mal mes propos. Bon, je n'insiste pas. Je suis même content si vous ne voulez pas répondre... J’en suis tout remué, mes jeunes camarades...

- Ferme-la une minute ! s’écrie une voix. Tu jacasses comme une pie.

- Je me tais. Je me tais, m’sieur…, dit l’enseignant. Je dois juste…, je désirais seulement gentiment demander à votre jeune camarade Sémetchkine quelles informations politiques il nous a trouvées dans la Pravda¹ ?

Sémetchkine pose son journal de côté et répond : - Quoi encore ? Pour vous, faudrait que j’arrête de lire ce journal ? Diable, je pourrais bien…

[– Vous insinuez quoi ? Pour vous, ce journal, faudrait que j’arrête de le lire ? Savez-vous... Pour cela, je pourrais bien vous...

- Ce n’est rien…, rien, camarade... Par Dieu, rien du tout... Non, non, je n'ai pas parlé de Dieu... Ne vous méprenez pas...

L’enseignant fait le tour de sa classe tout inquiet.

Allons, cesse de papillonner ainsi ! ajoute un autre élève. Passe au tableau !

L’enseignant s'est levé et, debout devant le tableau, se mouchant dans un torchon, se met à pleurer doucement.

Aujourd'hui, bien sûr, il n'y a plus de professeur comme mon pauvre Troupikov. Mais il y en avait. En 1918, durant la période de transition…³

1- Selon les versions.
2- La Pravda (Правда) : journal officiel du Parti communiste de l'Union soviétique.
3- Ce dernier paragraphe est absent de la version sonore.

Sources (en russe) :
zosshenko.ru / traumlibrary.ru

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