Grégory Oster : Les petits bonshommes

Petites nouvelles russes - Маленькие человечки
Les petits bonshommes, illustration de Géorgy Youdine (Георгий Юдин)

Grégory Oster - Григорий Остер

Légendes et mythes de l’allée de Lavrov

Леге́нды и ми́фы Лавро́вого переу́лка

Les petits bonshommes - Ма́ленькие челове́чки

Жил в Лавро́вом переу́лке дя́дя Пе́тя, кото́рый ниче́го не знал про дете́й. Он вообще́ не знал, что на све́те де́ти быва́ют. Верне́е, ра́ньше, когда́ дя́дя Пе́тя сам был ма́леньким, он знал, а пото́м вы́рос и как-то забы́л. Нет, ему́, коне́чно, встреча́лись иногда́ де́ти на у́лице и́ли в автобу́се, но дя́дя Пе́тя их не замеча́л. А е́сли замеча́л, то ду́мал, что э́то лилипу́ты из ци́рка и́ли про́сто так, каки́е-то ма́ленькие челове́чки.

Одна́жды дя́дя Пе́тя возвраща́лся с рабо́ты и нёс домо́й свою́ зарпла́ту. И вдруг уви́дел, что в я́щике с песко́м сидя́т каки́е-то ма́ленькие лю́ди и де́лают что-то непоня́тное. Э́то бы́ли дошко́льники, кото́рые лепи́ли кули́чики, но дя́дя Пе́тя э́того не знал.

Он подошёл и сказа́л:

— Здра́вствуйте, това́рищи! Что э́то вы де́лаете, е́сли не секре́т?

— Не секре́т! — сказа́ли дошко́льники. — Мы игра́ем.

— И кто выи́грывает? — спроси́л дя́дя Пе́тя.

— Никто́! — удиви́лись дошко́льники. — Про́сто игра́ем, и всё.

— Невероя́тно! — воскликну́л дя́дя Пе́тя. — Пе́рвый раз ви́жу таку́ю игру́, в кото́рой никто́ не выи́грывает. И в хокке́й, и в футбо́л, и да́же в домино́ обяза́тельно кто-нибу́дь выи́грывает! А вы про́сто игра́ете, и всё!

— Така́я игра́! — сказа́ли дошко́льники.

Дя́дя Пе́тя смотре́л, смотре́л на дошко́льников, а пото́м сказа́л:

— Вы меня́, коне́чно, извини́те, това́рищи, но скажи́те, пожа́луйста, почему́ вы все тако́го о́чень ма́ленького ро́ста?

— Для своего́ во́зраста, — оби́делись дошко́льники, — мы совсе́́м не ма́ленького ро́ста. И пото́м мы всё вре́мя растём.

— Всё вре́мя? — удиви́лся дя́дя Пе́тя. — Ка́ждый день? И но́чью то́же? А почему́ же вы тогда́ таки́е… невысо́кие?

— Потому́ что мы ещё не успе́ли вы́расти, — сказа́ли дошко́льники, — мы неда́вно на́чали.

— Потряса́юще! — сказа́л дя́дя Пе́тя с гру́стью. — А вот я совсе́м не расту́. И никто́ из мои́х знако́мых то́же по ноча́м не растёт. И днём не растёт. Да́же мой нача́льник на рабо́те. Он всегда́ одина́ковый.

— Э́то потому́ что он взро́слый, ваш нача́льник, — сказа́ли дошко́льники. — И вы то́же. А мы не взро́слые. Мы ещё де́ти!

— Кто? — не по́нял дя́дя Пе́тя.

— Де́ти!

Тут дя́дя Пе́тя хло́пнул себя́ по́ лбу и закрича́л:

— Вспо́мнил! Пра́вильно! Ну коне́чно! Вы де́ти! Вот вы кто! Как же э́то я забы́л! Де́ти! Вот здо́рово! — И дя́дя Пе́тя так обра́довался, что доста́л свою́ зарпла́ту, побежа́л и купи́л всем дошко́льникам по по́рции эскимо́. Нет, по две по́рции.

Petites nouvelles russes : Le garçon qui ne se lavait jamais la figure

L'oncle¹ Piotr, qui vivait dans l’allée de Lavrov, ne connaissait rien aux enfants. Il ne savait même pas qu’il pouvait y avoir au monde des enfants. Ou plutôt, avant, quand Piotr était petit, il le savait. Mais ensuite en grandissant il l’avait oublié. Bien sûr, parfois il croisait des enfants, dans la rue ou dans le bus, mais ils ne les remarquait pas. Et s’il les remarquait, alors il pensait que c'étaient des nains de cirque ou juste des gens de petite taille.

Un jour, Piotr revenait du travail, avec l’argent de son salaire en poche. Et soudain, il remarqua un tas de petits bonshommes assis dans un bac à sable et qui semblaient occupés à faire quelque chose d'incompréhensible. C'étaient des enfants de maternelle qui jouaient à faire des pâtés de sable, mais Piotr ne pouvait le savoir.

Il s'approcha et leur demanda : - Bonjour camarades² ! Que faites-vous là, si ce n'est pas secret ?

- Ce n'est pas secret ! répondirent les gamins. Nous jouons.

- Et qui gagne ? interrogea l’oncle Piotr.

- Personne ! s’étonnèrent les enfants. On joue, voilà tout...

- Incroyable ! s’exclama Piotr. C'est la première fois que je vois un jeu où personne ne gagne. Au hockey, au football ou même aux dominos, il y a toujours quelqu'un qui gagne à la fin ! Et vous, vous jouez, c’est tout !?

- C’est comme ça : on joue… répondirent les enfants

Piotr les regarda longuement puis demanda : - Vous m’excuserez, camarades, mais dites-moi s'il vous plaît, pourquoi êtes-vous tous si petits ?

- Pour notre âge, s'offusquèrent les enfants d'âge préscolaire, nous ne sommes pas petits du tout. Et puis on grandit tous les jours.

- Tous les jours ? Piotr en resta tout surpris. Tous les jours ? Et la nuit aussi ? Pourquoi alors êtes-vous si petits de taille ?

- Parce que nous n’avons pas encore eu le temps de devenir grands, déclarèrent les enfants. Nous commençons tout juste à grandir.

- Incroyable ! dit l’oncle Piotr d’une voix triste. Moi je ne grandis pas du tout. Et aucun de ceux que je connais ne grandit, ni le jour ni la nuit. Pas même mon chef. Il reste toujours pareil, ni plus petit ni plus grand.

- C'est parce que votre chef est une grande personne, rétorquèrent les petits enfants. Et vous aussi. Et nous on est encore petits. On n’est encore que des enfants !

- Des quoi ? Piotr n'avait pas compris.

- Des enfants !

Alors Piotr se frappa le front et s’exclama : - Je me souviens à présent ! C’est exact ! Oui, c’est ça ! Vous êtes des enfants ! Des enfants ! Comment avais-je pu oublier ! Des enfants ! C'est super !

Et l’oncle Piotr fut alors si heureux qu'avec l’argent de son salaire il courut acheter un esquimau glacé pour chaque petit bonhomme. Non pas un, mais deux esquimaux glacés pour chacun !

***

1- Oncle (дядя) est un terme largement employé en Russie dans un sens affectif, avec ou sans connotation familiale, par les enfants et les adultes envers un homme plus âgé.
2- Camarade (товарищ), interpellation normalement employée seulement entre adultes.

Laisser un commentaire/Оставить комментарий

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *