Grégory Oster : L’homme qui parlait comme un enfant

Petites-nouvelles-russes - Куркараляка
L'énorme Kakafard, illustration Nikolaï Vorontsov (Николай Воронцов)

Grégory Oster - Григорий Остер

Légendes et mythes de l’allée de Lavrov

Леге́нды и ми́фы Лавро́вого переу́лка

L’homme qui parlait comme un enfant
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Челове́к с де́тским акце́нтом

Расска́зывают, что челове́к с де́тским акце́нтом появи́лся в Лавро́вом переу́лке ро́вно в оди́ннадцать часо́в тридца́ть пять мину́т утра́.

Челове́к появи́лся из-за угла́, останови́лся посреди́ переу́лка и сказа́л:

— Это слуси́лось тут! — и показа́л па́льцем на зе́млю. На земле́, в том са́мом ме́сте, куда́ он показа́л, лежа́ли два ка́мушка, полови́нка те́ннисного мя́чика и ле́нта дошко́льницы Ве́рочки, кото́рую та то́лько что потеря́ла из коси́чки.

Дошко́льники с ра́зных сторо́н подошли́ к челове́ку с де́тским акце́нтом. Ве́рочка подняла́ свою́ ле́нту и спроси́ла:

— Что тут случи́лось?

Но челове́к не стал отвеча́ть на Ве́рочкин вопро́с, он зада́л свой.

— Скаси́те, — спроси́л челове́к дошко́льников, — есть ли следи́ вас таки́е, кото́лые не выгова́ливают некото́лые бу́квы, наплиме́л, бу́кву «с» и́ли бу́кву «л»? Вы, коне́сно, понима́ете, сто я име́ю в виду́ не бу́квы «л» и «с», а те бу́квы, кото́лые я не могу́ вы́говолить.

— Нет, — сказа́ли дошко́льники, поду́мав, — среди́ нас таки́х нет.

— А я не выгова́ливаю, — сказа́л челове́к с де́тским акце́нтом и го́рько вздохну́л. — Меня́ в де́тстве осе́нь си́льно напуга́ли, и с тех пол я не выгова́ливаю. Вот тут меня́ напуга́ли. На э́том ме́сте. И до́ктол мне сказа́л: на́до, стоб меня́ опя́ть на том зе са́мом ме́сте естё лаз напуга́ли. Вдлуг я опя́ть стану́ выгова́ливать. Помоги́те мне, поза́луйста.

— Как? — удиви́лись дошко́льники.

— Напуга́йте меня́, поза́луйста, о́сень си́льно! — сказа́л челове́к с де́тским акце́нтом и зажму́рился.

— Гав! — кри́кнула Ве́рочка, но челове́к с де́тским акце́нтом откры́л глаза́ и печа́льно сказа́л: — Нет, соба́к я не бою́сь, соба́ками меня́ узе́ пуга́ли.

— Змея́! Змея́ ползёт! — закрича́ли не́которые дошко́льники, но челове́к с де́тским акце́нтом сно́ва вздохну́л:

— Зме́ями меня́ то́зе пуга́ли. Зме́й я то́зе не бою́сь.

— А чего́ вы бои́тесь? — спроси́ла Ве́рочка.

— В том-то и де́ло, — оконча́тельно огорчи́лся челове́к с де́тским акце́нтом, — сто я, ка́зется, нисево́ не бою́сь. Уз тако́й я отва́зный. Сто поде́лаес?

И тут из толпы́ дошко́льников вы́шел пятиле́тний Тя́па Та́почкин. Вы́шел и стал отде́льно.

— Споко́йно! — сказа́л Тя́па. — Есть оди́н спо́соб!

— Како́й? — спроси́ли все.

На све́те существу́ют ма́льчики с о́чень си́льными рука́ми. Э́ти ма́льчики мо́гут це́лый день выжима́ться на турнике́. Быва́ют ма́льчики с си́льными нога́ми. Они́ так бьют по мячу́, что выбива́ют стёкла на тридца́том этаже́. Тя́па Та́почкин был ма́льчик с о́чень си́льным вообра́жением. Э́то не зна́чит, что он был вообража́ла, э́то зна́чит, что он мог приду́мать и предста́вить себе́ тако́е, что други́м и не сни́лось.

— Предста́вьте себе́, — сказа́л Тя́па челове́ку с де́тским акце́нтом, — что тёмной но́чью вы возвраща́етесь к себе́ домо́й.

— Пледставля́ю! — сказа́л тот.

— Вы споко́йно открыва́ете дверь и подхо́дите к холоди́льнику, чтоб доста́ть компо́т.

— Подхозу́! — согласи́лся челове́к с де́тским акце́нтом.

— Распа́хиваете холоди́льник и ви́дите…

— Сто? — шёпотом спроси́л челове́к с де́тским акце́нтом.

— …Там сиди́т огро́мная куркараля́ка!!! — сказа́л Тя́па.

— Не́ту там ника́кой ля́ки! — крикну́л челове́к с де́тским акце́нтом. — Там компо́т и мои́ люби́мые соси́ски и салде́льки.

— Есть! — сказа́л Тя́па. — Она́ там есть. Куркараля́ка. В холоди́льнике. Она́ там сиди́т и ест соси́ски. И сарде́льки!

— Ой! — шёпотом сказа́л челове́к с де́тским акце́нтом, подпры́гнул и бро́сился бежа́ть.

Он бежа́л и крича́л:

— Каррррау́л! Курркарраля́ка ест саррде́льки! Спаса́йте сарде́льки от куркараля́ки! Каррау́л!

Тя́па Та́почкин посмотре́л ему́ вслед и сказа́л:

— Всё в поря́дке. Тепе́рь он выгова́ривает! Мы его́ напуга́ли!

Petites nouvelles russes : Le garçon qui ne se lavait jamais la figure

On dit qu'un homme, qui parlait comme un enfant, se trouvait ce matin-là dans l’allée de Lavrov, à onze heures trente-cinq minutes exactement.

Il était apparu au coin de la ruelle et s’était arrêté là, au beau milieu.

- Za z’est pazzé izi ! dit-il en pointant son doigt vers le sol. Par terre, à l’endroit même qu’il désigne, se trouvaient deux cailloux, une demi-balle de ping-pong et le ruban de la petite Viéra, qui venait de tomber de sa tresse.

Un groupe de gamins d'école maternelle s’approche alors de l'homme qui parlait comme un enfant.

Vierotchka¹ , tout en ramassant son ruban lui demande :

- Et il s’est passé quoi ici ?

Mais le bonhomme, sans répondre à la question de Vierotchka, pose la sienne.

- Dites-moi, demande-t-il aux gamins, z’y en a-t-il pa’mi vous qui peuvent pas p’ononzer ce’taines lett’es, pa’ exemple, la lett’e « z » ou la lett’e « l » ? Vous zaizizzez bien zûr que ze ne pa’le pas v’aimment de zes lett’es-là, mais de zelles que ze n’a’’ive pas à di’e.

- Non, lui répondent les enfants après avoir réfléchi, aucun de nous.

- Et moi, ze ne peux pas les p'ononzer, dit l'homme de son accent enfantin et il soupira amèrement. Tout petit, on m’a fait beaucoup peu’, et depuis ze ne pa’le plus comme il faut. Z'est là que z’ai eu t’ès t’ès peu’. A zet end’oit p’écis. Et le docteu’ a dit : il faud’a que tu aies peu’ ezzactement au même end’oit. Et alo’s, tu pou’’as pa’ler à nouveau comme il faut. Pouvez-vous m’aider ? Ze vous en p’ie...

- Comment ? lui demandent les petits tout surpris.

- Faites-moi peu’, allez, z’il vous plaît, beaucoup beaucoup peu’ ! dit l'homme de son accent enfantin et il ferme les yeux.

- Ouah-ouah ! aboie Vierotchka, mais l'homme qui parlait comme un enfant rouvre les yeux et dit tristement : - Non, ze n'ai pas peu’ des siens, On a dézà voulu m’eff’ayer avec des siens..

- Tsseu, tsseu... un serpent ! Un serpent ! S’écrient plusieurs enfants, mais l'homme de son accent enfantin à nouveau soupire :

- Z’ai dézà ezzayé d’avoi’ peu’ des zerpents. Ze n'ai pas eu peu’ d’eux non plus.

- De quoi avez-vous peur alors ? interroge Vierotchka.

- Z’est là zustement toute l’affai’e, ronchonne l'homme qui parlait comme un enfant. Z’ai bien peu’ d'avoi’ peu’ de ‘ien. Z’ai beaucoup, beaucoup de couraze. Ze n’zais plus quoi fai’e...

Et puis voilà que le petit Tapotchkine, âgé de cinq ans, s’avance parmi le groupe de gamins.

- Pas de panique ! dit-il. Je connais un moyen...

- Lequel ? interroge tout le monde.

Au monde, il y a des garçons aux bras puissants qui peuvent se soulever à la barre fixe toute la journée. Il y a des garçons aux mollets si costaux qu’ils peuvent lancer un ballon si fort jusqu’à casser les vitres du trentième étage. Le petit Tapotchkine, lui, était un garçon qui avait beaucoup d’imagination. Cela ne veut pas dire qu’il s’imaginait être meilleur que les autres, non cela voulait dire simplement qu’il pouvait inventer et imaginer des choses que les autres n’avaient jamais pas même rêvées.

- Imaginez donc, propose-t-il à l'homme à l’accent enfantin, que vous rentrez chez vous et qu’il fait nuit noire...

- Z’imazine bien ! dit l’homme.

Vous poussez calmement la porte et allez au frigo pour prendre une compote.

- M’y voilà dézà ! confirme l'homme qui parlait comme un enfant.

- Vous ouvrez le frigo et là vous voyez...

- Ze vois quoi ? demande d’une petite voix l'homme de son accent enfantin.

-… Un énorme Kakafard !!! dit le gamin.

- Des kakafa’zizi-yapas ! s’écrie le bonhomme. Dans le f’igo, y-a que mes compotes, des zauzzisses zet mon zervelas p’éfé’és.

- L’énorme Kakafard est pourtant là ! dit l’enfant, et il commence à manger toutes vos saucisses. Et votre cervelas !

- Aïe-aïe-aïe ! murmure l'homme à l'accent enfantin, et il se lève d'un bond et détale à toutes jambes.

Il court et crie d’une voix claire :

- Alarrrme, alarrrme ! Le Kakafarrrd mange toutes mes saucisses ! Sauvez ces saucisses de l’affrrreux Kakafarrrd ! Alarrrrme !

Le petit Tapotchkine le regarde alors qui s’enfuit et dit :

- Tout est bien qui finit bien. A présent il parle normalement ! Nous avons su lui faire peur !

En 1987, sort de dessin animé ‘L’homme qui parlait comme un enfant’ (Челове́к с де́тским акце́нтом) réalisé par Alexandre Viken (Александр Викен), inspiré du conte de Grégory Oster. Les enfants imaginent nombre de méthodes afin d’effrayer le bonhomme. Finalement, c’est en sauvant un gamin d’une chute mortelle, et après avoir eu alors t’ès-t’ès peu’, qu’il pourra enfin parler normalement…

L’homme qui parlait comme un enfant (Человек с детским акцентом), 1987

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