Grégory Oster : Cathy, l’arme fatale (02)

Petites nouvelles russes : Cathy, l'arme fatale
Cathy, l'arme fatale, illustration de Géorgy Youdine (Георгий Юдин)

Grégory Oster - Григорий Остер

Légendes et mythes de l’allée de Lavrov

Леге́нды и ми́фы Лавро́вого переу́лка

Cathy, l’arme fatale - Ка́тька-ору́жие

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(02)

И всё же в четве́рг в пять часо́в дня а́рмия Лавро́вого переу́лка пришла́ на пусты́рь за кирпи́чным до́мом. Сты́дно сказа́ть, что́ это была́ за а́рмия. Ста́йка каки́х-то несча́стных дошко́льников в чи́стых санда́ликах впереме́шку с ти́хими отли́чниками-первокла́шками. Не́сколько второкла́ссников-четверокла́ссников и оди́н третьекла́ссник с одно́й-еди́нственной тро́йкой в та́беле. По пе́нию. (...)

В о́бщем, смех, а не а́рмия.

И пе́ред э́той несча́стной а́рмией стоя́ло во́йско проходно́го двора́, вооружённое по после́днему сло́ву те́хники вся́кими самостре́лами и пугача́ми, а во главе́ во́йска стоя́л сам Семён Семёнов, два́жды второго́дник и кру́глый дво́ечник.

Лавро́вые же вообще́ пришли́ на генера́льное сраже́ние с пусты́ми рука́ми и, как каза́лось, без вся́кого ору́жия. Но э́то то́лько каза́лось.

Семён Семёнов, предводи́тель проходны́х, посмотре́л на а́рмию Лавро́вого переу́лка, усмехну́лся и сказа́л:

— Во избежа́ние бессмы́сленного кровопроли́тия предлага́ю вам сда́ться на ми́лость победи́теля. Впро́чем, мо́жно счита́ть, что вы уже́ сдали́сь, так как пришли́ без ору́жия.

— Нет! — сказа́ли лавро́вые. — Ору́жие у нас есть.

— Где же ва́ше ору́жие? — смея́лись проходны́е. — Покажи́те.

И тогда́ а́рмия Лавро́вого переу́лка расступи́лась и проходны́е уви́дели де́вчонку Ка́тьку. Ка́тьке бы́ло четы́ре го́да, и на пе́рвый взгляд она́ была́ совсе́м обыкнове́нная девчо́нка, то́лько о́чень сопли́вая.

— Вот оно́, на́ше ору́жие! — сказа́ли лавро́вые. — Оно́ у нас бактериологи́ческое, микро́бное. У э́той девчо́нки Ка́тьки стра́шно зарази́тельная боле́знь гонко́нгский ко́клюш. Микро́бы в ней кишмя́ киша́т, в э́той Ка́тьке. И сейча́с она́ всех вас позаража́ет! Ка́тька, дава́й!

Ка́тька растопы́рила ру́ки, зажмури́лась, откры́ла рот и закрича́ла:

— Уюю́й! Уюю́й! Ууууу! — и побежа́ла на проходны́х.

Э́то была́ побе́да! Во́йско проходно́го двора́ во главе́ со свои́м два́жды второго́дником так удира́ло, так улепётывало, так разбега́лось… Нет! Об э́том нельзя́ рассказа́ть. Э́то на́до бы́ло уви́деть! На э́то на́до бы́ло смотре́ть свои́ми глаза́ми.

Вот почему́ хотя́ никто́ и не по́мнит, с чего́ начала́сь война́ ме́жду Лавро́вым переу́лком и проходны́м дворо́м, но о побе́де лавро́вых, о бе́гстве и пораже́нии проходны́х зна́ют и по́мнят все.

Petites nouvelles russes : La débâcle des Porcherons
Illustration de Géorgy Youdine (Георгий Юдин)

Et pourtant, le jeudi suivant à cinq heures de l’après-midi, toute la petite troupe de l’allée de Lavrov se présenta sur le terrain vague derrière la maison en brique.

On aurait été bien en peine de décrire cette soi-disant armée : une volée de malheureux gamins d'âge préscolaire en jolies sandales toutes proprettes et d’élèves de cours préparatoire, gentillets, tous premiers de la classe, conduits par quelques élèves de cours élémentaire et moyen dont un seul avec une note médiocre sur son carnet : en musique. En définitive, ce n’était pas une armée mais une bande de petits rigolos...

Et face à cette désespérante troupe se dressaient les régiments du Porche, équipés des dernières innovations technologiques, de toutes sortes d'arbalètes et de pistolets en plastique. Et à leur tête, dépassait la haute silhouette de Simon Sémionov. Simon Sémionov en personne : un cancre invétéré, deux fois redoublant.

De fait, les Lavroviens se présentèrent sur le champ de bataille la fleur au fusil et, semble-t-il, sans aucun équipement de combat. Mais ce n’était là seulement qu’apparence.

Simon Sémionov, le commandant en chef de l’armée porcheronne contempla avec un sourire dédaigneux l’escouade lavrovienne.

- Afin d'éviter une effusion de sang insensée, déclara-t-il avec condescendance, je vous suggère de vous rendre et de capituler sans condition. D’ailleurs, je suppose que telle est votre intention, puisque vous êtes venus sans arme.

- Que nenni ! répondirent d’une seule voix les Lavroviens. Nous aussi nous avons nos armes.

- Et où sont-elles, vos armes ? s’esclaffèrent les Porcherons. Allez, montrez-les-nous !

C’est alors que la troupe lavrovienne s’écarta et qu’apparut Cathy.

Cathy était une fillette qui n’avait que quatre ans et qui, à première vue, paraissait tout à fait ordinaire, mais toujours avec la morve au nez.

- La voici, notre arme ! crièrent ceux de Lavrov. Elle est bactério-microbienne. Cathy est atteinte d'une maladie terriblement contagieuse, la coqueluche de Hong Kong. Elle grouille de microbes. C’est Cathy, notre arme fatale ! Et maintenant, elle va tous vous infecter ! Vas-y Cathy, à l’attaque !

Cathy écarta les bras, plissa les yeux, ouvrit la bouche et, tout en criant, se précipita à l’assaut des troupes porcheronnes : - Taïaut, taïaut ! Aaaa...tchoum  !

O, combien la victoire fut éclatante !

Et l'armée du Porche défaite, vaincue, anéantie, et à sa tête le terrible Simon Sémionov, deux fois redoublant, s’enfuit à toutes jambes... Non, rien ne pourrait décrire un tel triomphe ni pareil désastre. Il eut fallu être présent pour voir ça de ses propres yeux.

C'est pourquoi, bien que nul ne se rappelle comment la guerre entre les Lavroviens et ceux du Porche avait commencé, tout le monde garde en mémoire la retraite désespérée des troupes porcheronnes, leur humiliante défaite, et la glorieuse victoire de l’indéfectible armée lavrovienne.

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