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Comment Ilya de Mourom devint un preux chevalier (04)
Comment Ilya de Mourom devint un preux chevalier (Episode 4)
(Interprète inconnue)Comment Ilya de Mourom devint un preux chevalier
Как Илья́ из Му́рома богатырём стал
Irina Karnaoukhova - Ирина Карнаухова
Четвёртый эпизо́д - Episode quatre
А Илья́ пошёл себе́ коня́ иска́ть.
Вы́шел он за око́лицу и ви́дит — ведёт мужичо́к жеребёнка ры́жего, косма́того, шелуди́вого. Вся цена́ жеребёнку грош, а мужи́к за него́ непоме́рных де́нег тре́бует: «пятьдеся́т рубле́й с полти́ною.»
Купи́л Илья́ жеребёнка, привёз домо́й, поста́вил в коню́шню, белоя́рой пшени́цей отка́рмливал, ключево́й водо́й отпа́ивал, чи́стил, хо́лил, све́жей соло́мы подкла́дывал.
Че́рез три ме́сяца стал Илья́ Бу́рушку на у́тренней заре́ на луга́ выводи́ть. Поваля́лся жеребёнок по зо́ревой росе́, стал богаты́рски́м конём.
Подводи́л его́ Илья́ к высо́кому ты́ну. Стал конь пои́грывать, попля́сывать, голово́й повёртивать, гри́вой потря́хивать, в лошади́ные но́здри пофы́ркивать. Стал че́рез тын взад-вперёд перепры́гивать. Де́сять раз перепры́гнул и копы́том не заде́л. Положи́л Илья́ на Бу́рушку ру́ку богаты́рскую — не пошатну́лся конь, не шелохну́лся.
— До́брый конь,— говори́т Илья́.— Бу́дет он мне ве́рным това́рищем.
Стал Илья́ себе́ меч по руке́ иска́ть. Как сожмёт в кулаке́ рукоя́тку меча́, сокруши́тся рукоя́ть, рассы́плется. Нет Илье́ меча́ по руке́. Бро́сил Илья́ мечи́ ба́бам лучи́ну щипа́ть. Сам пошёл в ку́зницу, три стрелы́ себе́ вы́ковал, ка́ждая стрела́ ве́сом в це́лый пуд*. Изгото́вил себе́ туго́й лук, взял копьё долгоме́рное да ещё па́лицу була́тную. Снаряди́лся Илья́ и пошёл к отцу́ с ма́терью:
— Отпусти́те меня́, ба́тюшка с ма́тушкой, в сто́льный Ки́ев-град к кня́зю Влади́миру. Буду́ служи́ть Руси́ родно́й ве́рой-пра́вдой, бере́чь зе́млю ру́сскую от не́другов-во́рогов.
Говори́т ста́рый Ива́н Тимофе́евич:
— Я на до́брые дела́ благословля́ю тебя́, а на худы́е дела́ мое́го благослове́ния нет. Защища́й на́шу зе́млю ру́сскую не для зо́лота, не из коры́сти, а для че́сти, для богаты́рской сла́вушки. Зря не лей кро́ви людско́й, не слези́ матере́й да не забыва́й, что ты ро́ду чёрного, крестья́ънского.
Поклони́лся Илья́ отцу́ с ма́терью до сыро́й земли́ и пошёл седла́ть Бу́рушку-Косма́тушку. Положи́л на коня́ во́йлочки, а на во́йлочки — по́тнички, а пото́м седло́ черка́сское с двена́дцатью подпру́гами шёлковыми, а с трина́дцато́й желе́зной, не для красы́, а для кре́пости.
Захоте́лось Илье́ свою́ си́лу попро́бовать.
Он подъе́хал к Оке́-реке́, упёрся плечо́м в высо́кую го́ру, что на берегу́ была́, и свали́л её в ре́ку Оку́. Завали́ла гора́ ру́сло, потекла́ река́ по-но́вому.
Взял Илья́ хле́бца ржано́го ко́рочку, опусти́л её в ре́ку Оку́, сам Оке́-реке́ пригова́ривал:
— А спаси́бо тебе́, ма́тушка Ока́-река́, что пои́ла, что корми́ла Илью́ Му́ромца.
На проща́нье взял с собо́й земли́ родно́й ма́лую го́рсточку, сел на коня́, взмахну́л плёточкою…
Ви́дели лю́ди, как вскочи́л на коня́ Илья́, да не ви́дели, куда́ поскака́л. То́лько пыль по́ полю столбо́м подняла́сь.
* Пуд — уста́ревшая еди́ница измере́ния ма́ссы ру́сской систе́мы мер. С 1899 го́да оди́н пуд ра́вен 16,3805 кг.A présent, Ilya part à la recherche d’un cheval.
Sortant du village, il aperçoit un paysan qui tient par la bride un poulain roux, au poil hirsute et couvert de gale. Ce poulain ne vaut pas un sou, mais le paysan en demande une somme folle : cinquante roubles et cinquante kopecks !
Ilya achète pourtant l’animal. L’ayant ramené à la maison, il le conduit à l'écurie, l’engraisse en le nourrissant de blé tendre, l'abreuve d’eau de source, le frotte, le soigne, le couche sur de la paille fraîche.
Trois mois plus tard, à l'aube, voilà qu’Ilya conduit son poulain, Bourouchka, dans le pré. Le poulain se roule dans la rosée du matin et deviendra un cheval de légende.
Ilya le conduit vers un haut enclos et le cheval se met à jouer, danser, tourner la tête, à secouer sa crinière, s’ébrouer, renifler des naseaux. Le voilà qui, dix fois, bondit d’un côté à l’autre de la palissade sans jamais la toucher de ses sabots. Ilya pose sa main puissante sur son encolure sans que Bourouchka ne frémisse ni ne bouge.
- Un bon cheval, s’exclame Ilya. Il sera mon fidèle compagnon.
Puis Ilya part à la quête d’une épée à sa main. Mais lorsqu’il serre la poignée de l’une d’elles, celle-ci s’effrite et tombe en poussière. Ilya ne trouve aucune épée à sa main et les jette aux femmes pour qu’elles taillent avec des petits copeaux d’éclairage¹. Puis il se rend lui-même à la forge et se met à y fondre trois flèches, chacune pesant pas moins de trente livres ! Il se fabrique un arc à la corde bien tendue, se saisit d’une longue lance et d’un gourdin d’acier damassé.
Ainsi équipé Ilya s’en va trouver son père et sa mère:
- Mon père, ma mère, permettez-moi d’aller à Kiev, la capitale, et de me joindre au prince Vladimir². Je servirai et protégerai notre chère terre de Russie et défendrai la vraie foi contre les méchants ennemis.
Le vieil Ivan Timoféévitch lui répond :
- Je te bénis pour les bonnes actions que tu feras, mais non pour les mauvaises. Défends notre terre russe non pour l'or ni par intérêt, mais pour l'honneur, pour la gloire des braves ! Ne verse pas inutilement le sang humain, ne fais pas verser les larmes des mères et n'oublie jamais que tu es le fils d’une famille de pauvres paysans³...
Devant ses parents, Ilya s'incline alors jusqu’à toucher la terre et s’en va seller Bоurоuchka-au-pelage-hirsute. Il a mis du feutre sur la croupe du cheval, et du molleton par dessus, puis une selle circassienne4 avec douze sangles de soie, et une treizième en métal, non pas pour la beauté, mais pour la résistance.
Ilya veut à présent éprouver sa force.
Il chevauche jusqu'à la rivière Oka, appuie son épaule contre la haute montagne qui la surplombe et renverse celle-ci dans la rivière. Au pied de cette montagne, le cours de l’Oka s’en trouve détourné à jamais.
Ilya prend la fine croûte d’un pain de seigle et l’offre à la rivière, lui déclarant :
- Merci, merci Petite-mère Oka, de ton eau, merci d'avoir nourri Ilya Muromets !
En partant, il prend avec lui une petite poignée de sa terre natale, monte sur son cheval, agite sa cravache.
Les gens virent Ilya enfourcher son coursier de légende, mais nul ne sut où il se dirigeait. Seule, derrière lui, dans la campagne, s’élevait une colonne de poussière…
1- Méthode traditionnelle d’éclairage (горящая лучина) composée d’un long éclat de bois qu’on allumait, suspendu au-dessus d’un récipient d'eau. L'eau réfléchissait la lumière et protégeait également contre les incendies. Ces sortes de chandelles servaient également à allumer le poêle. Voir illustrations.
2- Vladimir le Beau Soleil (Владимир Красное Солнышко), qu’on traduit souvent par ‘Vladimir le Soleil rouge’, prince légendaire des bylines, que l’on peut identifier à Vladimir Ier, Vladimir le Grand (958-1015). Grand prince de Novgorod puis de Kiev, renonçant au paganisme, c’est lui qui imposera aux ‘Rus’’ le christianisme de rite byzantin. Il est considéré comme le fondateur de la « Sainte Russie ». Pour en savoir plus sur le prince Vladimir : Lire (en russe).
3- Le texte évoque ici les ‘paysans noirs’ (черносошные крестьяне) : classe de paysans de l’ancienne Russie exploitant des terres impériales ou communales et devant payer l’impôt à l’Etat. A la différence des serfs, ils pouvaient s’en libérer, voire même vendre leur parcelle, à la condition de la « blanchir », c’est-à-dire à régler les frais et taxes cadastrales. Pour en savoir plus sur les ‘paysans noirs’ : Lire(en russe).
4- Circassien : de Circassie, région historique située au nord du Caucase sur la côte de la mer Noire.Ilya Mouromets, un héros de légende...
Ilya, fils de paysans vivant près de la ville de Mourom* est ce que l’on nommerait aujourd’hui un ‘super-héros’ capable de vaincre les guerriers nomades, les forces obscures et de tenir la dragée haute aux princes et aux boyards non seulement avec ses armes mais aussi avec ses mots.
* Mourom (Муром) est une ville parmi les plus anciennes de Russie (son nom est déjà mentionné dès l’an 862 !), située dans la région de Vladimir, sur la rivière Oka, à environ 300 kilomètres à l’est de Moscou.
Lire (en russe) une version très complète de la geste (bylines) d’Ilya Mouromets, textes rassemblés et commentés par Anna Astakova (Анна Михайловна Астахова), 1958.
En 1975 sort le dessin animé ‘Ilya Muromets - Prologue’ (Илья Муромец – Пролог) -, réalisé par Ivan Arsentchouk (Иван Семёнович Аксенчук) (1918-1999) - qui reprend grosso modo le même récit. Il sera suivi en 1978 de ‘Ilya Mouromets et Rossignol-le-Brigand’ (Илья Муромец и Соловей-Разбойник). Voir page suivante.
‘Ilya Muromets - Prologue’ (Илья Муромец – Пролог) -, 1975
Comment Ilya de Mourom devint un preux chevalier (03)
Comment Ilya de Mourom devint un preux chevalier (Episode 3)
Montage réalisé par T. Binevsky (Т. Н. Биневский)Comment Ilya de Mourom devint un preux chevalier
Как Илья́ из Му́рома богатырём стал
Irina Karnaoukhova - Ирина Карнаухова
Тре́тий эпизо́д - Episode trois
Пошёл Илья́ по́ воду, а его́ и впрямь земля́ не несёт: нога́ в земле́, что в боло́те, вя́знет, за дубо́к ухвати́лся — дуб с ко́рнем вон, це́пь от коло́дца, сло́вно ни́точка, на куски́ разорва́лась.
Уж Илья́ ступа́ет тихо́хонько, а под ним полови́цы лома́ются. Уж Илья́ говори́т шёпотом, а две́ри с пете́ль срыва́ются.
Принёс Илья́ воды́, нали́ли стра́нники ещё ко́вшичек.
— Пей, Илья́!
Вы́пил Илья́ во́ду коло́дезную.
— Ско́лько тепе́рь в тебе́ си́лушки?
— Во мне си́лушки полови́нушка.
— Ну, и бу́дет с тебя́, мо́лодец. Бу́дешь ты, Илья́, вели́к богаты́рь, бе́йся-рата́йся с врага́ми земли́ родно́й, с разбо́йниками да с чу́дищами. Защища́й вдо́в, сиро́т, ма́лых де́точек. Никогда́ то́лько, Илья́, со Святого́ром1 не спорь, че́рез си́лу но́сит его́ земля́. Ты, Илья́, не ссо́рься с Мику́лой Селяни́новичем2, его́ лю́бит мать - сыра́ земля́. Не ходи́ ещё на Вольгу́ Всесла́вьевича, он не си́лой возьмёт, так хи́тростью-му́дростью. А тепе́рь проща́й, Илья́.
Поклони́лся Илья́ кали́кам перехо́жим, и ушли́ они́ за око́лицу.
***
А Илья́ взял топо́р и пошёл на по́жню к отцу́ с ма́терью. Ви́дит — ма́лое месте́чко от пенья́-коре́нья расчи́щено, а о́тец с ма́терью, от тяжёлой рабо́ты ума́явшись, спят кре́пким сном: лю́ди ста́рые, а рабо́та тяжёлая.
Стал Илья́ лес расчища́ть — то́лько ще́пки полете́ли. Стары́е дубы́ с одного́ взма́ха ва́лит, молоды́е с ко́рнем из земли́ рвёт.
За три часа́ сто́лько по́ля расчи́стил, ско́лько вся дере́вня за три дня не оси́лит. Развали́л он по́ле вели́кое, спусти́л дере́вья в глубо́кую ре́ку, воткну́л топо́р в дубо́вый пень, ухвати́л лопа́ту да гра́бли и вскопа́л и вы́ровнял по́ле широ́кое — то́лько зна́й зерно́м засева́й!
Просну́лись оте́ц с ма́терью, удиви́лись, обра́довались, до́брым сло́вом вспомина́ли старичко́в стра́нников.
Ilya se rend au puits chercher l’eau que lui ont demandée les kaliks, mais la terre, pour de bon, ne le porte pas : ses pieds s’enfoncent dans le sol comme dans un marécage. Il se cramponne à un chêne, mais le déracine ; enfin, il réduit en morceaux la chaîne du puits.
Il marche, mais sous ses pas les lattes du plancher se brisent. Il tente de parler à voix basse, mais les portes sont arrachées de leurs gonds.
Ilya rapporte l'eau et les vagabonds lui remplissent une nouvelle louchée.
- Bois, Ilya !
Ilya boit l'eau.
- Combien de force as-tu maintenant ?
- Une petite moitié, répond Ilya.
- Eh bien, voilà qui te sera suffisant, jeune homme ! Tu deviendras, Ilya, un grand et preux chevalier. Combats, combats les ennemis de notre terre natale, les brigands et les monstres féroces ! Protège les veuves, les orphelins, les petits enfants ! Mais jamais, Ilya, ne cherche querelle au Sviatogor : le sol le porte avec peine. Ne te dispute pas avec Mikoula Sélianinovitch : sa mère - la terre généreuse – l'aime tendrement. Non plus ne va pas provoquer Volga Vsislaviévitch, il n’utilise pas la force, mais agit avec la ruse des sages. Et maintenant adieu, Ilya !
Ilya s’incline devant les kaliks, puis ceux-ci s’en vont, et déjà s’éloignent au-delà des clôtures.
***
Alors Ilya prend une hache et s’en va rejoindre son père et sa mère. Il voit qu’ils n’ont pu débarrasser qu’un petit espace des souches qui encombrent le champ, et que tous deux, épuisés, dorment profondément : ce sont des vieillards, et le travail leur est dur à présent.
Ilya se met à défricher la forêt tout entière – et autour de lui les copeaux de bois fusent de tous côtés. Les vieux chênes d'un seul coup de hache sont abattus, les plus jeunes, de leurs racines, pleurent les larmes de la terre.
En trois heures, Ilya défriche plus que ce que tout le village n’aurait pu faire en trois jours. Il a ouvert une grande clairière, a descendu les troncs jusqu’à la profonde rivière, et, plantant sa hache dans une souche de chêne, a saisi l’araire et labouré un vaste champ – prêt à être ensemencé !
Ses parents se réveillent tout surpris et, au récit d’Ilya, remplis de joie, comblent de leurs vœux les vieux kaliks.
Quelques héros légendaires des bylines :
Mikoula Selianinovitch (Микула Селянинович)
Voici un autre personnage de légende. Plus qu’un ‘preux chevalier’, il incarne la force et les vertus du paysan-laboureur.
Sviatogor (Святогор) est un géant dont la Terre ne supporte pas le poids. Il partagera plusieurs aventures avec Ilya Mouromets.
Pour en savoir plus (en russe) : Sviatogor, le Géant.
Volga Vsieslaviévitch (Вольга́ Всеславьевич) ou Sviatoslavitch (Святославич), est un sorcier qui a la capacité de se métamorphoser et de comprendre le langage des animaux.
Comment Ilya de Mourom devint un preux chevalier (02)
Comment Ilya de Mourom devint un preux chevalier (Episode 2)
Montage réalisé par T. Binevsky (Т. Н. Биневский)Comment Ilya de Mourom devint un preux chevalier
Как Илья́ из Му́рома богатырём стал
Irina Karnaoukhova - Ирина Карнаухова
Второ́й эпизо́д - Episode deux
Вот раз оте́ц с ма́терью пошли́ в лес пни корчева́ть, ко́рни выдира́ть, гото́вить по́ле под па́хоту. А Илья́ оди́н на печи́ лежи́т, в око́шко погля́дывает.
Вдруг ви́дит — подхо́дят к его́ избе́ три ни́щих стра́нника.
Постоя́ли они́ у воро́т, посту́кали желе́зным кольцо́м и говоря́т:
— Встань, Илья́, отвори́ кали́точку.
— Злы́е шу́тки вы, стра́нники, шу́тите: три́дцать лет я на печи ́си́днем сижу́, встать не могу́.
— А ты приподними́сь, Илю́шенька.
Рвану́лся Илья́ — и спры́гнул с печи́, стои́т на полу́ и сам своему́ сча́стью не ве́рит.
— Ну-ка, пройди́сь, Илья́.
Шагну́л Илья́ раз, шагну́л друго́й — кре́пко его́ но́ги де́ржат, легко́ его́ но́ги несу́т.
Обра́довался Илья́, от ра́дости сло́ва сказа́ть не мо́жет. А кали́ки перехо́жие ему́ говоря́т:
— Принеси́-ка, Илю́ша, студёной воды́. Принёс Илья́ студёной воды́ ведро́. Нали́л стра́нник воды́ в ко́вшичек.
— Попе́й, Илья́. В э́том ковше́ вода́ всех рек, всех озёр Руси́-ма́тушки.
Вы́пил Илья́ и почу́ял в себе́ си́лу богаты́рскую. А кали́ки его́ спра́шивают:
— Мно́го ли чу́ешь в себе́ си́лушки?
— Мно́го, мно́го, стра́нники. Ка́бы мне лопа́ту, я бы всю́ зе́млю вспаха́л.
— Вы́пей, Илья́, оста́точек. В том остато́чке всей земли́ роса́, с зелёных луго́в, с высо́ких лесо́в, с хлеборо́дных поле́й. Пей.
Вы́пил Илья́ и оста́точек.
— А тепе́рь мно́го в тебе́ си́лушки?
— Ох, кали́ки перехо́жие, сто́лько, сто́лько во мне си́лы, что, ка́бы бы́ло в небеса́х кольцо́, ухвати́лся бы я за него ́и всю́ зе́млю переверну́л.
— Сли́шком мно́го в тебе́ си́лушки, на́до поуба́вить, а то земля́ носи́ть тебя́ не ста́нет. Принеси́-ка ещё воды́.
Et voilà qu'un matin, son père et sa mère partent dans la forêt pour arracher de vieilles souches et débarrasser de leurs racines le champ à labourer. Mais Ilya, lui, reste allongé, seul près du poêle, portant son regard par la fenêtre.
Soudain, il voit trois mendiants errants s'approcher de l’isba. Ils s’arrêtent au portail et, frappant sur son anneau de fer, disent :
- Lève-toi, Ilya, ouvre-nous !
- Méchante blague, voyageurs, vous vous moquez de moi : depuis trente ans je suis ici allongé près du poêle sans pouvoir me lever.
- Et tu te lèveras et tu marcheras, gentil Ilya...
Ilya se lève alors d’un bond de sa couche, se tient droit sur ses jambes, ne pouvant pas croire en sa chance.
- Allez, va Ilya ! marche !
Ilya fait un pas, et puis un autre - ses jambes le tiennent fermement, le portent sans effort.
Ilya est si ravi qu’il ne peut trouver de mot pour dire sa joie. Et les kaliks¹ lui disent :
- Apporte-nous donc de l'eau fraîche, Gentil Ilya. Et Ilya s’en va chercher un seau. L’un d’eux remplit une louchée d’eau fraîche.
- Bois, Ilya ! Dans ce godet se trouve l'eau de toutes les rivières, de tous les lacs de notre petite mère, notre Vieille Russie.
Et à l’instant où il boit une gorgée, Ilya sent monter en lui une force héroïque. Et les kaliks lui demandent :
- Ressens-tu toute cette force en toi ?
- Beaucoup, beaucoup de force, voyageurs... Si j'avais une araire², je labourerais la Terre entière !
- Bois, Ilya, finis le reste ! Dans cette eau, de toute la Terre, se trouvent rassemblés la rosée, les vertes prairies, les hautes forêts, les champs de céréales. Bois Ilya !
Et Ilya finit de boire l’entière louchée.
- Et maintenant ressens-tu toutes ces forces en toi ?
- Oh, kaliks, j'ai tellement de force en moi que s'il y avait un anneau dans le ciel, je le saisirais et soulèverais la Terre entière³.
- Il y a bien trop de force en toi, il nous faut la réduire, sinon la Terre ne pourra te porter. Va donc Ilya nous chercher un peu plus d'eau...
1- Kaliks (калики) : bardes itinérants (souvent aveugles, comme l’était, dit-on, Homère) qui allaient de village en village chantant et contant les anciennes légendes.
2- Le récit ici parle de ‘pelle’ (лопата).
3- Selon la formule attribuée par Plutarque à Archimède, ‘Donnez-moi un levier et je soulèverai la Terre’.Comment Ilya de Mourom devint un preux chevalier (01)
Comment Ilya de Mourom devint un preux chevalier (Episode 1)
Montage réalisé par T. Binevsky (Т. Н. Биневский)Comment Ilya de Mourom devint un preux chevalier
Как Илья́ из Му́рома богатырём стал
Byline
Auteure : Irina Karnaoukhova - Автор : Ирина Карнаухова
2012
D’après d’anciens récits traditionnels - По мотивам старинной сказки
Пе́рвый эпизо́д - Premier épisode
В старину́ старода́внюю жил под го́родом Му́ромом, в се́ле Карача́рове крестья́нин Ива́н Тимофе́евич со свое́й жено́й Ефроси́ньей Я́ковлевной.
Был у них оди́н сын Илья́. Люби́ли его о́тец с ма́терью, да то́лько пла́кали, на него́ погля́дывая: трид́цать лет Илья́ на печи́ лежи́т, ни руко́й, ни ного́й не шевели́т. А ро́стом богаты́рь Илья́, и умо́м све́тел, и гла́зом зо́рок, а но́ги его не но́сят, сло́вно брёвна лежат́, не шеве́лятся.
Слы́шит Илья́, на печи́, как мать пла́чет, оте́ц вздыха́ет, ру́сские лю́ди жа́луются: напада́ют на Русь враги́, поля́ выта́птывают, люде́й гу́бят, дете́й сиротя́т. По путя́м-дорога́м разбо́йники ры́щут, не даю́т они́ ни прохо́ду лю́дям, ни прое́зду. Налета́ет на Русь Змей Горы́ныч, в своё ло́гово де́вушек ута́скивает.
Го́рько Илья́, обо всём э́том слы́ша, на судьбу́ свою́ жа́луется:
— Эх вы, но́ги мои́ нехожа́ляе, эх вы, ру́ки мои́ недержа́ляе! Был бы я здоро́в, не дава́л бы родну́ю Русь в оби́ду врага́м да разбо́йникам!
Так и шли дни, кати́лись ме́сяцы…
Dans les temps anciens, dans le village de Karacharovo près de la ville de Mourom vivait le paysan Ivan Timoféévitch et sa femme Efrossinia Yakovlevna.
Ils avaient un fils, Ilya, qu’ils aimaient tendrement, mais ne faisaient que sangloter en le regardant : depuis trente années, Ilya restait allongé près du foyer¹, ne pouvant bouger ni les bras ni les jambes. C’est ainsi qu’il avait grandi alors que son esprit avait gagné en clairvoyance et que son regard s’était fait chaque jour plus perçant. Mais ses jambes ne le portaient pas : elles demeuraient comme des bûches qui reposent immobiles près de l’âtre.
Couché près du foyer, Ilya entend comme sa mère pleure, comme son soupire son père, combien se lamente le peuple russe : les ennemis attaquent la Vieille Russie², piétinent les champs, tuent les gens, laissant les enfants orphelins. Des brigands rôdent le long des routes, empêchant quiconque d’aller et venir. Le Serpent-dragon qui crache le feu survole tout le pays, enlevant les jeunes filles et les entraînant dans son antre.
Amèrement, Ilya, entendant tout cela, se plaint de son sort :
- Oh, vous, mes jambes chancelantes, oh, vous, mes mains impuissantes ! Si j'étais en bonne santé, je ne laisserais pas notre Vieille Russie ainsi insultée par les ennemis et les brigands !
Ainsi passent les jours, ainsi s’écoulent des mois...
1- Le texte ici dit précisément qu’Ilya reste allongé ‘sur le poêle’ (на печи). En effet, dans les maisons paysannes russes était disposée une couche au-dessus du foyer, généralement réservée aux vieilles personnes. Voir images d'un foyer traditionnel russe.
2- Vieille Russie : traduction choisie ici du terme « ‘Rus’ » (Русь) [prononcé ‘rousse’], correspondant à la Russie médiévale, qui s’est bâtie autour de la Principauté de Kiev (Киевская Русь), fondée aux alentours de l'an 880 par le Varègue (Viking) Oleg le Sage (Олег Вещий). « Rus’ » serait apparenté au finnois ‘Ruotsi’ : la ‘Suède’, et à l’ancien norrois ‘rōþr’ « rameur ». Les Varègues – les Normands de Russie - se désignaient eux-mêmes comme les Rameurs, les Navigateurs, clé de leur succès pour parcourir, en ces époques lointaines, sur leurs navires à fond plat les grands fleuves jusqu’à la Mer Noire.Les ‘bylines’, épopées des héros légendaires de la Vieille Russie :
Une byline (en russe : были́на) est un chant épique en vers qui narre les aventures et hauts faits d'un héros médiéval de la Vieille Russie. Ces chants furent collectés entre le XIX° et la première moitié du XX° siècle auprès de bardes des campagnes des régions périphériques de Russie, essentiellement dans le nord du pays. Composés à des périodes différentes par différents auteurs (mais tous avant le XVIII° siècle), chaque byline relate une aventure particulière vécue par un preux chevalier (bogatyr - богатырь).
Pour en savoir plus sur les bylines : Lire (en russe).
Pour en savoir plus et lire des traductions en français de bylines : russievirtuelle.com.