Comment Ilya de Mourom devint un preux chevalier (04)
Comment Ilya de Mourom devint un preux chevalier (Episode 4)
(Interprète inconnue)
Comment Ilya de Mourom devint un preux chevalier
Как Илья́ из Му́рома богатырём стал
Irina Karnaoukhova - Ирина Карнаухова
Четвёртый эпизо́д - Episode quatre
А Илья́ пошёл себе́ коня́ иска́ть.
Вы́шел он за око́лицу и ви́дит — ведёт мужичо́к жеребёнка ры́жего, косма́того, шелуди́вого. Вся цена́ жеребёнку грош, а мужи́к за него́ непоме́рных де́нег тре́бует: «пятьдеся́т рубле́й с полти́ною.»
Купи́л Илья́ жеребёнка, привёз домо́й, поста́вил в коню́шню, белоя́рой пшени́цей отка́рмливал, ключево́й водо́й отпа́ивал, чи́стил, хо́лил, све́жей соло́мы подкла́дывал.
Че́рез три ме́сяца стал Илья́ Бу́рушку на у́тренней заре́ на луга́ выводи́ть. Поваля́лся жеребёнок по зо́ревой росе́, стал богаты́рски́м конём.
Подводи́л его́ Илья́ к высо́кому ты́ну. Стал конь пои́грывать, попля́сывать, голово́й повёртивать, гри́вой потря́хивать, в лошади́ные но́здри пофы́ркивать. Стал че́рез тын взад-вперёд перепры́гивать. Де́сять раз перепры́гнул и копы́том не заде́л. Положи́л Илья́ на Бу́рушку ру́ку богаты́рскую — не пошатну́лся конь, не шелохну́лся.
— До́брый конь,— говори́т Илья́.— Бу́дет он мне ве́рным това́рищем.
Стал Илья́ себе́ меч по руке́ иска́ть. Как сожмёт в кулаке́ рукоя́тку меча́, сокруши́тся рукоя́ть, рассы́плется. Нет Илье́ меча́ по руке́. Бро́сил Илья́ мечи́ ба́бам лучи́ну щипа́ть. Сам пошёл в ку́зницу, три стрелы́ себе́ вы́ковал, ка́ждая стрела́ ве́сом в це́лый пуд*. Изгото́вил себе́ туго́й лук, взял копьё долгоме́рное да ещё па́лицу була́тную. Снаряди́лся Илья́ и пошёл к отцу́ с ма́терью:
— Отпусти́те меня́, ба́тюшка с ма́тушкой, в сто́льный Ки́ев-град к кня́зю Влади́миру. Буду́ служи́ть Руси́ родно́й ве́рой-пра́вдой, бере́чь зе́млю ру́сскую от не́другов-во́рогов.
Говори́т ста́рый Ива́н Тимофе́евич:
— Я на до́брые дела́ благословля́ю тебя́, а на худы́е дела́ мое́го благослове́ния нет. Защища́й на́шу зе́млю ру́сскую не для зо́лота, не из коры́сти, а для че́сти, для богаты́рской сла́вушки. Зря не лей кро́ви людско́й, не слези́ матере́й да не забыва́й, что ты ро́ду чёрного, крестья́ънского.
Поклони́лся Илья́ отцу́ с ма́терью до сыро́й земли́ и пошёл седла́ть Бу́рушку-Косма́тушку. Положи́л на коня́ во́йлочки, а на во́йлочки — по́тнички, а пото́м седло́ черка́сское с двена́дцатью подпру́гами шёлковыми, а с трина́дцато́й желе́зной, не для красы́, а для кре́пости.
Захоте́лось Илье́ свою́ си́лу попро́бовать.
Он подъе́хал к Оке́-реке́, упёрся плечо́м в высо́кую го́ру, что на берегу́ была́, и свали́л её в ре́ку Оку́. Завали́ла гора́ ру́сло, потекла́ река́ по-но́вому.
Взял Илья́ хле́бца ржано́го ко́рочку, опусти́л её в ре́ку Оку́, сам Оке́-реке́ пригова́ривал:
— А спаси́бо тебе́, ма́тушка Ока́-река́, что пои́ла, что корми́ла Илью́ Му́ромца.
На проща́нье взял с собо́й земли́ родно́й ма́лую го́рсточку, сел на коня́, взмахну́л плёточкою…
Ви́дели лю́ди, как вскочи́л на коня́ Илья́, да не ви́дели, куда́ поскака́л. То́лько пыль по́ полю столбо́м подняла́сь.
A présent, Ilya part à la recherche d’un cheval.
Sortant du village, il aperçoit un paysan qui tient par la bride un poulain roux, au poil hirsute et couvert de gale. Ce poulain ne vaut pas un sou, mais le paysan en demande une somme folle : cinquante roubles et cinquante kopecks !
Ilya achète pourtant l’animal. L’ayant ramené à la maison, il le conduit à l'écurie, l’engraisse en le nourrissant de blé tendre, l'abreuve d’eau de source, le frotte, le soigne, le couche sur de la paille fraîche.
Trois mois plus tard, à l'aube, voilà qu’Ilya conduit son poulain, Bourouchka, dans le pré. Le poulain se roule dans la rosée du matin et deviendra un cheval de légende.
Ilya le conduit vers un haut enclos et le cheval se met à jouer, danser, tourner la tête, à secouer sa crinière, s’ébrouer, renifler des naseaux. Le voilà qui, dix fois, bondit d’un côté à l’autre de la palissade sans jamais la toucher de ses sabots. Ilya pose sa main puissante sur son encolure sans que Bourouchka ne frémisse ni ne bouge.
- Un bon cheval, s’exclame Ilya. Il sera mon fidèle compagnon.
Puis Ilya part à la quête d’une épée à sa main. Mais lorsqu’il serre la poignée de l’une d’elles, celle-ci s’effrite et tombe en poussière. Ilya ne trouve aucune épée à sa main et les jette aux femmes pour qu’elles taillent avec des petits copeaux d’éclairage¹. Puis il se rend lui-même à la forge et se met à y fondre trois flèches, chacune pesant pas moins de trente livres ! Il se fabrique un arc à la corde bien tendue, se saisit d’une longue lance et d’un gourdin d’acier damassé.
Ainsi équipé Ilya s’en va trouver son père et sa mère:
- Mon père, ma mère, permettez-moi d’aller à Kiev, la capitale, et de me joindre au prince Vladimir². Je servirai et protégerai notre chère terre de Russie et défendrai la vraie foi contre les méchants ennemis.
Le vieil Ivan Timoféévitch lui répond :
- Je te bénis pour les bonnes actions que tu feras, mais non pour les mauvaises. Défends notre terre russe non pour l'or ni par intérêt, mais pour l'honneur, pour la gloire des braves ! Ne verse pas inutilement le sang humain, ne fais pas verser les larmes des mères et n'oublie jamais que tu es le fils d’une famille de pauvres paysans³...
Devant ses parents, Ilya s'incline alors jusqu’à toucher la terre et s’en va seller Bоurоuchka-au-pelage-hirsute. Il a mis du feutre sur la croupe du cheval, et du molleton par dessus, puis une selle circassienne4 avec douze sangles de soie, et une treizième en métal, non pas pour la beauté, mais pour la résistance.
Ilya veut à présent éprouver sa force.
Il chevauche jusqu'à la rivière Oka, appuie son épaule contre la haute montagne qui la surplombe et renverse celle-ci dans la rivière. Au pied de cette montagne, le cours de l’Oka s’en trouve détourné à jamais.
Ilya prend la fine croûte d’un pain de seigle et l’offre à la rivière, lui déclarant :
- Merci, merci Petite-mère Oka, de ton eau, merci d'avoir nourri Ilya Muromets !
En partant, il prend avec lui une petite poignée de sa terre natale, monte sur son cheval, agite sa cravache.
Les gens virent Ilya enfourcher son coursier de légende, mais nul ne sut où il se dirigeait. Seule, derrière lui, dans la campagne, s’élevait une colonne de poussière…
2- Vladimir le Beau Soleil (Владимир Красное Солнышко), qu’on traduit souvent par ‘Vladimir le Soleil rouge’, prince légendaire des bylines, que l’on peut identifier à Vladimir Ier, Vladimir le Grand (958-1015). Grand prince de Novgorod puis de Kiev, renonçant au paganisme, c’est lui qui imposera aux ‘Rus’’ le christianisme de rite byzantin. Il est considéré comme le fondateur de la « Sainte Russie ». Pour en savoir plus sur le prince Vladimir : Lire (en russe).
3- Le texte évoque ici les ‘paysans noirs’ (черносошные крестьяне) : classe de paysans de l’ancienne Russie exploitant des terres impériales ou communales et devant payer l’impôt à l’Etat. A la différence des serfs, ils pouvaient s’en libérer, voire même vendre leur parcelle, à la condition de la « blanchir », c’est-à-dire à régler les frais et taxes cadastrales. Pour en savoir plus sur les ‘paysans noirs’ : Lire(en russe).
4- Circassien : de Circassie, région historique située au nord du Caucase sur la côte de la mer Noire.
Ilya Mouromets, un héros de légende...
Ilya, fils de paysans vivant près de la ville de Mourom* est ce que l’on nommerait aujourd’hui un ‘super-héros’ capable de vaincre les guerriers nomades, les forces obscures et de tenir la dragée haute aux princes et aux boyards non seulement avec ses armes mais aussi avec ses mots.
* Mourom (Муром) est une ville parmi les plus anciennes de Russie (son nom est déjà mentionné dès l’an 862 !), située dans la région de Vladimir, sur la rivière Oka, à environ 300 kilomètres à l’est de Moscou.
Lire (en russe) une version très complète de la geste (bylines) d’Ilya Mouromets, textes rassemblés et commentés par Anna Astakova (Анна Михайловна Астахова), 1958.
En 1975 sort le dessin animé ‘Ilya Muromets - Prologue’ (Илья Муромец – Пролог) -, réalisé par Ivan Arsentchouk (Иван Семёнович Аксенчук) (1918-1999) - qui reprend grosso modo le même récit. Il sera suivi en 1978 de ‘Ilya Mouromets et Rossignol-le-Brigand’ (Илья Муромец и Соловей-Разбойник). Voir page suivante.
‘Ilya Muromets - Prologue’ (Илья Муромец – Пролог) -, 1975