Grégory Oster - Григорий Остер

Grand-papa, grand-maman et oncle Boris

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1- Mémé a caché dans le buffet un pot de confiture qui contient 650 g de confiture. Son petit-fils Kolia a découvert le pot et chaque jour en mange 5 cuillères.
     Combien de grammes de confiture la grand-mère retrouvera-t-elle dans le pot au bout de 20 jours, si l'on sait que chaque cuillerée mangée par Kolia contient 5 g de confiture ?

***

2- Dans la cuisine de 6 mètres carrés, pépé a laissé tomber sa monnaie. Sur chaque m² mémé a ramassé 45 kopecks.
     Combien de kopecks a-t-elle récoltés ¤(et qu’elle ne rendra jamais à pépé)¤ ?

179. Печа́льный дя́дя Бо́ря 17 раз ра́довался в де́тстве, 9 раз в ю́ности и 1 раз в зре́лые го́ды.
Ско́лько раз обра́довался печа́льный дя́дя Бо́ря за свою́ до́лгую безотра́дную жизнь?

176. Печа́льный дя́дя Бо́ря купи́л 3 лотере́йных биле́та, и ему́ присни́лось, что пе́рвый вы́играл 10000, второ́й 20000, а тре́тий сто́лько же, ско́лько пе́рвый и вто́рой вме́сте взя́тые. К сожале́нию, наяву́ ни оди́н из трёх биле́тов совсе́м ничего́ не вы́играл.
На ско́лько бо́льше де́нег печа́льный дя́дя Бо́ря вы́играл во сне?

177. К пяти́десяти года́м у печа́льного дя́ди Бо́ри на голове́ остава́лось 5512 воло́с, а к пяти́десяти пяти́ их ста́ло в 689 раз ме́ньше.
Ско́лько воло́с поки́нуло го́лову дя́ди Бо́ри, и ско́лько воло́с оста́лись ей верны́?

4- L’oncle Boris a proposé à l’indécise tante Olga de l'épouser. Tante Olga a promis d’y réfléchir et a réfléchi pendant 15 ans puis a refusé. Le malheureux oncle Boris lui a suggéré de réfléchir encore. L’indécise tante Olga a réfléchi 6 ans de plus que la première fois et a fini par dire oui.
     Pendant combien d'années le malheureux oncle Boris n'a-t-il jamais perdu espoir que l’indécise tante Olga un jour l'épouserait ?

5- Le malheureux oncle Boris s'est réjoui 17 fois dans son enfance, 9 fois dans sa jeunesse et 1 fois devenu adulte.
     Combien de fois le malheureux oncle Boris s'est-il réjoui au cours de sa longue et triste vie ?

6- Le malheureux oncle Boris a acheté 3 billets de loterie et a rêvé qu’avec le premier il gagnait 10 000 roubles, avec le deuxième 20 000 et avec le troisième autant que la somme du premier et du deuxième réunie. Malheureusement, en vrai, aucun des trois billets n’a gagné quoi que ce soit.
     Combien d'argent le malheureux oncle Boris n’a-t-il jamais gagné qu’en rêve ?

7- À cinquante ans, le malheureux oncle Boris avait 5 512 cheveux sur la tête, à cinquante-cinq ans, il en avait 689 fois moins.
     Combien de cheveux ont quitté oncle Boris, et combien de cheveux lui sont restés fidèles ?

Grégory Oster - Григорий Остер

40 grands-mères

1- 40 mémés sont parties en balade en moto. La grand-mère la plus rapide roulait seule devant, sur sa moto pétaradante ; trois motos avec side-car, chacune avec trois mémés, suivaient derrière à fond de train, pendant que le reste des motos tentait de les rattraper, chacune d’entre elles chevauchée par deux grand-mères.
     Sur combien de motos les mémés sont-elles parties en balade ?

2- 40 mémés ont pris le même ascenseur et se sont retrouvées coincées entre les étages. La moitié des grands-mères a commencé à envisager silencieusement le pire. 18 mémés de l'autre moitié gardent leur calme, espérant l’arrivée rapide des secours. Le reste des grands-mères, nerveuses, commencent à s’agiter, à appuyer sur tous les boutons en criant : « Au secours ! », et à critiquer le gouvernement.
     Combien de mémés nerveuses sont bloquées entre les étages et s’agitent ?

3- Un jour, 40 mémés ont décidé de faire main basse sur trois porcelets. 3 grand-mères ont saisi le premier cochonnet, le deuxième a été attrapé par 2 fois plus de mémés, le troisième par les mémés restantes.
Combien de mémés ont réussi à s’agripper au troisième petit cochon ?

4- 40 mémés sont montées dans le bus. Un cinquième des grands-mères a acheté des billets et les autres s’époumonaient disant qu'elles possédaient une carte de voyage. En fait, seules sept d’entre elles en avaient.
     Calculez combien de mémés ont pris le bus à l’œil ?

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5- - 40 grand-mères sont venues à la fête de grand-père. Chaque mémé a apporté deux peignes en cadeau.
     Combien de peignes l’heureux grand-père pourtant complètement chauve a-t-il reçu pour son anniversaire ?

6- Fuyant le teckel Douska, 40 mémés ont grimpé sur un arbre. L'arbre possède sur ses côtés 18 branches, avec deux grand-mères assises sur chaque branche.
     Combien de mémés ont réussi à monter jusque tout en haut de l’arbre et s’y balancent encore ?

7- Par une journée d'été ensoleillée, 40 mémés sont parties cueillir des champignons dans la forêt, puis sont rentrées pour les cuire avant de les manger.
     Combien de grands-mères n’ont pas fini à l'hôpital si l'on sait que parmi tous les champignons récoltés il n'y en avait que 8 de vénéneux, et sachant aussi que les mémés qui ont fini à l'hôpital se sont délectées chacune de 2 deux champignons vénéneux ?

8- 40 mémés ont décidé de prendre l’air sur 3 balcons. 12 grand-mères sont sorties sur le premier balcon. Sur le deuxième, on comptait 5 grand-mères de moins.
     Le troisième balcon pourra-t-il résister au poids des mémés qui s'y pressent si, selon les calculs des architectes, chaque balcon ne peut pas supporter le poids de plus de 20 grand-mères ?

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Grégory Oster - Григорий Остер

Exercices mathématiques remarquables
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Зада́чник
(Ненагля́дное посо́бие по матема́тике)

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(Extraits - отрывки)
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(1991)

Voici des extraits du tout premier livre en russe qui m'ait été donné de ‘lire’. A l’époque, je ne balbutiais que quelques mots de russe et j’avais surtout, alors, adoré les illustrations de Denis Bouroussov (Денис Бурусов) (plus que le texte que je déchiffrais à peine). Ce livre, ensuite, je l’avais rendu jusqu’à l’oublier. Miracle d’Internet, plus d’une trentaine d’années après, je le retrouve... enfin : dans une version dématérialisée – comme un album de photos anciennes récemment numérisées et qu’on redécouvre... Souvenirs, souvenirs...

Georges Fernandez, juillet 2024

Source du texte (en russe) : royallib.com.

­Quelques autres exercices tout aussi drôles ont été traduits par Richard Roy in Lettres russes n° 9 (avril 1992), p. 55 : Lire.

nb. Il existe une version légèrement différente de ce livre d’exercices en mathématique, abrégée et sans illustration, ‘recommandée par le Ministère de l’Education de la Fédération de Russie’, publiée en 1994. (Lire en russe)

(Les quelques notes de bas de page sont du traducteur)

Préface  Предиссло́вие

...Un écrivain pour enfants s'adresse à ses lecteurs et leur dit : "Et j'ai écrit pour vous un nouveau livre - un livre d’exercices de mathématiques." C'est probablement la même chose que de vous offrir pour votre anniversaire un bol de bouillie de céréales au lieu d'un gâteau. Mais pour être honnête, le livre qui s’ouvre devant vous n’est pas vraiment un livre d’exercices...

Pour les instituteurs :

Non, non, ces exercices sont bien réels. Ils sont destinés aux petites classes et tous ont une solution…

Ils sont réservés à ceux qui n’aiment pas les mathématiques et qui considèrent habituellement que devoir les résoudre est un travail ennuyeux et fastidieux. Puissent-ils penser autrement !

Pour les élèves :

Chers enfants, ce livre porte délibérément comme titre « Livre d’exercices » afin que vous puissiez le lire en cours de mathématiques sans devoir le cacher sous la table. Et si le maître commence à gronder, dites-lui: « C’est pas nous, c’est le Ministère de l’Éducation qui l’a autorisé. »...

***

Une traduction/adaptation très librement ‘arrangées’ :

Avertissement : afin de préserver la compréhension – et l’humour - des problèmes de calcul posés, les énoncés ont parfois été légèrement modifiés – et quelques ajouts apportés (encadrés par des diacritiques ¤...¤) - sans que cela n’affecte en aucun cas leur résultat. Certains problèmes n’ont pas été traduits ici. Ceux retenus ont été regroupés par ‘thématiques’, bien hétéroclites, je l’avoue. (L’ordre original d’occurrence est indiqué au début du texte russe.) ndt.

***

1- Les mathématiques sont une science exacte, donc pour répondre aux questions suivantes, vous devrez supposer que toutes les personnes et bêtes évoquées ci-dessous sont vivantes, en bonne santé et sorties indemnes de leurs batailles. Et, je vous en prie, supposez cela et seulement cela !

1. Combien de queues ont sept chats ?
2. Combien de nez ont deux chiens ?
3. Combien de doigts ont quatre garçons ?
4. Combien d’oreilles ont cinq bébés ?
5. Combien d’oreilles ont trois mémés ?

2- Il était une fois deux chiffres, le 5 et le 3. Ils possédaient un sac de taille moyenne qu'ils emportaient partout avec eux, et lorsqu'ils croisaient quelque chose qui leur faisait peur, ils sautaient immédiatement dedans, s’enfermaient à l'intérieur et se pressaient étroitement l’un contre l’autre, si fort que parfois ils se combinaient jusqu’à ne faire qu’un seul nombre.
     Trouvez la somme de ces deux froussards, 5 et 3, planqués au fond du sac.

***

Attention à bien lire et comprendre les énoncés…

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3- Un petit garçon qui se balançait sur une chaise est tombé et un pied s’est cassé. Sa mère s'est précipitée pour récupérer son fils, mais elle a glissé et voilà qu’un autre pied s’est cassé. Papa voulait aider maman, mais il est tombé lui aussi et cette fois, ce furent deux pieds cassés d’un coup.
     Combien de nouveaux pieds faudra-t-il ajouter à la chaise sur laquelle se balançait le petit garçon ?

Vous pourrez même trouver au fil des pages quelques exercices pratiques :

4- Tracez ¤dans votre cahier¤ une droite de 6 kilomètres de long.
Mesurez ¤à l'aide d'une règle¤ combien il y a de mètres dans un cinquième de cette droite...

(N’hésitez pas pour ce faire à demander à vos parents de vous acheter une règle plus longue et un plus grand cahier, ndt 😉 )

Grégory Oster : quelques mots sur l'auteur...

Grégory Oster (Григорий Бенционович Остер) est aujourd’hui un vieux monsieur né en 1947 à Odessa. Considéré en Russie comme l'un des écrivains vivants les plus importants de la littérature pour enfants, il est l’auteur, entre autres, de la série des ‘Mauvais conseils’ (Вредные советы) qui ont amusé des générations de petits (et grands) garnements. Il a par ailleurs écrit les scenarii de plus de 70 dessins animés.

Lire (ou écouter) une anthologie des ouvrages de Grégory Oster : RoyalLib.com.

Pour en savoir plus sur Grégory Oster et son œuvre : lire en russe.

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Légendes et mythes de l’allée de Lavrov

Леге́нды и ми́фы Лавро́вого переу́лка

L’homme qui parlait comme un enfant
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Челове́к с де́тским акце́нтом

On dit qu'un homme, qui parlait comme un enfant, se trouvait ce matin-là dans l’allée de Lavrov, à onze heures trente-cinq minutes exactement.

Il était apparu au coin de la ruelle et s’était arrêté là, au beau milieu.

- Za z’est pazzé izi ! dit-il en pointant son doigt vers le sol. Par terre, à l’endroit même qu’il désigne, se trouvaient deux cailloux, une demi-balle de ping-pong et le ruban de la petite Viéra, qui venait de tomber de sa tresse.

Un groupe de gamins d'école maternelle s’approche alors de l'homme qui parlait comme un enfant.

Vierotchka¹ , tout en ramassant son ruban lui demande :

- Et il s’est passé quoi ici ?

Mais le bonhomme, sans répondre à la question de Vierotchka, pose la sienne.

- Dites-moi, demande-t-il aux gamins, z’y en a-t-il pa’mi vous qui peuvent pas p’ononzer ce’taines lett’es, pa’ exemple, la lett’e « z » ou la lett’e « l » ? Vous zaizizzez bien zûr que ze ne pa’le pas v’aimment de zes lett’es-là, mais de zelles que ze n’a’’ive pas à di’e.

- Non, lui répondent les enfants après avoir réfléchi, aucun de nous.

- Et moi, ze ne peux pas les p'ononzer, dit l'homme de son accent enfantin et il soupira amèrement. Tout petit, on m’a fait beaucoup peu’, et depuis ze ne pa’le plus comme il faut. Z'est là que z’ai eu t’ès t’ès peu’. A zet end’oit p’écis. Et le docteu’ a dit : il faud’a que tu aies peu’ ezzactement au même end’oit. Et alo’s, tu pou’’as pa’ler à nouveau comme il faut. Pouvez-vous m’aider ? Ze vous en p’ie...

- Comment ? lui demandent les petits tout surpris.

- Faites-moi peu’, allez, z’il vous plaît, beaucoup beaucoup peu’ ! dit l'homme de son accent enfantin et il ferme les yeux.

- Ouah-ouah ! aboie Vierotchka, mais l'homme qui parlait comme un enfant rouvre les yeux et dit tristement : - Non, ze n'ai pas peu’ des siens, On a dézà voulu m’eff’ayer avec des siens..

- Tsseu, tsseu... un serpent ! Un serpent ! S’écrient plusieurs enfants, mais l'homme de son accent enfantin à nouveau soupire :

- Z’ai dézà ezzayé d’avoi’ peu’ des zerpents. Ze n'ai pas eu peu’ d’eux non plus.

- De quoi avez-vous peur alors ? interroge Vierotchka.

- Z’est là zustement toute l’affai’e, ronchonne l'homme qui parlait comme un enfant. Z’ai bien peu’ d'avoi’ peu’ de ‘ien. Z’ai beaucoup, beaucoup de couraze. Ze n’zais plus quoi fai’e...

Et puis voilà que le petit Tapotchkine, âgé de cinq ans, s’avance parmi le groupe de gamins.

- Pas de panique ! dit-il. Je connais un moyen...

- Lequel ? interroge tout le monde.

Au monde, il y a des garçons aux bras puissants qui peuvent se soulever à la barre fixe toute la journée. Il y a des garçons aux mollets si costaux qu’ils peuvent lancer un ballon si fort jusqu’à casser les vitres du trentième étage. Le petit Tapotchkine, lui, était un garçon qui avait beaucoup d’imagination. Cela ne veut pas dire qu’il s’imaginait être meilleur que les autres, non cela voulait dire simplement qu’il pouvait inventer et imaginer des choses que les autres n’avaient jamais pas même rêvées.

- Imaginez donc, propose-t-il à l'homme à l’accent enfantin, que vous rentrez chez vous et qu’il fait nuit noire...

- Z’imazine bien ! dit l’homme.

— Vous poussez calmement la porte et allez au frigo pour prendre une compote.

- M’y voilà dézà ! confirme l'homme qui parlait comme un enfant.

- Vous ouvrez le frigo et là vous voyez...

- Ze vois quoi ? demande d’une petite voix l'homme de son accent enfantin.

-… Un énorme Kakafard !!! dit le gamin.

- Des kakafa’zizi-yapas ! s’écrie le bonhomme. Dans le f’igo, y-a que mes compotes, des zauzzisses zet mon zervelas p’éfé’és.

- L’énorme Kakafard est pourtant là ! dit l’enfant, et il commence à manger toutes vos saucisses. Et votre cervelas !

- Aïe-aïe-aïe ! murmure l'homme à l'accent enfantin, et il se lève d'un bond et détale à toutes jambes.

Il court et crie d’une voix claire :

- Alarrrme, alarrrme ! Le Kakafarrrd mange toutes mes saucisses ! Sauvez ces saucisses de l’affrrreux Kakafarrrd ! Alarrrrme !

Le petit Tapotchkine le regarde alors qui s’enfuit et dit :

- Tout est bien qui finit bien. A présent il parle normalement ! Nous avons su lui faire peur !

En 1987, sort de dessin animé ‘L’homme qui parlait comme un enfant’ (Челове́к с де́тским акце́нтом) réalisé par Alexandre Viken (Александр Викен), inspiré du conte de Grégory Oster. Les enfants imaginent nombre de méthodes afin d’effrayer le bonhomme. Finalement, c’est en sauvant un gamin d’une chute mortelle, et après avoir eu alors t’ès-t’ès peu’, qu’il pourra enfin parler normalement…

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Légendes et mythes de l’allée de Lavrov

Леге́нды и ми́фы Лавро́вого переу́лка

Cathy, l’arme fatale - Ка́тька-ору́жие

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(02)

Et pourtant, le jeudi suivant à cinq heures de l’après-midi, toute la petite troupe de l’allée de Lavrov se présenta sur le terrain vague derrière la maison en brique.

On aurait été bien en peine de décrire cette soi-disant armée : une volée de malheureux gamins d'âge préscolaire en jolies sandales toutes proprettes et d’élèves de cours préparatoire, gentillets, tous premiers de la classe, conduits par quelques élèves de cours élémentaire et moyen dont un seul avec une note médiocre sur son carnet : en musique. En définitive, ce n’était pas une armée mais une bande de petits rigolos...

Et face à cette désespérante troupe se dressaient les régiments du Porche, équipés des dernières innovations technologiques, de toutes sortes d'arbalètes et de pistolets en plastique. Et à leur tête, dépassait la haute silhouette de Simon Sémionov. Simon Sémionov en personne : un cancre invétéré, deux fois redoublant.

De fait, les Lavroviens se présentèrent sur le champ de bataille la fleur au fusil et, semble-t-il, sans aucun équipement de combat. Mais ce n’était là seulement qu’apparence.

Simon Sémionov, le commandant en chef de l’armée porcheronne contempla avec un sourire dédaigneux l’escouade lavrovienne.

- Afin d'éviter une effusion de sang insensée, déclara-t-il avec condescendance, je vous suggère de vous rendre et de capituler sans condition. D’ailleurs, je suppose que telle est votre intention, puisque vous êtes venus sans arme.

- Que nenni ! répondirent d’une seule voix les Lavroviens. Nous aussi nous avons nos armes.

- Et où sont-elles, vos armes ? s’esclaffèrent les Porcherons. Allez, montrez-les-nous !

C’est alors que la troupe lavrovienne s’écarta et qu’apparut Cathy.

Cathy était une fillette qui n’avait que quatre ans et qui, à première vue, paraissait tout à fait ordinaire, mais toujours avec la morve au nez.

- La voici, notre arme ! crièrent ceux de Lavrov. Elle est bactério-microbienne. Cathy est atteinte d'une maladie terriblement contagieuse, la coqueluche de Hong Kong. Elle grouille de microbes. C’est Cathy, notre arme fatale ! Et maintenant, elle va tous vous infecter ! Vas-y Cathy, à l’attaque !

Cathy écarta les bras, plissa les yeux, ouvrit la bouche et, tout en criant, se précipita à l’assaut des troupes porcheronnes : - Taïaut, taïaut ! Aaaa...tchoum  !

O, combien la victoire fut éclatante !

Et l'armée du Porche défaite, vaincue, anéantie, et à sa tête le terrible Simon Sémionov, deux fois redoublant, s’enfuit à toutes jambes... Non, rien ne pourrait décrire un tel triomphe ni pareil désastre. Il eut fallu être présent pour voir ça de ses propres yeux.

C'est pourquoi, bien que nul ne se rappelle comment la guerre entre les Lavroviens et ceux du Porche avait commencé, tout le monde garde en mémoire la retraite désespérée des troupes porcheronnes, leur humiliante défaite, et la glorieuse victoire de l’indéfectible armée lavrovienne.

Grégory Oster - Григорий Остер

Légendes et mythes de l’allée de Lavrov

Леге́нды и ми́фы Лавро́вого переу́лка

Cathy, l’arme fatale (01) Ка́тька-ору́жие

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(extraits -отрывки)

Personne ne se souvient comment commença la guerre entre les gamins de l’allée de Lavrov et ceux du passage¹ du porche voisin. Soit au retour de l'école ces derniers n’autorisèrent pas ceux de l’allée à traverser leur cour, soit ce furent les Lavroviens qui se vantèrent d’habiter dans une allée - pour ainsi dire une vraie rue -, traitant ceux d’à côté de ‘Porcherons’, parce qu’en quelque sorte ils vivaient sous un porche ouvert à tout venant¹. Ou peut-être simplement passait-on à cette époque trop de films de guerre au cinéma de quartier…

D'une manière ou d'une autre, la guerre éclata et se prolongea trois longues semaines avant de s’achever par la victoire totale de Lavroviens.

Certes, au début, l’issue du conflit parut bien indécise et il sembla même que la victoire reviendrait aux gamins du porche, les Porcherons.

Durant cette guerre, ce fut le malheureux Basile qui endura les pires souffrances, sans qu’il fût même possible de savoir avec certitude dans quel camp il était. Basile était un gros chat roux qui fréquentait l’allée de Lavrov seulement le soir venu, et nul ne savait où il vivait et dormait.

Néanmoins, de perfides Porcherons capturèrent le matou et attachèrent une boîte de conserve au bout de sa queue. Et le pauvre Basile, à la vue et au su de tous, galopant, couvert de honte, miaula si fort que tous les chats et chattes du voisinage se réfugièrent avec horreur dans les sous-sols auprès des souris.

Encouragés par cette brillante et tonitruante victoire, les Porcherons déclarèrent la guerre totale. La date et le lieu de la bataille furent programmés pour le jeudi suivant à cinq heures de l'après-midi, sur le terrain vague derrière la maison en brique. Les Lavroviens ne pouvaient s’y soustraire d’aucune façon. Cela aurait signifié reconnaître la défaite et se couvrir d’un indéfectible et éternel opprobre. Et pourtant ils ne pouvaient non plus se résoudre à s’y rendre.

Il faut dire que cette guerre, déclenchée par les Porcherons, avait pris les Lavroviens, pour ainsi dire, par surprise. Par malheur, à cette époque, ceux-ci ne pouvaient se prévaloir d’aucun champion digne de ce nom. Quant au plus grand héros de tous les temps de l’allée de Lavrov, le petit Tapochkine, il dormait encore dans son berceau, au première étage de chez ses parents, enveloppé dans ses langes.

Bref, les temps étaient difficiles pour les Lavroviens : certains de leurs champions avaient vieilli, d’autres n’avaient pas eu le temps de grandir et les derniers enfin n’étaient tout simplement pas encore nés...

Grégory Oster - Григорий Остер

Légendes et mythes de l’allée de Lavrov

Леге́нды и ми́фы Лавро́вого переу́лка

Avec considération et profond respect
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Глубо́кое уваже́ние

Il était une fois un père et une mère qui habitaient l’allée de Lavrov et qui avait un fils, Kolia. Un jour maman dit à papa :

- Les enfants des autres font des bêtises comme tous les enfants, mais notre Kolia est le pire de tous. Il use ses vêtements, détruit ses chaussures, perd ses mouchoirs, et je ne parle même pas de son bonnet qu’il ne veut jamais mettre. De l’école, presque chaque semaine, il ne nous rapporte que de mauvaises notes. Le mois dernier, il s’est battu, et ce mois-ci, il a cassé une vitre. Du matin au soir il joue au football et n’obéit jamais.

Papa réfléchit et répond :

- Peut-être que notre Kolia n'est pas aussi terrible. Il existe peut-être au monde des enfants encore pires que lui.

Maman fait un geste de dépit : - Non, c’est le pire des pires. Si tu ne me crois pas, va demander aux voisins !

- D'accord, acquiesce papa, quand je sortirai ce soir fumer ma cigarette, je demanderai.

Et donc le soir venu, il sort dans la cour. Mais Kolia l’a suivi en cachette ! Saisissant une luciole qui volait dans le noir il s’approche de son père, tenant l’insecte entre ses doigts. Et dans l’obscurité c’était comme s’il tenait une cigarette.

Papa pense qu’il s’agit d’un voisin :

- Bonsoir. Dites-moi donc, s'il vous plaît voisin, vous avez des enfants ?

- Bien entendu, lui répond Kolia imitant la voix d’un adulte, mon fils est au cours élémentaire. Il s'appelle Tolia.

- Et c’est probablement un excellent élève, n’est-ce pas ?

- Rien de plus faux ! lui répond Kolia d’une voix grave. C'est un cancre. Il nous ramène des doubles zéros tous les jours. Trois par jour, parfois quatre !

- Mais dites-moi, insiste le père, probablement que votre Tolia prend soin de ses vêtements et de ses chaussures ?

- Ah, si vous saviez ! Il déchire trois blouses par jour et il nous faut l’équiper de nouveaux souliers toutes les vingt minutes...

- Eh bien, eh bien ! dit le père de plus en plus surpris. Mais votre fils ne passe pas tout son temps à jouer au football ?

- Non, répond Kolia, pas tout le temps. La fille de notre voisin du dernier étage, la petite Olga, elle, court derrière la balle vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Notre Tolia, lui, ne joue au football que quatorze heures par jour. Et le reste du temps, il casse les carreaux des fenêtres et se bat avec le premier venu.

Entendant tout ça, papa dit d’un ton pressé : - Désolé ! Excusez-moi voisin, mais il me faut rentrer. Bonne soirée !

Il se précipite à la maison pour dire à maman :

- Tu sais, pour de bon notre Kolia n'est pas le pire de tous. Un de nos voisins a un fils qui s’appelle Tolia, en classe élémentaire tout comme le nôtre, et il m’en a dit les pires horreurs. Par rapport à lui notre Kolia est un brave garçon, sans aucun problème. Comparé à ce Tolia, nous devrions tout bonnement être fiers de notre fils.

Maman réfléchit, puis déclare :

- S’il en est ainsi, alors soyons fiers de lui. Ne le grondons plus, et à partir de demain traitons-le avec une profonde considération.

Alors papa et maman commencèrent à traiter Kolia avec grand respect, cessant définitivement de le gronder.

Et cette profonde considération à son égard mit Kolia quelque peu mal à l'aise. Il n’avait pas vraiment honte, non, mais plutôt une sorte de gêne qui le dérangeait un peu. Et, sans s'en rendre compte, petit à petit il commença à s'améliorer, et progressivement, il devint un excellent et brave garçon.

Grégory Oster - Григорий Остер

Légendes et mythes de l’allée de Lavrov

Леге́нды и ми́фы Лавро́вого переу́лка

Une guirlande de bambins - Гирля́нда из малыше́й

Chaque personne, dans son enfance, s’est perdue au moins une fois. Et puis, bien sûr, on a pu la retrouver. Il arrive souvent qu'un garçon ou une fillette se perdent. Voire même deux en même temps. Mais dans l’allée de Lavrov, on raconte comment une classe de maternelle tout entière un jour s’est perdue.

Les bambins et leur maîtresse, tata Macha, marchaient tranquillement dans la rue, humant l'air frais du matin, quand soudain l'une des fillettes, la plus petite, sent qu'elle commence à se perdre. De crainte, elle saisit immédiatement la main de sa voisine, puis tous les autres garçons et filles font de même. Et comme tous les enfants se tiennent par la main, pour ne pas se perdre, ensemble tous se perdent.

Lorsque les bambins se rendent compte qu'ils sont bel et bien perdus, sans leur maîtresse, ils ne se mettent pas à pleurnicher, ils serrent seulement encore plus fort la main de leurs camarades près d’eux, formant ainsi une longue guirlande d'enfants.

Et cette guirlande, arrivée au carrefour, attend qu’au feu le petit bonhomme passe au vert et traverse. Ensuite, atteignant l’entrée du parc zoologique elle franchit tranquillement le portillon. La guichetière laisse passer toute la ribambelle pensant que leur maîtresse suit derrière avec les billets. Lorsque tous les enfants sont passés, la guichetière réclame à l’inconnue, une brave dame qui faisait la queue derrière, les vingt-trois billets du groupe. Et la brave dame qui n'avait qu’un seul billet, de stupeur tombe dans les pommes.

La guirlande de bambins atteint l’enclos des girafes et y passe un moment. Ensuite, la guirlande rejoint le parc à éléphants et reste là beaucoup plus longtemps. Puis elle fait le tour de la cage aux paons et puis s’en va voir les singes. Elle s’attarde un bon moment près des hippopotames, mais plus longtemps encore devant les boas constricteurs.

Après les boas, voilà que la guirlande saute dans un grand chariot tiré par trois poneys et fait deux tours complets. Puis la guirlande rend visite aux chameaux, à une et deux bosses, et aux ours aussi. Aux bruns d’abord et puis aux blancs.

Puis la guirlande s’en va voir les lions jaunes et les panthères noires, les cerfs au pelage tacheté de blanc et les zèbres rayés. Elle passe devant la cage aux renards bleus, et celle des roux aussi, devant les crocodiles verts, les tortues à la carapace foncée et les perroquets multicolores. Puis elle s’arrête devant les rhinocéros et enfin s’en revient voir les éléphants.

Derrière le plus grand des pachydermes, mais bien entendu à l'extérieur de l’enclos, les enfants aperçoivent alors leur maîtresse, tata Macha.

Tata Macha regarde sa guirlande de bambins l’air pensif, ne sachant comment elle doit réagir. Faut-il qu’elle se fâche et pleure, parce qu’un peu plus tôt ses poussins se sont perdus, ou se réjouir et rire de les avoir à présent retrouvés ?

Et parce que tata Macha ne sait pas s’il faut rire ou pleurer, elle paraît extérieurement très calme, mais en elle tout chavire et se cogne.

Et surtout, elle se dit qu’elle ne sait vraiment plus si c'est sa classe de bambins qui plus tôt s’est perdue ou si c'est elle qui s'est égarée, égarée et perdue...

En revoyant leur maîtresse les enfants, ravis, s’écrient d’une seule voix  :

- Hourra ! On a retrouvé tata Macha ! Tata Macha, comme c’est super qu’on vous ait retrouvée !

« C’est bien ça, pense alors tata Macha, ce ne sont pas eux qui se sont perdus, mais moi. Moi... »

Et la maîtresse ramène tout sa guirlande de bambins à l’école maternelle car, bientôt, c’est l’heure du repas de midi.

Il existe une autre version de ce conte, destinée à un public d’enfants plus petits, d’âge préscolaire, où l'institutrice amène son groupe d’enfants faire une promenade. Et pour que les enfants ne se perdent pas, elle leur tend une corde et leur dit de bien s'accrocher, mais c’est sans compter sur un petit corbeau qui… Lire la suite (en russe).

Cette version servit de trame à un dessin animé – sans paroles – réalisé en 1983, par Maya Miroshkina (Майя Мирошкина) et Leonid Schvartsman (Леонид Шварцман) dans la série ‘Les petits singes’ (Обезьянки)

Grégory Oster - Григорий Остер

Légendes et mythes de l’allée de Lavrov

Леге́нды и ми́фы Лавро́вого переу́лка

En voilà une bonne idée ! - А э́то иде́я!

(Parue sous le titre ‘Les enfants de tata Macha’ - Де́ти тёти Ма́ши)

Tata¹ Macha habitait l’allée de Lavrov. Elle était institutrice à l’école maternelle mais aussi mère d’une ribambelle d’enfants : quatre garçons et trois filles. Lorsque tata Macha emmenait sa petite troupe se promener, les garçons marchaient devant, vêtus en tuniques de marins toutes pareilles, comme s’ils défilaient à la parade. Et les filles marchaient derrière, vêtues de robes multicolores, formant comme un petit cortège, ainsi qu’à un défilé du premier mai².

Le plus grand héros de tous les temps qu’ait jamais connu l’allée de Lavrov, le petit Tapochkine, qui déjà pouvait se tenir debout dans sa poussette, un jour crut que les enfants de tata Macha participaient à une véritable manifestation, et, agitant ses couches, poussa des ‘hourrrras !’.

Les enfants de tata Macha s’entendaient bien avec tout le monde. Ils ne se disputaient jamais entre eux et ne se moquaient pas des autres gamins. Et tout aurait été parfait s’il ne leur était pas venu des idées en tête.

Et il leur en vint voici comment.

- Les enfants, ne dessinez pas par terre et ne commencez pas à peindre sur les murs, leur déclara un matin tata Macha, en partant au travail.

Mais dès que tata Macha eut refermé la porte, les enfants se dirent à l'unisson :

- En voilà une bonne idée ! Et il commencèrent à peindre sur les murs et à dessiner par terre.

Cette nuit-là, tata Macha ne pouvant trouver le sommeil pensa : « Que vont-ils m’inventer d'autre ? Et si demain, quand je serai au travail, il leur passait par la tête de vouloir démonter la télévision couleur ? Quel cauchemar ! »

Et le lendemain matin, en partant au travail, tata Macha leur dit :

- Les enfants, ne démontez pas la télé.

- En voilà une bonne idée ! pensèrent les enfants qui illico se précipitèrent sur le pauvre téléviseur.

Toute l’allée de Lavrov apprit que les enfants de tata Macha avaient de drôles d’idées. Les voisins se disaient avec horreur :

- Et si demain les enfants de tata Macha s’en prenaient aux fusibles, privant toute la maison d’éclairage ; et s’ils commençaient à casser les vitres à coups de fronde ?

- En voilà une bonne idée ! répondirent les enfants de tata Macha et ils dévissèrent les fusibles et sortirent les frondes.

Finalement, réunis en assemblée générale de quartier autour de tata Macha, tous les voisins de l’allée de Lavrov s’interrogèrent :

— Ne devrait-on pas se demander si ce n’est pas nous qui les poussions à tout ça ?

Mais en même temps il se dirent :

- Allons donc ! Serions-nous comme ces genres de voisins qui dévoient les enfants ? Et tata Macha pousserait-elle ses propres enfants à faire n’importe quoi ?

Mais ensuite, réfléchissant encore, il se dirent :

- Et si, du coup, c’était vraiment nous qui les poussions sans le vouloir ?...

Les voisins réfléchirent encore et encore et enfin il leur vint une idée :

- Et si demain, dirent-ils, les enfants de tata Macha ne cassaient rien, ne démontaient rien ni ne détruisaient rien, mais jouaient calmement à des jeux bien paisibles, par exemple au chat et à la souris ou à cache-cache ? Alors… ?

Lorsque les enfants de tata Macha entendirent cela, ils se regardèrent et dirent : - En voilà une bonne idée !…

Grégory Oster - Григорий Остер

Légendes et mythes de l’allée de Lavrov

Леге́нды и ми́фы Лавро́вого переу́лка

Jurons au champ d’honneur* - По́ле бра́ни

* Il y a un clin d’œil dans ce titre : en effet, en russe, si ‘polié brani’ (поле брани) signifie bien ‘le champ d’honneur’ (ou de bataille), l’expression peut tout aussi bien avoir le sens de ‘champ des jurons’ (de gros mots).

On dit que dans les temps anciens, l'allée de Lavrov n'existait pas du tout. Elle fut ensuite construite en même temps que la ville. A cette époque, là où se trouvait l’allée, il y avait, dit-on, auparavant un champ de bataille.

C'était un très grand champ, un champ d’honneur, spécialement fait pour que différentes armées puissent venir en découdre. Des armées à chaque fois différentes, mais où, obligatoirement, figuraient aussi les nôtres. D’un côté il y avait l'ennemi, et de l'autre, les nôtres.

Et voici que les deux troupes s’avancent, chacune venue de son côté, se rapprochant, avec prudence. C’étaient toujours les ennemis qui lançaient les hostilités en premier. Et du milieu du champ d’honneur, bravant les nôtres, les voilà qu’ils commencent à jurer et injurier :

- I-di-ots ! Bande d’im-bé-ciles ! crient-ils en chœur tout en agitant leurs bras.

Et les nôtres leur répondent avec calme :

- C’est-celui-qui-dit-qui-l’est ! C’est-celui-qui-dit-qui-l’est !

Alors les ennemis commencent à s’exciter et crient de plus belle :

- Fem-me-lettes ! Fem-me-lettes !

Et les nôtres leur répondent :

- Fem-me-lettes-vous-mêmes ! Fem-me-lettes-vous-mêmes !

A ce moment-là, les ennemis se sont complètement mis en colère et ont commencé à s'embrouiller. Une moitié des ennemis crient : - Frou-ssards ! Et l’autre : Mau-viettes !

Et comme ils crient tous en même temps cela donne : - Frou-viettes ! Mau-ssards ! Sard-viettes !

Les ennemis ont commencé à ne plus se comprendre et, à cause de ça, ils ont été vaincus. Et les nôtres sont revenus victorieux et ont même rigolé tout le long du chemin.

Et cela a continué jusqu'à ce qu'un jour les ennemis ne l’aient plus supporté.

- Et pourquoi c’est toujours nous qui devons être ‘les ennemis’, ont dit les ennemis, et vous toujours ‘les nôtres’ ? C'est vraiment pas juste ! Changeons ! Nous voulons aussi être une fois ‘les nôtres’ !

- Nous ne changerons pas ! ont répondu les nôtres. Mais si vous voulez vous aussi être des nôtres, alors soit ! Bienvenus !

Et c’est ainsi que nos ennemis sont à présent des nôtres, et qu’ils ont cessé d’injurier. On ne jure plus sur ce champ qui n’est plus un champ d’honneur, mais un simple champ.

Et c’est là que les nôtres et nos anciens ennemis, qui n'étaient plus nos ennemis mais à présent des nôtres, construisirent notre ville. Et quelque part dans cette ville se trouve aujourd’hui l’allée de Lavrov et que tout est devenu comme c’est maintenant.