A. Nekrassov – Le capitaine Wrounguel Chapitre 15a

Petites nouvelles russes : A Sydney
L'arrivée à Sydney, Illustration Radna Sakhaltouev (Радна Сахалтуев)

Andreï Nekrassov - Андрей Некрасов
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Les aventures du capitaine Wrounguel
Приключе́ния капита́на Вру́нгеля
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Chapitre XV - Kézako matelot

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Premier épisode - Пе́рвый эпизо́д

Глава́ XV, в кото́рой адмира́л Куса́ки пыта́ется поступи́ть на «Беду́» матро́сом

Из Брази́лии наш путь лежа́л да́льше на за́пад. Но че́рез матери́к, са́ми понима́ете, не пойдёшь, и пришло́сь уклони́ться к ю́гу. Я проложи́л курс, расста́вил ва́хты и пошёл. Шли в э́тот раз прекра́сно. Ветеро́к дул, как по зака́зу, из-под но́са буру́ны, за кормо́й доро́жка, паруса́ звеня́т, сна́сти обтя́нуты. Миль по две́сти за су́тки отсчи́тывали.

Ну, а зате́м обогну́ли мыс Горн, прошли́ ми́мо Но́вой Зела́ндии и благополу́чно при́были в Си́дней, в Австра́лию.

И вот, предста́вьте, подхо́дим к порто́вой сте́нке и кого́ встреча́ем? Ду́маете, кенгуру́, утконо́са, стра́уса-э́му? Нет! Подва́ливаем. Смотрю́ — на берегу́ толпа́, а в толпе́, в пе́рвом ряду́, — адмира́л Куса́ки со́бственной персо́ной.

Как он туда́ попа́л, отку́да, зачéм — чёрт его́ зна́ет! Одно́ несомне́нно, что э́то име́нно он. Мне, призна́юсь, ста́ло неприя́тно и да́же, зна́ете, как-то не по себе́.

Ну, подошли́, вста́ли. Адмира́л затеря́лся в толпе́. А я, как то́лько по́дали схо́дни, так сра́зу на бере́г, в порт. Предста́вился властя́м, а пото́м ме́жду разгово́ром заки́дываю у́дочку: мо́жет, ду́маю, уда́стся узна́ть, что тут э́тот Куса́ки де́лает и каку́ю ещё па́кость гото́вит.

Чино́вники, одна́ко, ничего́ не сказа́ли, сосла́лись на неосведомлённость. Ну, я поболта́л с ни́ми ещё и отпра́вился пря́мо к капита́ну по́рта. Поздоро́вался и объясни́лся начистоту́: меня́, мол, оди́н япо́нский адмира́л пресле́дует.

— Оди́н? — говори́т тот. — Ну, мой дорого́й, вам повезло́. Я сам от э́тих япо́нских адмира́лов не зна́ю, куда́ дева́ться, и ничего́ не могу́ предприня́ть. Не прика́зано ни помога́ть, ни противоде́йствовать.

Да-с. Сло́вом, ви́жу — неприя́тная исто́рия.

Верну́лся на я́хту, сел чайку́ попи́ть. И вот смотрю́ — поднима́ется на борт ма́ленький челове́чек, по всем при́знакам япо́нский кули́. В ху́деньком пиджа́чишке, с корзи́ночкой в рука́х. Ро́бко так подхо́дит и объясня́ет, что тут, в Австра́лии, погиба́ет с го́лоду, и про́сится на слу́жбу матро́сом. Да так насто́йчиво.

— Пойдёте, — говори́т, — по Ти́хому океа́ну, там тайфу́ны, тума́ны, неиссле́дованные тече́ния… Не спра́витесь. Возьми́те, капита́н! Я моря́к, я вам бу́ду поле́зен. Я и пра́чкой могу́ быть, и парикма́хером. Я на все ру́ки…

— Ла́дно, — говорю́, — зайди́те че́рез час, я поду́маю.

Ушёл он. А ро́вно че́рез час, смотрю́, посо́льская маши́на остана́вливается невдалеке́.

Ну, я взял бино́кль и ви́жу — вылеза́ет отту́да мой япо́нец, берёт корзи́ночку и не спеша́ направля́ется к су́дну. Кла́няется э́так почти́тельно и опя́ть ту же пе́сню:

— Возьми́те… Не спра́витесь…

— Вот что, — говорю́, — убеди́ли вы меня́. Ви́жу сам, что придётся брать матро́са. Но то́лько не вас, молодо́й челове́к.

— Почему́ же?

— Да так, зна́ете, цвет лица́ у вас о́чень неесте́ственный. У меня́ на э́тот счёт взгля́ды не́сколько устаре́вшие, но впо́лне определённые: по мне, е́сли уж брать ара́па, так чёрного. Не́гра взял бы, папуа́са взял бы, а вас, уж не обижа́йтесь, — не возьму́.

— Ну что ж, — говори́т он, — раз так, ничего́ не поде́лаешь. Прости́те, что я вас побеспоко́ил.

Поклони́лся и пошёл.

Вдруг подаю́т мне паке́т от капита́на по́рта. Ока́зывается, скуча́ет стари́к, приглаша́ет на за́втра в музе́й. Ду́маю, прогуля́юсь, разомну́сь… Сло́вом, отве́тил, что согла́сен.

Petites nouvelles russes - Les voiles écarlates - Grine - Un petit bateau

Chapitre dans lequel l'amiral Kézako tente d’être enrôlé comme matelot sur le « Pitoyable »

Depuis le Brésil, je désirais aller plus à l’ouest. Mais vous comprenez qu’en bateau vous ne pouvez pas couper à travers le continent ! Nous devions donc faire le tour par le sud.

J'ai tracé la route, organisé les quarts. Cette fois-ci, tout s'est passé à merveille. La brise nous portait comme sur commande, la proue du « Pitoyable » fendait les flots et sa poupe traçait un sillage d’écume. Sa voilure frémissait, son gréement bien tendu. Nous gagnions ainsi deux cent mille marins chaque jour.

Nous avons ainsi avons contourné le Cap Horn, dépassé la Nouvelle-Zélande et avons atteint sans histoire la ville de Sydney, en Australie.

Et donc, imaginez, alors que nous pénétrons dans le port, qui voyons-nous ? Vous penserez peut-être à un kangourou, à un ornithorynque ou un émeu australien ? Que nenni ! Nous accostons et j’aperçois dans la foule, sur le quai, au premier rang, l'amiral Kézako en personne.

Comment avait-il échoué là ? d'où venait-il ? Le diable seul aurait pu le dire ! Une chose était certaine : c’était lui. J'avoue que je ne me suis pas senti dans mon assiette en le voyant.

Eh bien, à peine mettons nous pied à terre que déjà l'amiral s’est perdu dans la foule. Alors, dès la passerelle baissée, je me présente aux autorités et, entre deux phrases, je tâte le terrain : « Peut-être, pensé-je, pourrais-je savoir ce que ce Kézako fait dans les parages et ce qu’il manigance... »

Mais ces braves fonctionnaires ne peuvent cependant rien m’en dire, prétextant n’être au courant de rien. Et donc, finissant la conversation, je me rends directement auprès du capitaine du port.

Je le salue et lui explique sans ambages que j’ai un amiral nippon à mes trousses.

- Un seul ? me répond-il, eh bien, mon cher, vous avez bien de la chance. Moi-même, je ne sais quoi faire face à ces amiraux japonais, et je suis bien impuissant, n’ayant reçu aucun ordre à leur sujet. Coopérer ou s’opposer ?

Bref, je vois que l’affaire est mal embarquée.

Je remonte à bord du « Pitoyable » et m’assois prendre un thé. C’est alors que je vois un petit homme grimper par la passerelle, apparemment un coolie¹ japonais, vêtu d’une chemisette usée, un panier dans les mains. Il s'approche timidement et m’explique qu'ici en Australie il meurt de faim. Il me prie avec insistance de l’embaucher comme matelot : - Vous allez traverser l’océan Pacifique, dit-il. Il y a des typhons, du brouillard, des courants inconnus… Vous n’y arriverez pas. Prenez-moi à bord, capitaine ! Je suis bon marin, je vous serai utile. Je pourrai faire votre lessive, être votre barbier. Je suis un touche-à-tout...

- D’accord, que je lui réponds, repassez dans une heure, je vais y réfléchir.

Il s’en va et exactement une heure plus tard, j’aperçois une voiture consulaire s’arrêter à proximité.

Je prends les jumelles et je vois mon Japonais en descendre, saisir son panier et s’approcher lentement. Il s'incline avec un infini respect et me sort la même rengaine : - Embauchez-moi… Vous n’y arriverez pas...

- Eh bien, savez-vous, lui dis-je, vous m’avez convaincu. Je vois que je vais devoir prendre un marin. Mais ce ne sera pas vous, jeune homme.

- Pourquoi donc ? me demande-t-il.

- Voyez-vous, votre teint n’a rien de naturel. Mes opinions sur cette question sont quelque peu dépassées, mais assez tranchées : pour moi, si je dois prendre un nègre² à bord, alors ce sera un Noir. Un Noir ou un Papou, mais pas vous. Je ne vous prendrai pas, ne le prenez pas mal...

- Alors, conclut-il, si tel est le cas, que puis-je y faire ? Désolé du dérangement.

Puis il s’incline et s’en va.

Soudain, on m’apporte un pli de la part du capitaine du port. Il s'avère que le vieil homme s'ennuie et m'invite au musée le lendemain. Je pense que je vais faire une promenade et me dégourdir les jambes… Bref, j’ai répondu que j’étais d’accord.

1- Coolie : Asiatique, en particulier émigrant chinois, travaillant à des travaux pénibles : manœuvre, porteur...
2- Nègre, ici dans le sens d’homme à tout faire.