A. Nekrassov – Le capitaine Wrounguel Chapitre 8c

Les aventures du capitaine Wrounguel
Приключе́ния капита́на Вру́нгеля
Chapitre VIII
Autruche, crocodiles et macaroni
Episode trois - Тре́тий эпизо́д
К но́чи прошли́ Суэ́ц, и у́тром потяну́л ветеро́к. Мы подня́ли паруса́ и вы́шли в Кра́сное мо́ре.
Снача́ла споко́йно шли пра́вым бакшта́гом, а пото́м ветеро́к стал крепча́ть, и нас здо́рово потрепа́ло. Налете́л саму́м из Саха́ры. Жа́рко, как в ба́не, духота́ стра́шная, зыбь, и Фукс, зна́ете, не вы́держал. Он да́же до ко́йки не допо́лз, улёгся тут же на па́лубе, на я́щике с прови́зией, сто́нет, обма́хивается стра́усовым перо́м. Жа́лко па́рня, одна́ко ниче́м не помо́жешь. Морска́я боле́знь — безопа́сный, но неизлечи́мый неду́г.
А в остально́м всё в поря́дке. Э́тот саму́м да́же на́ руку нам: го́нит «Беду́» по́лным хо́дом. Идём хорошо́. Так и ме́ряем ми́лю за ми́лей. Я посмотре́л, проложи́л курс, оста́вил Ло́ма в руле́, а сам пошёл вздремну́ть в каю́ту. При мое́й компле́кции в э́тих широ́тах лу́чше нести́ ночну́ю ва́хту, а Лом, он и днём постои́т, не раста́ет. Да.
Ну, а к но́чи жара́ не́сколько спа́ла, мой ста́рший помо́щник Лом отпра́вился спать в каю́ту, а я встал в руль, веду́ су́дно.
Ночь в тех места́х краси́ва до чрезвыча́йности: вверху́ луна́ кача́ется, как фонáрь на цепо́чке; мо́ре гори́т голубы́м, таи́нственным све́том. Как в ска́зке. Постои́шь часо́к-друго́й, и поле́зет в го́лову вся́кая чертовщи́на: ра́зные там ковры́-самолёты, драко́ны, привиде́ния. Я э́то размечта́лся, вдруг слы́шу — Фукс невня́тно бормо́чет что́-то. Прислу́шался… Ого́, тут, похо́же, не морско́й боле́знью, тут тропи́ческой лихора́дкой па́хнет! Слы́шу — бре́дит бедня́га, ше́пчет:
— Христофо́р Бонифа́тьевич, крокоди́л… Ещё крокоди́л, ещё крокоди́л…
Ну, я закрепи́л руль, спусти́лся в каю́ту, о́тпер апте́чку, доста́л по́рцию хи́ны, выхожу́, а Фукс не унима́ется:
— Два́дцать семь крокоди́лов, два́дцать во́семь крокоди́лов, три́дцать крокоди́лов…
— По́лно, Фукс, бу́дет вам крокоди́лов счита́ть! Сглотни́те-ка лу́чше, — говорю́ я.
И то́лько шагну́л, мне под но́гу подверну́лась кака́я-то га́дина. Я попя́тился, поскользну́лся, упа́л, хи́ну рассы́пал. Тут кто́-то меня́ за па́лец — цап! Ну, зна́ете, тут и я испуга́лся, закрича́л. На крик вы́скочил Лом и то́лько ступи́л на па́лубу — слы́шу: то́же кричи́т.
А Фукс, как часы́, счита́ет:
— Со́рок пять крокоди́лов… Пятьдеся́т крокоди́лов…
Тут есть от чего́ прийти́ в па́нику. Но я взял себя́ в ру́ки, вскочи́л, чи́ркнул спи́чкой — и, пове́рите ли, ви́жу: действи́тельно, полна́ па́луба крокоди́лов. Крокоди́льчики ме́лкие и безопа́сные по существу́, но всё-таки, зна́ете, неприя́тные живо́тные. С ни́ми я уже́ не стал церемо́ниться, взял шва́бру и дава́й пря́мо за борт, в родну́ю стихи́ю.
А когда́ па́луба не́сколько очи́стилась, я поинтересова́лся, отку́да же э́то наше́ствие. И ви́жу — ле́зут из ще́ли, из я́щика. Ну, тогдá я всё по́нял: нам в той дере́вне по оши́бке или с у́мыслом вме́сто страу́совых яи́ц отгрузи́ли крокоди́льи. А тут жара́, да ещё Фукс све́рху улёгся, вы́сидел, вот они́ и поле́зли.
Устрани́в крокоди́лов и водвори́в поря́док на су́дне, я не́сколько успоко́ился. Но ненадо́лго: судьба́ гото́вила мне но́вые испыта́ния.

À la tombée de la nuit, nous avions dépassé Suez, et au matin, une brise s'est levée. Déployant la voilure, nous entrions dans la mer Rouge.
Au début, nous avancions tranquillement au large par tribord, mais ensuite le vent a commencé à forcir et nous avons été pas mal chahutés. Un simoun¹, venu du Sahara, s'est mis à souffler. Il faisait chaud, terriblement étouffant même, comme dans un hammam. Il y avait de la houle, et Fuchs, voyez-vous, avait le mal de mer. Ne pouvant pas même ramper jusqu’à sa couchette, il s’était allongé là, sur le pont, sur l'une de nos caisses de provisions, gémissant et s’éventant de sa plume d’autruche. J'étais désolé pour ce pauvre garçon, mais je ne pouvais rien y faire: le mal de mer est une maladie inoffensive mais incurable.
A part ça, tout allait pour le mieux. Ce simoun était même à notre avantage, gonflant les voiles du « Pitoyable ». Notre allure était bonne et nous avalions les distances, mille après mille.
J'observe, trace le cap, et laisse Lom à la barre, rejoignant ma cabine pour faire un somme. Vu mon léger embonpoint, il était préférable sous ces latitudes de prendre les quarts de nuit. Lom quant à lui pouvait tenir toute une journée en plein cagnard sans qu'il ne fonde. Eh oui !
Et voilà que la nuit tombe, la chaleur s’atténue quelque peu. Lom, mon second, a rejoint sa couchette ; je prends les commandes.
Sous ces latitudes, les nuits sont extrêmement belles : au-dessus, la lune se balance comme une lanterne suspendue à sa chaîne ; la mer s'illumine d'une lueur mystérieuse et bleutée. Tout est pareil à un conte de fées. Restez-y une heure ou deux, et toutes sortes de diableries commenceront à envahir votre tête : des tapis volants, des dragons, des fantômes...
Je rêvasse et songe à tout ça quand soudain j'entends Fuchs marmonner quelque chose d'indistinct. Je tend l'oreille... Ho-ho, ça ne semble pas être le mal de mer, mais tous les signes d'une fièvre tropicale ! J'entends le pauvre garçon délirer et murmurer : - Capitaine Wrounguel, un crocodile... Et là, encore un autre...
Bon, ayant sécurisé le gouvernail, je descends dans ma cabine et sors de la trousse des premiers secours une dose de quinine². Remontant, je vois que Fuchs ne va pas mieux.
- Vingt-sept crocodiles, vingt-huit crocodiles, trente crocodiles...
- Calmez-vous, Fuchs, et cessez donc de compter des crocodiles imaginaires ! Avalez plutôt ceci...
Mais à peine ai-je fait un pas, qu'une sorte de bestiole se faufile sous mon pied. J'ai un mouvement de recul, je glisse, tombe et renverse la dose de quinine. Puis quelque chose me saisit le bout du doigt et clac ! Imaginez-vous, combien j'ai eu peur ! J’ai crié. Lom, entendant mon cri, se réveille en sursaut et monte sur le pont. Et lui aussi se met à crier.
Et, pendant ce temps, Fuchs, comme une horloge, continue le décompte de ses crocodiles : - Quarante-cinq crocodiles... Cinquante crocodiles…
Il y a de quoi paniquer pour de bon. Mais je me ressaisis. Me relevant, je bondis, je gratte une allumette et, croyez-le ou non, je me rends compte que le pont est effectivement cafi de crocodiles.
Les bébés crocodiles sont des petites créatures inoffensives, mais néanmoins, voyez-vous, de compagnie peu agréable. Je n'ai pas pris de gant avec eux : j’ai saisi un balai et oust ! directement par-dessus bord - dans le ventre de la mer.
Et quand le pont fut un peu débarrassé, je me suis demandé d'où venait cette invasion. C'est alors que j’en vois d’autres, se faufilant à la queue leu leu, sortir par une fente d'une de nos caisses de provisions. Eh bien, là, j'ai tout compris : dans le village sur le Nil, par erreur ou délibérément, on nous avait refilé des œufs de crocodile en lieu et place d'œufs d'autruche. Et puis avec la chaleur du jour, et Fuchs allongé dessus, ils avaient éclos.
Après m’être débarrassé des crocodiles et avoir rétabli l’ordre à bord, je me suis quelque peu apaisé. Mais pas pour longtemps. Car le destin me réservait de nouvelles épreuves...
2- La quinine est un médicament à base de quinquina (un arbuste originaire d'Amérique du Sud,). Remède préconisé dans le traitement des crises de paludisme (ou malaria), transmis par les piqûres de moustiques, sévissant dans les pays tropicaux.

