A. Nekrassov – Le capitaine Wrounguel Chapitre 3e

Petites nouvelles russes - le SOS
"Soudain j'entends : Ta Ta Ta, T T T, Ta Ta Ta...", illustration Viktor Bokovnia (Виктор Боковня)

Les aventures du capitaine Wrounguel
Приключе́ния капита́на Вру́нгеля
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Chapitre III – Ecureuils et tempêtes

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Episode cinq- Пя́тый эпизо́д

Lecture : Sergueï Tchonichvili (Сергей Чонишвили)

Вот и пошли́. Идём. Встреча́емся с рыбака́ми, с парохо́дами. Хорошо! А к ве́черу ветеро́к закрепча́л, начался́ настоя́щий шторм – ба́ллов де́сять. Мо́ре бушу́ет. Как подни́мет на́шу «Беду́», как швырнёт вниз!.. Сна́сти сто́нут, ма́чта скрипи́т. Бе́лки в трю́ме укача́лись с непривы́чки, а я ра́дуюсь: «Беда́» моя́ де́ржится молодцо́м, на пять с плю́сом сдаёт штормово́й экза́мен.

И Лом – геро́ем: наде́л зюйдве́стку, стои́т, как влито́й, у руля́ и твёрдой руко́й де́ржит штурва́л. Ну, я постоя́л ещё, посмотре́л, полюбова́лся на разбушева́вшуюся стихи́ю и пошёл к себе́ в каю́ту. Сел к столу́, включи́л приёмник, наде́л нау́шники и слу́шаю, что там в эфи́ре твори́тся.

Чуде́сная э́то шту́ка – ра́дио. Нажмёшь кно́пку, пове́рнёшь рукоя́тку – и на-ка, всё к твои́м услу́гам: му́зыка, пого́да на за́втра, после́дние но́вости. Други́е, зна́ете, боле́ют насчёт футбо́ла – так то́же, изво́льте: «Уда́р! Ещё уда́р!.. И врата́рь вынима́ет мяч из се́тки…» Сло́вом, не мне вам расска́зывать: ра́дио – вели́кая вещь! Но я в тот раз как-то неуда́чно попа́л. Пойма́л Москву́, настро́ился, слы́шу: «Ива́н… Рома́н… Константи́н… Улья́на… Татья́на… Семён… Кири́лл…» – то́чно в го́сти пришёл и знако́мишься. Пря́мо хоть не слу́шай. А у меня́ ещё зуб был с дупло́м, разболе́лся что-то… должно́ быть, по́сле купа́нья, – так разболе́лся, хоть плачь.

Ну, я реши́л приле́чь, отдохну́ть. Совсе́м бы́ло снял нау́шники, вдруг слы́шу: ника́к, SOS? Прислу́шался: «Т-Т-Т… Та, Та, Та, Т-Т-Т…» Так и есть: сигна́л бе́дствия. Су́дно ги́бнет, и здесь где́-то, бли́зко. Я за́мер, ловлю́ ка́ждый звук, хочу́ узна́ть поподро́бнее: где? Что? В э́то вре́мя накати́ла волна́, да так поддала́ «Беду́», что она́, бедня́жка, совсе́м легла́ на борт. Бе́лки взвы́ли. Но э́то бы ещё ничего́. Тут гора́здо ху́же получи́лось: приёмник прыг со столá, сорва́лся, зна́ете, хлоп о перебо́рку и разлете́лся в куски́. И ви́жу: не соберёшь. Переда́чу, коне́чно, как ножо́м отре́зало. И тако́е тяжёлое чу́вство: ря́дом кто-то те́рпит бе́дствие, а где, кто – неизве́стно.

На́до идти́ выруча́ть, а куда́ идти́ – кто его́ зна́ет? И зуб ещё ху́же разболе́лся.

И вот предста́вьте: он-то меня́ и вы́ручил! Я недо́лго ду́мая хвата́ю коне́ц анте́нны – и пря́мо в зуб, в дупло́. Боль а́дская, и́скры из глаз посы́пались, но зато́ приём опя́ть нала́дился. Му́зыки, пра́вда, не слы́шно, да мне, призна́ться, тут му́зыка и ни к чему́. Кака́я там му́зыка! А мо́рзе зато́ – лу́чше не приду́маешь: то́чка – кольнёт незаме́тно, как була́вочкой, а уж тире́ – то́чно кто шуру́п туда́ закру́чивает. И никако́го усили́теля не ну́жно, и никако́й настро́йки – больно́й зуб с дупло́м и без того́ облада́ет высо́кой чувстви́тельностью. Терпе́ть тру́дно, коне́чно, но что поде́лаешь: в тако́м положе́нии прихо́дится же́ртвовать собо́й.

И, пове́рите ли, так всю переда́чу до конца́ на зуб и при́нял.

Записа́л, разобра́л, перевёл. Ока́зывается, почти́ ря́дом с на́ми норве́жский па́русник потерпе́л ава́рию: сел на мель на До́ггербанке, получи́л пробо́ину, вот-вот пойдёт ко дну.

Тут ду́мать не́когда, на́до идти́ выруча́ть. Я забы́л про зубну́ю боль и сам стал распоряжа́ться спасе́нием. Подня́лся на па́лубу, стал к штурва́лу.

Идём. Ночь круго́м, холо́дное мо́ре, во́лны хле́щут, ве́тер свисти́т…

Petites nouvelles russes : A la rescousse
A la rescousse, illustration Viktor Bokovnia (Виктор Боковня)

Ainsi nous reprenons la mer. Là, nous croisons des navires de pêche et des vapeurs. Tout baigne !

Mais le soir, la brise se renforce, une véritable tempête se lève – force dix environ. La mer bouillonne, comme pour nous soulever et nous renverser ! Le gréement gémit, le mât grince. Les écureuils, peu habitués, dans la cale ont le mal de mer. Et moi, je me réjouis : mon « Pitoyable » tient bon, il réussit son examen de tempête avec un A plus !

Et Lom est un héros : son couvre-chef sur la tête, faisant face à la pluie, bien droit au gouvernail, il tient la barre d'une main ferme. Quant à moi, je reste un moment, admirant à loisir les éléments déchaînés, puis je rejoins ma cabine. M’asseyant, j'allume le récepteur radio, et, mettant les écouteurs, je tends l’oreille pour saisir ce que notre antenne veut bien capter.

C'est une chose merveilleuse que la radio : vous appuyez, tournez le bouton, et voilà, le monde est à votre portée : la musique, la météo du lendemain, les dernières nouvelles. Certains, comme vous le savez, sont des fanas de foot – et voilà, écoutez s'il vous plaît : « Un tir ! Et encore un tir !... Et le gardien va chercher le ballon au fond des filets... » En un mot, inutile d’en dire plus : la radio est une chose extraordinaire !

Mais ce jour-là je suis mal tombé : j'ai capté Moscou. J’écoute et j’entends : « Ivan... Roman... Konstantin... Ouliana... Tatiana... Simon... Kiril... »¹ - comme si j’allais chez des gens et faisais leur connaissance. Mieux valait ne rien entendre. Et, en plus, j'avais ma dent creuse qui me lançait... probablement depuis mon dernier bain. Elle me faisait si mal que j’en avais presque les larmes aux yeux.

Bon, là je décide d’aller m'allonger. Je suis sur le point d'enlever les écouteurs quand soudain j’entends… « N’est-ce pas un SOS ? que je me dis ». J’écoute plus attentivement: « T-T-T… Ta, Ta, Ta, T-T-T… » Pour de bon : un signal de détresse. Un navire coule, ici quelque part, tout proche. Mon sang se glace, captant chaque point et chaque trait, je désire en apprendre plus : où ? qui ?

À ce moment, une vague scélérate vient nous heurter si fort que le pauvre « Pitoyable » se couche sur le flanc. Dans la cale, les écureuils hurlent. Mais le pire c’est que le récepteur radio vient de se renverser, se brise en mille morceaux. Kaput ! Bien entendu, la transmission est coupée net. J’ai un lourd pressentiment : quelqu'un non loin est en détresse, et je ne sais ni où ni qui.

Il faut lui porter secours ! Mais où aller ? Et ma rage de dent qui empire !

Et bien imaginez : c’est elle qui m’a tiré d’affaire ! Sans y réfléchir à deux fois, j'attrape le bout du fil d’antenne – et hop ! directement dans le creux de la dent ! La douleur est infernale, des étincelles me sortent par les yeux, mais la réception est bonne. C’est vrai, je ne capte pas de musique, mais, je l’avoue, en cet instant, qu'importe la musique ! Quant au Morse, on ne peut rien imaginer de plus efficace : un point ça vous picote imperceptiblement, comme une épingle, et un trait c’est comme si quelqu'un vous insérait une vis dans la mâchoire. Et nul besoin d’amplificateur, ni d’aucun réglage - une dent creuse est déjà bien suffisamment sensible. Evidemment, la douleur est insupportable, mais qu’y faire ? dans de telles circonstances, faut savoir se sacrifier.

Et, le croiriez-vous, grâce à ma dent, j’ai capté tout le message, jusqu’au bout.

Après l’avoir retranscrit, déchiffré et analysé, il s'avérait que, tout proche, dans le Dogger Bank², un voilier norvégien venait de s’échouer. Sa coque perforée, il était sur le point de sombrer.

Ici, pas le temps de réfléchir, quand faut y aller faut y aller. Oubliant ma rage de dent je dirige moi-même la manœuvre. Montant sur le pont, je saisis la barre.

En avant ! La nuit est partout, la mer est froide, les vagues nous fouettent et le vent siffle...

1- Ici le capitaine Wrounguel semble ignorer qu’il est d’usage, dans les transmissions radio, d’épeler un nom en citant des prénoms. L’initiale de chacun constituant les lettres du nom en question. Ici, il s’agit d’Ikoursk (Иркутск), peut-être le nom d’un navire...
2 - Le Dogger Bank est un grand banc de sable formant une zone peu profonde de la mer du Nord, situé à une centaine de kilomètres des côtes britanniques et danoises.