A. Nekrassov – Le capitaine Wrounguel Chapitre 6a

Andreï Nekrassov - Андрей Некрасов
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Les aventures du capitaine Wrounguel
Приключе́ния капита́на Вру́нгеля
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Chapitre VI – Hello chère Angleterre !

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Premier épisode - Пе́рвый эпизо́д

Petites nouvelles russes : Boxe
Boxe, boxe, boxe ! illustration Vadim Tchélak (Вадим Челак)

Глава́ VI, котóрая начинáется недоразумéнием, а кончáется неожи́данным побóищем

Вот так и пошли́ дáльше. Идём, лави́руем. Вéтер крепчáет. Так бы онó ничегó, но селёдки меня́ беспокóят. Кто их знáет, как они́ перенóсят погóду? А мне не к спéху, груз не срóчный, так зачéм рисковáть? Я реши́л отстоя́ться в порту́.

Близ óстрова Уáйт я сверну́л напрáво и пошёл в Саутгéмптон, в Áнглию. Брóсил я́корь на рéйде. Лóма остáвил сторожи́ть селёдок, а мы с Фу́ксом сéли на я́лик и причáлили к бéрегу. В прекрáсном местéчке вы́садились: трáва подстри́жена под гребёночку и всю́ду таки́е краси́вые загорóдочки и нáдписи: «Здесь не ходи́ть, усáдьба Арчиба́льда Дéнди».

Тóлько мы вы́садились, не успéли ша́гу шагну́ть, нас окружи́ли джентльмéны во фрáках, в котелкáх, в бéлых гáлстуках. Не то ми́стер Дéнди со свои́м семéйством, не то ми́нистр инострáнных дел со сви́той, не то агéнты тáйной поли́ции – по костю́му не разберёшь. Ну, подошли́ побли́же, поздорóвались, разговори́лись, и знáете, что оказáлось? Оказáлось, что э́то у них ни́щие. В Áнглии так прóсто попрошáйничать строжа́йше запрещенó закóном, а во фракé – пожáлуйста. Éсли кто и подáст, счита́ется, что ни́щих нет, а прóсто помóг джентльмéн джентльмéну.

Ну, я роздáл им кое-какýю мéлочь, иду́ дáльше. Вдруг навстрéчу – ещё оди́н. Дли́нный, тóчно версту́ проглоти́л. Поравня́лись. Он обнажа́ет го́лову, расклáнивается сáмым церемóнным манéром. Ну, я, поня́тно, пошáрил в кармáне, вы́удил две копéйки и пря́мо ему́ в ци́линдр. Я ждал благодáрности, а он, предстáвьте себé, вспы́хнул, фы́ркнул, встáвил в глаз монóкль и óчень внуши́тельно произнёс:

– Арчиба́льд Дéнди, эсквáйр. С кем имéю честь?

– Капитáн дáльнего плáвания Христофóр Вру́нгель, – предста́вился я.

– Óчень прия́тно, – говори́т он. – Защищáйтесь, капитáн!

Я бы́ло стал извиня́ться, да где́ там! Ви́жу – пóздно. Каки́е уж там извинéния! Он постáвил цили́ндр на трáвку, сбро́сил фрак… Ну, и я, знáете, реши́л постоя́ть за себé: ски́нул ки́тель, за́нял боеву́ю пози́цию.

Фукс тóже не растеря́лся, взял на себя́ роль судьи́, отошёл чуть в сторóнку и во всё гóрло кри́кнул:

– Секундáнты, áут! Гонг!

Ми́стер Дéнди запры́гал, запыхтéл, завертéл кулакáми. Похóже, как, знáете, мальчи́шки в паровóз игрáют. Ри́нулся на меня́. Пришлóсь и мне порабóтать кулакáми.

Я не люблю́ давáть вóлю рукáм, но тут бокс, благорóдная схвáтка, – я размахну́лся… и едва́ успéл задержáть удáр.

Ви́жу – сквéрная шту́ка: при рáзности пропóрций нáших фигу́р я, кудá бы ни мéтил, всё равнó попаду́ ни́же по́яса. А э́то, знáете, не по прáвилам. Он же, напрóтив, лупи́т вóздух у меня́ над фурáжкой. И тóже всё впусту́ю. Пéрвый рáунд так и окончи́лся без результáта.

Но решáть бой всё равнó как-то ну́жно бы́ло, и тут нас вы́ручил Фукс.

– Пожáлуйста, капитáн, – говори́т он и подставля́ет плéчи.

Я вскочи́л на негó верхóм и ви́жу – совсéм другóе дéло. Я тепéрь на у́ровне проти́вника, так сказáть, и могу́ вступи́ть в бой на закóнных основа́ниях. Фукс подо мно́й пры́гает, рвётся в бой. Ну, я ви́жу, порá дéйствовать.

– Давáйте, Фукс! – говорю́.

Ему́, ви́димо, бы́ло нелегкó, но он бóдро прохрипéл:

– Гонг!

И мы на́чали снóва…

Ми́стер Дéнди дра́лся блестя́ще. Я получи́л жестóкий удáр в перенóсицу, но тут вспóмнил мо́лодость, пришпо́рил Фу́кса, перешёл в инфáйтинг и нанёс проти́внику сокруши́тельный оперкóт.

Он зáмер на секу́нду, закры́л глазá, опусти́л ру́ки по швам и вдруг ру́хнул, как мáчта. Фукс достáл у негó из жилéтного кармáна часы́ и стал грóмко отсчи́тывать секу́нды.

Petites nouvelles russes - Les voiles écarlates - Grine - Un petit bateau

Chapitre qui commence par un malentendu et se termine par un inattendu carnage

Et c’est ainsi que nous avons poursuivi notre route. Nous avancions en louvoyant. Le vent se faisait plus fort. Je ne m’en serais pas autrement inquiété, mais il y avait les harengs. Qui sait comment ces petites bêtes affrontent le mauvais temps ? Aucune urgence ne me pressait, alors pourquoi prendre des risques inconsidérés ? Je décidais donc de faire escale.

Au large des côtes anglaises, près de l'île de Wight, nous avons viré à tribord et jeté l’ancre dans la rade de Southampton. Je laisse Lom veiller sur nos harengs, et Fuchs et moi, en chaloupe, rejoignons la berge. L’endroit était magnifique : l'herbe comme coiffé au peigne fin et partout d’élégantes clôtures et des panneaux : « Pelouse interdite, domaine d'Archibald Dandy »

Avant même que nous ayons fait un seul pas, nous étions entourés de gentlemen en queues-de-pie, chapeaux melon et cravates blanches. Il devait s’agir soit de Mister Dandy et de ses proches, soit du ministre du Forein Office¹ accompagné de sa suite, voire même d'agents du Secret Intelligence Service². A leurs vêtements, impossible de savoir précisément. Et voilà qu’ils s'approchent, nous saluent, commencent à nous entretenir de ceci, de cela.

Eh bien, savez-vous ? Il s’agissait tout bonnement de mendiants ! En Angleterre, mendier est formellement interdit, mais en frac, on peut se le permettre. Si on vous fait l’aumône, on considère que ce n’est pas de la mendicité mais simplement un service qu’on se rend mutuellement entre véritables gentlemen !

Bon, je leur donne quelques pièces et m’éloigne. Soudain, voilà qu'un autre se précipite vers nous. Long et mince, comme s'il avait avalé un sémaphore. Il nous rattrape et se découvre en s'inclinant de manière toute cérémonieuse. Alors, bien sûr, à nouveau je fouille dans ma poche et j’en sors deux kopecks que je lui glisse directement dans son chapeau haut-de-forme. Je m'attendais à un remerciement, mais lui, imaginez, rougit, renifle, ajuste son monocle et me dit d’un ton plein de solennité : - Sir Archibald Dandy, Esquire³. A qui ai-je l'honneur ?

- Capitaine Christophore Wrounguel, navigateur au long cours, décliné-je.

- Enchanté de faire votre connaissance, dit-il. Veuillez sur le champ vous excuser, capitaine Wrounguel !

J’étais sur le point de le faire mais c’était trop tard pour de quelconques excuses. Voilà qu’il pose son haut-de-forme sur le gazon, commence a retirer son frac... Eh bien, vous savez, j'ai décidé de relever le défi : j’enlève ma veste et me mets moi aussi en position.

Fuchs, plein d’aplomb, s’érige en arbitre. Il s’écarte un peu et crie à pleine gorge : - Messieurs ! En garde ! Gong !

Mister Dandy sautille de haut en bas, souffle et frappe des poings dans le vide, comme un enfant qui imiterait une locomotive à vapeur. Puis il se précipite sur moi et là, je me vois obligé de jouer des poings.

Jeu de mains, jeu de vilain, comme on dit, mais ici il s’agissait de boxe anglaise : un noble art. Alors je m’escrime, arrivant à peine à retenir mes coups.

Je m’aperçois malgré tout d’une chose un peu dérangeante : étant donné la différence de taille entre lui et moi, peu importe où je vise, je le touche toujours en dessous de la ceinture. Et cela, vous savez, n’est pas conforme à la règle. Lui, au contraire, frappe l'air, largement au-dessus de ma casquette. En vain nous boxons. Le premier round se termine sur un nul.

Mais le combat doit aller à son terme, d'une manière ou d'une autre, et c'est là que Fuchs vient à notre rescousse.

- S’il vous plaît, capitaine, me dit-il en me présentant ses épaules.

Je grimpe sur celles-ci et c’est alors une toute autre affaire. Je suis désormais au niveau de mon redoutable adversaire, pour ainsi dire, et je puis donc combattre dans les règles de l’art. Fuchs, en-dessous, sautille d’une jambe sur l’autre, impatient de reprendre le combat. Je me dis que c’est le bon moment.

- En avant, Fuchs ! m’exclamé-je.

C’est évident que me porter n’était pas chose aisée pour lui, mais il glapit d’une voix vive : - Gong !

Ainsi débute le deuxième round...

Mister Dandy combat avec panache. Il m’assène un brutal crochet du droit sur l'arête du nez, mais je me rappelle alors mon enfance : j’éperonne Fuchs et me jette à corps perdu sur mon adversaire lui infligeant un retentissant uppercut.

Un instant il se raidit, plisse les yeux, puis laisse retomber ses poings et s'effondre soudain comme une masse, KO. Fuchs tire une montre à gousset de la poche de Mister Dandy et, à haute voix, égraine les secondes…

1- Forein Office : Ministère des Affaires étrangères britannique.
2-Secret Intelligence Service : les services secrets britanniques.
3- Esquire (Esq) : Personne possédant un titre de noblesse (le plus bas dans l'échelle des titres), aujourd’hui d'usage purement honorifique et de courtoisie. Terme dérivé de l'ancien français ‘escuyer’ (qui porte l'écu).