A. Nekrassov – Le capitaine Wrounguel Chapitre 6c

Petites nouvelles russes : Victoire à la régate
'une dernière salve pour l’honneur !', illustration Viktor Bokovnia (Виктор Боковня)

Les aventures du capitaine Wrounguel
Приключе́ния капита́на Вру́нгеля
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Chapitre VI – Hello chère Angleterre !

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Episode trois- Тре́тий эпизо́д

Ну, знáете, как э́то всегдá на гóнках: мáчты, парусá, вымпела́, на берегу́ зри́тели. Обстанóвка волну́ющая. Я уж на что спокóйный человéк, а тóже немнóжко нéрвничаю. Вы́шли на старт. Ждём сигнáла. Пошли́! Парусá напóлнились вéтром, я́хты понесли́сь. И дóлжен вам без хвастовствá сказáть: старт я взял блестя́ще. Всех остáвил позади́. Иду́, рассекáю вóду, предвкушáю побéду.

Почти́ всю диста́нцию так и прошёл ли́дером. Но у сáмого фи́ниша мы сплоховáли: не рассчита́ли немнóжко, зашли́ под бережóк, попáли в полосу́ безвéтрия, зашти́лели. Парусá обви́сли, болтáются, некраси́во так, хоть ноздрёй поддувáй. «Бедá» стои́т, конкурéнты подпирáют, и впереди́ – ми́стер Бóлдуин на своéй посу́дине.

Ми́стер Дéнди посмотрéл за корму́ и загрусти́л: вы́ругался, сорвáл кры́шку с я́щика, извлёк буты́лку – и хлоп в дóнышко!

Прóбка вы́летела, как из пу́шки. При э́том «Бедá» получи́ла такóй толчóк, что замéтно продви́нулась вперёд.

А я, дáром что был расстрóен, учёл э́то и сдéлал дóлжные вы́воды. Покá ми́стер Дéнди залива́л своё гóре, я вспóмнил стáрую нáшу послóвицу. Знáете, говоря́т: «Нет плохи́х судóв, нет плохи́х ветро́в, есть плохи́е капитáны».

Но меня́-то уж никáк нельзя́ причисли́ть к э́тому послéднему разря́ду. Не хва́стаясь, скажу́ – я капитáн хорóший. Эх, ду́маю, былá не былá. Объясни́л задáчу, дал комáнду…

Мы все трóе встáли на кормé и одну́ за другóй приня́лись вышиба́ть прóбки.

Тут и ми́стер Дéнди нéсколько оживи́лся. Достáл из кармáна платóчек, приня́лся комáндовать.

– Кормовáя бáшня, огóнь! – кричи́т он.

Три прóбки зáлпом вылетáют с громоподóбным зву́ком, па́дают в мóре подби́тые чáйки, сóдовая льётся, водá за кормóй кипи́т. Ми́стер Дéнди мáшет платкóм всё чáще, всё грóмче кричи́т:

– Кормовáя, огóнь! Огóнь!

Пря́мо Трафальга́рская би́тва. Кудá там…

А «Бедá» мéжду тем дви́жется вперёд по ракéтному при́нципу, набирáет ход. Парусá взя́ли вéтер, сна́сти обтяну́лись, зазвенéли.

И вот мы вновь отвоёвываем ускользну́вшую бы́ло побéду, одногó за други́м обхóдим всех конкурéнтов. На берегу́ болéльщики волну́ются, крича́т. Вот оди́н Бо́лдуин впереди́… Вот сравня́лись, обошли́ на полно́са, на ко́рпус… Тут орке́стр на берегу́ уда́рил туш, ми́стер Дéнди улыбну́лся, скома́ндовал:

– Кормова́я ба́шня, салю́т! и слёг пласто́м.

 

Bien, vous savez comment toujours se déroulent les régates : mâts dressés, voiles tendues, fanions au vent, et une myriade de spectateurs sur la berge. Tout ça est fichtrement passionnant. Bien que je sois quelqu’un de posé, là j’étais quelque peu nerveux. Nous voilà sur la ligne de départ attendant le signal...

Et go, c’est parti ! Les voiles se gonflent et les skippers s’élancent. Et je dois ici le dire sans me vanter : notre départ fut époustouflant, laissant tous nos adversaires à la remorque. Je file comme l’air, fendant l'eau, anticipant déjà la victoire.

Nous tenons la corde presque toute la distance. Mais juste avant la ligne d'arrivée, nous dérivons un peu : près du rivage, nous tombons dans un calme plat. Sans plus de vent, le « Pitoyable » s’immobilise : ses voiles s'affaissent toutes flasques, si lamentablement qu’on voudrait juste pouvoir souffler dedans. Pendant ce temps, nos adversaires gagnent sur nous, et à leur tête Mister Boldwin sur sa barcasse.

Mister Dandy, toujours assis à la poupe, lui jette un regard dépité, puis, tout en maronnant, décide d’ouvrir une des caisses de champagne, en tire une bouteille et fait sauter son bouchon. Bang !

Le bouchon fuse comme un boulet, nous donnant un tel coup de boutoir que le « Pitoyable » retrouve de l’élan et avance.

Alors, bien que chagriné, j’en conclus ce qu’il faut en déduire. Et pendant que Mister Dandy noie son chagrin, je me souviens de notre vieille maxime. Vous savez, comme on dit dans la marine : « Il n’y a pas de mauvais navires ni de vents contraires, seulement de piètres capitaines. »

Et on ne saurait certainement pas me classer dans cette dernière catégorie. Sans me vanter, je dirais que je suis un excellent capitaine. Eh bien, vaille que vaille ! j’ai commandé à chacun ce qu’il devait faire.

Tous trois à la poupe du « Pitoyable » nous commençons à faire sauter les bouchons les uns après les autres

À ce moment-là, Mister Dandy reprend quelques couleurs. Il sort un mouchoir de sa poche et ordonne : - Batterie arrière, feu à volonté ! crie-t-il.

Trois bouchons explosent en même temps dans un bruit de tonnerre, des mouettes frappées par les tirs viennent s’écraser sur les flots, le champagne fuse, l’écume bouillonne à sa poupe. Monsieur Dandy agite son mouchoir frénétiquement, tout en s’époumonant de plus en plus fort : - Feu ! Feu à volonté !

Tout comme à la bataille de Trafalgar¹, enfin quelque chose comme ça...

Propulsé comme une fusée, le « Pitoyable » progresse et prend de la vitesse, ses voiles regonflées, son gréement vibrant, tendu par le vent.

Et voici que nous rejoignons une fois encore la corde : la victoire ne saurait nous échapper, nous dépassons l'un après l'autre tous nos concurrents. Sur la berge, la foule en liesse crie à tue-tête. Seul Boldwin nous devance encore...

Nous voici bord à bord, on le dépasse d'une demi-brasse, puis d'une brasse... Là-bas, sur l’autre rive, la fanfare exulte. Mister Dandy, le sourire aux lèvres, ordonne : - Batterie arrière, une dernière salve pour l’honneur ! Et puis s’écroule.

1- La bataille de Trafalgar, sous le commandement de l’amiral anglais Nelson, fut saluée comme la victoire navale la plus éclatante de la flotte britannique sur la flotte française (12 octobre 1805).