A. Nekrassov – Le capitaine Wrounguel Chapitre 2a

Petites nouvelles russes : Le capitaine Wrounguel 3
Le capitaine Wrounguel, illustration Vadim Tchélak (Вадим Челак)

Andreï Nekrassov - Андрей Некрасов
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Les aventures du capitaine Wrounguel
Приключе́ния капита́на Вру́нгеля
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Chapitre II – Une impitoyable destinée

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Premier épisode - (Пе́рвый эпизо́д)

Глава́ втора́я, в кото́рой капита́н Вру́нгель расска́зывает о том, как его́ ста́рший помо́щник Лом изуча́л англи́йский язы́к, и о не́которых ча́стных слу́чаях пра́ктики судовожде́ния

Сиде́л я вот так в свое́й конуре́, и, зна́ете, надое́ло. Реши́л тряхну́ть старинóй – и тряхну́л. Так тряхну́л, что по всему́ ми́ру пыль пошла́!.. Да-с. Вам, прости́те, спеши́ть сейча́с не́куда? Вот и отли́чно. Тогда́ и начнём по поря́дку.

Я в ту по́ру, коне́чно, был помоло́же, но не так, что́бы во́все мальчи́шка. Нет. И о́пыт был за плеча́ми, и го́ды. Стре́ляный, так сказа́ть, воробе́й, на хоро́шем счету́, с положе́нием, и, скажу́ вам не хва́стаясь, по заслу́гам. При таки́х обстоя́тельствах я мог бы получи́ть в кома́ндование са́мый большо́й парохо́д. Э́то то́же дово́льно интере́сно. Но в то вре́мя са́мый большо́й парохо́д был как раз в пла́вании, а я ждать не привы́к, плю́нул и реши́л: пойду́ на я́хте. Э́то то́же, зна́ете, не шу́тка – пойти́ в кругосве́тное пла́вание на двухме́стной па́русной посу́динке.

Ну, стал иска́ть су́дно, подходя́щее для выполне́ния заду́манного пла́на, и, предста́вьте, нашёл. Как раз то, что ну́жно. То́чно для меня́ стро́или.

Я́хта, пра́вда, тре́бовала небольшо́го ремо́нта, но под ли́чным мои́м наблюде́нием её в два счёта привели́ в поря́док: покра́сили, поста́вили но́вые паруса́, ма́чты, смени́ли обши́вку, укороти́ли киль на два фу́та, надста́вили борта́… Сло́вом, пришло́сь повози́ться. Но зато́ вы́шла не я́хта – игру́шечка! Со́рок фу́тов по па́лубе. Как, говори́тся: «Скорлу́пка во вла́сти мо́ря».

Я не люблю́ преждевре́менных разгово́ров. Су́дно поста́вил у бережка́, закрыл брезе́нтом, а сам пока́ занялся́ подгото́вкой к похо́ду.

Успе́х, подо́бного предприя́тия, как вы зна́ете, во мно́гом зави́сит от ли́чного соста́ва экспеди́ции. Поэ́тому я осо́бенно тща́тельно выбира́л своего́ спу́тника – еди́нственного помо́щника и това́рища в э́том до́лгом и тру́дном пути́. И, до́лжен призна́ться, мне повезло́: мой ста́рший помо́щник Лом оказа́лся челове́ком изуми́тельных душе́вных ка́честв. Вот, суди́те са́ми: рост семь фу́тов шесть дю́ймов, го́лос – как у парохо́да, необыкнове́нная физи́ческая си́ла, выно́сливость. При всём том отли́чное зна́ние де́ла, порази́тельная скро́мность – сло́вом, всё, что тре́буется первокла́ссному моряку́. Но был и недоста́ток у Ло́ма. Еди́нственный, но серьёзный: по́лное незна́ние иностра́нных языко́в. Э́то, коне́чно, ва́жный поро́к, но э́то не останови́ло меня́. Я взве́сил положе́ние, поду́мал, прики́нул и приказа́л Ло́му в сро́чном поря́дке овладе́ть англи́йской разгово́рной ре́чью. И, зна́ете, Лом овладе́л. Не без тру́дностей, но овладе́л за три неде́ли.

Для э́той це́ли я избра́л осо́бый, дото́ле неизве́стный ме́тод преподава́ния: я пригласи́л для моего́ ста́ршего помо́щника двух преподава́телей. При э́том оди́н обуча́л его́ с нача́ла, с а́збуки, а друго́й с конца́. И, предста́вьте, с а́збукой-то у Ло́ма и не зала́дилось, осо́бенно с произноше́нием. Дни и но́чи напролёт мой ста́рший помо́щник Лом разу́чивал тру́дные англи́йские бу́квы. И, зна́ете, не обошло́сь без неприя́тностей. Вот так одна́жды он сиде́л за столо́м, изуча́я девя́тую бу́кву англи́йского алфави́та – «ай».

– Ай… ай… ай… – тверди́л он на все лады́, всё гро́мче и гро́мче.

Сосе́дка услы́шала, загляну́ла, ви́дит: здоро́вый дети́на сиди́т, кричи́т «ай!». Ну, реши́ла, что бедня́ге пло́хо, вы́звала «ско́рую по́мощь». Прие́хали. Наки́нули на па́рня смири́тельную руба́шку, и я с трудо́м на друго́й день вы́зволил его́ из лече́бницы. Впро́чем, ко́нчилось всё благополу́чно: ро́вно че́рез три неде́ли мой ста́рший помо́щник Лом донёс мне ра́портом, что о́ба преподава́теля доучи́ли его́ до середи́ны, и, таки́м о́бразом, зада́ча вы́полнена. В тот же день я назначи́л отхо́д. Мы и без того́ задержа́лись.

Petites nouvelles russes - Les voiles écarlates - Grine - Un petit bateau

Chapitre dans lequel le capitaine Wrounguel parle de la façon dont son second, Lom¹, a appris l'anglais et de quelques cas particuliers et pratiques de la navigation

Je ronronnais dans mon coin et, voyez-vous, j'en ai eu marre. J'ai alors décidé de faire comme au bon vieux temps - et c’est ce que j’ai fait. Et si fort que le monde en a été secoué !.. Oui, m’sieur. Excusez-moi, êtes-vous pressé d’y aller ? … Bien, parfait... Alors commençons par le commencement.

A cette époque, bien sûr, j’étais plus jeune, mais déjà plus un gamin. Non. J’avais des années d’expérience derrière moi. Un vieux loup de mer, pour tout dire. Bien vu de tous et, je vous dis ça sans forfanterie, une situation correspondant à mon mérite. Ainsi, j’aurais pu me voir confier le commandement du plus imposant des steamers. Une promotion bien intéressante, ma foi. Mais à cette époque, le plus gros des navires avait déjà son capitaine, et je n’étais pas disposé à patienter, alors j’ai fait une croix dessus et j'ai pris une ferme décision : « M’embarquer sur un voilier... ». Et ce n’est pas n’importe quoi, vous savez, de vouloir faire le tour du monde sur une frêle embarcation.

Eh bien, j'ai commencé à chercher un bateau qui me permettrait de réaliser mon plan et, imaginez, je l'ai trouvé. Exactement celui dont j’avais besoin. Comme s’il avait été fait pour moi.

Ce yacht cependant nécessitait quelques réparations mineures, mais, sous ma direction, il fut remis à flot en un rien de temps : repeint, avec de nouveaux mâts et voiles, un nouveau bordage, une quille raccourcie de deux pieds, la ridelle rallongée... En un mot, j'ai dû le bricoler. Ainsi le résultat n’était plus un yacht, mais un petit bijou ! Un bijou de quarante pieds, « une coquille de noix à la merci de la mer... » comme on dit.

...Je n'aime pas tergiverser. Je l’ai amarré à la berge, l’ai recouvert d'une bâche pendant que je commençais les préparatifs de l’expédition.

...Comme vous le savez, le succès d’une telle entreprise dépend en grande partie de l’équipage. Par conséquent, j'ai choisi avec soin mon second - qui allait être durant ce long et difficile périple mon seul camarade et unique compagnon. Et, je dois l’avouer, j'ai eu de la chance : mon second, Lom, s'est avéré être un homme doté d’étonnantes qualités d’âme. Jugez par vous-même : une taille de sept pieds six pouces², une voix de steamer, un gaillard à la force physique hors du commun et endurant comme pas deux. Avec tout cela, une excellente connaissance des choses de la mer et, enfin, d’une étonnante modestie. En un mot, tout ce qu'on peut exiger d’un bon marin.

Mais l’homme avait aussi son défaut. Un seul, mais grave : une méconnaissance totale des langues étrangères. C’était là bien sûr un handicap rédhibitoire, mais cela ne m'a pas arrêté. J'ai pesé la situation, réfléchi, analysé et lui ai ordonné de maîtriser au plus vite l'anglais parlé. Et vous savez, il y est parvenu. Non sans difficulté. Et tout ça seulement en trois semaines.

A cette fin, j’avais opté pour une méthode d'enseignement particulière, jusqu'alors inusitée : j'ai loué les services de deux professeurs. En même temps que le premier lui apprenait tout du début, en commençant par l'alphabet, l'autre commençait ses leçons par la fin. Et, avec l’alphabet, imaginez combien Lom a eu du mal, surtout pour la prononciation. S’obstinant des jours et des nuits à apprendre ces fichues lettres anglaises. Et vous savez, il en a bavé. Ainsi, un jour, assis à sa table, il étudiait la neuvième lettre de l'alphabet anglais – Le I, que les Anglais prononcent « aïe ».

"Aïe... aïe... aïe..." répétait-il sur tous les tons et de plus en plus fort.

La voisine, l’ayant entendu, jetant un œil et pensant voir un grand gaillard criant « aïe ! », eh bien, en a conclu que le pauvre se sentait mal et a appelé l’ambulance. Dès l’arrivée des secours, ils lui ont passé une camisole et, c’est difficilement, que le lendemain, j’ai réussi à l’extirper de l'hôpital psychiatrique. Cependant, tout s'est bien terminé et exactement trois semaines plus tard, Lom m’informait que les deux professeurs étaient arrivés chacun à mi-parcours de leur enseignement et qu’ainsi, il avait achevé avec succès son apprentissage. J'ai alors programmé notre départ le jour même. Nous avions suffisamment tardé...

1- Lom (лом) en russe signifie ‘pied-de-biche’, une longue et solide tige métallique. Le nom du second du Capitaine Wrounguel serait en lien avec celui d’une connaissance de l’auteur : le capitaine Ivan Mann (Иван Ман). Ce nom, en allemand, signifie « homme », d’où le rapprochement avec le français ‘l’homme’. En 1924, ce même Mann, étudiant de l’école navale, se serait attelé à réparer un vieux yacht, rêvant ainsi de faire un tour du monde, un périple qui, cependant, ne se réalisa pas. (source en russe : livelib.ru).
2- Lom aurait ainsi une taille de 2 mètres 6 !