A. Nekrassov – Le capitaine Wrounguel Chapitre 16c

Petites nouvelles russes : Kézako le Papou
Kézako le Papou, illustration Viktor Bokovnia (Виктор Боковня)

Les aventures du capitaine Wrounguel
Приключе́ния капита́на Вру́нгеля
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Chapitre XVI

Chez les Sauvages - О дикаря́х

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Episode trois - Тре́тий эпизо́д

— Откýда э́то у вас? — спрáшиваю.

— А э́то, — отвечáют они́, — оди́н посторо́нний негр принёс. Он сейча́с поступи́л воéнным совéтником к нáшему вождю́. Но тóлько его́ сейча́с нет, и вождя́ нет — они́ в сосе́днюю дере́вню пошли́, обсуждáют там план похóда.

Ну, я пóнял, что мой вои́нственный адмира́л здесь окопáлся, и ви́жу — на́до уходи́ть подобрý-поздоро́ву.

— Послýшайте, — спрáшиваю, — а где у вас ближа́йшая дорóга в Си́дней, и́ли в Мéльбурн, и́ли вообще́ кудá-нибудь?

— А э́то, — отвечáют они́, — тóлько мóрем. По сýше и далекó и трýдно, заблу́дитесь. Е́сли хоти́те, мо́жете здесь пиро́гу зафрахтовáть. Вéтры сейча́с хорóшие, в два дня доберётесь.

Я вы́брал посýдину. И стрáнная, доложу́ вам, посýдина оказáлась. Пáрус вро́де кулькá, мáчта — как рогáтина, а сбóку за борто́м — нéчто врóде скамéечки. Мне, признáться, на тако́м сýдне ни разу́ не приходи́лось пла́вать, хоть я в па́русном де́ле и не новичóк. Но тут де́лать не́чего, как-нибудь, ду́маю, спра́влюсь.

Погрузи́л бумера́нги, взял запа́сов на доро́гу. Я в руле́. Лом с Фу́ксом за борто́м, вме́сто балла́ста. По́дняли паруса́ и пошли́.

То́лько отошли́, смотрю́ — за на́ми в пого́ню це́лый флот. Впереди́ больша́я пиро́га, а на носу́ у неё — мой стра́нствующий ры́царь: сам адмира́л Куса́ки в фо́рме папуа́сского вождя́.

Я ви́жу — дого́нят. А сдава́ться, зна́ете, неинтере́сно. Е́сли бы одни́ папуа́сы, с ни́ми бы я сговори́лся — а э́тот… кто его́ зна́ет? Попадёшься вот так, живьём сожрёт… Сло́вом, ви́жу, как ни верти́сь, а на́до принима́ть сраже́ние.

Ну, взвéсил обстано́вку и реши́л так: вступа́ть в бой, пролива́ть кровь — к чему́ э́то? Да́й-ка лу́чше я их искупа́ю. А тут ве́тер боково́й, кре́пкий, кома́нда у них за борто́м, на скаме́ечках. Так что обстано́вка са́мая благоприя́тная.

Сло́вом, в две мину́ты переобору́довал су́дно, сде́лал поворо́т и по́лным хо́дом пошёл на сближе́ние. Идём на контрку́рсах. Бли́же, бли́же. Я чуть вле́во беру́ руля́ и, зна́ете, как метло́й смёл балла́ст с фла́гманской пиро́ги, со второ́й, с тре́тьей. Смотрю́ — не мо́ре круго́м, а суп с фрикаде́льками. Плы́вут папуа́сы, бара́хтаются, смею́тся — так раскупа́лись, что и вылеза́ть не хотя́т.

Оди́н Куса́ки недово́лен: вскара́бкался на пиро́гу, кричи́т, сéрдится, фы́ркает… А я, зна́ете, просемафо́рил ему́: «С лёгким па́ром», разверну́лся и поше́л наза́д в Си́́дней.

А там, в Си́днее, мы скоре́е на бе́рег, на «Беду́». По́дняли паруса́ и пошли́.

Petites nouvelles russes - Les voiles écarlates - Grine - Un petit bateau

Où avez-vous eu ça ? demandé-je.

- Ce boomerang ? me répondent-ils ; c’est un étrange homme noir qui nous l’a apporté. Il est désormais le conseiller militaire de notre chef. Mais il n'est pas là, et notre chef non plus. Ils sont allés au village voisin afin de décider du plan de bataille.

Immédiatement, je comprends que mon belliqueux amiral a trouvé refuge ici, et je me dis qu’il vaut mieux vite décamper sans demander mon reste...

- Dites-moi donc quel est le chemin le plus court pour rejoindre Sydney, Melbourne ou n’importe où ailleurs ?

- C’est possible seulement par la mer, me répondent-ils. A pied sec c'est loin et difficile, vous risquez de vous perdre. Si vous le souhaitez, vous pouvez affréter une pirogue ici. Les vents sont bons, vous y serez en deux jours...

Je choisis la pirogue. Et je dois vous dire que c’était là un bien étrange rafiot ! Une voile comme un sac de jute, le mât comme un épieu et sur le côté du bordage quelque chose qui ressemblait à un banc¹. Je dois reconnaître que je n’avais jamais navigué sur une telle embarcation, même si je ne suis pas novice en la matière. Mais c’était à prendre ou à laisser, et je me dis que je saurai bien m’en débrouiller, d’une manière ou d’une autre.

J’y charge les boomerangs, prends quelques provisions pour le voyage et m’installe à la barre ; Lom et Fuchs à l’extérieur, en guise de ballast. Et puis on hisse la voile.

Nous étions à peine à quelques encablures quand je vois toute une flotte à nos trousses. A sa tête, sur une grande pirogue, se dresse mon Japonais volant : l'amiral Kézako en personne, en grand habit de chef papou.

Je vois qu'ils vont nous rattraper. Et se rendre, vous savez, n’a rien d’enthousiasmant. Si je n’avais eu affaire qu’aux Papous, nous aurions pu négocier, mais avec ce bougre-là... qui sait le sort qu’il nous réservait ? Capable de nous dévorer vivant... Bref, peu importe comment tourner la chose, je vois qu’il nous faut combattre.

Eh bien, après avoir analysé la situation je décide ceci : livrer bataille, verser le sang, à quoi bon ? Plutôt leur offrir un bon bain ! Voilà qu’un fort vent de travers se lève et que leur équipage se tient sur les balanciers des pirogues. La situation est donc plus que propice.

Bref, en deux minutes, virant de bord, je fais demi-tour et fonce à toute vitesse pour les désarçonner. Nous les serrons à contre-cours. Au plus près, au plus près ! Je penche alors la barre un peu à gauche et, vous savez, comme d’un coup de balai, je déleste la pirogue amirale de ses guerriers, puis la deuxième et la troisième enfin.

La mer tout autour n’est plus la mer, mais une soupe ou flottent des Papous comme des boulettes de viande. Sortant la tête de l’eau, ils barbotent et rigolent : si heureux qu’ils ne veulent plus sortir du bain !

Seul Kézako est furieux. Il regrimpe comme il peut sur sa pirogue, crie, grogne et s’emporte... Et moi, vous savez, je lui lance : « L’eau du bain est-elle bonne ? ». Et puis sans plus d’encombre je rejoins Sydney.

Et là, à Sydney, sur le rivage nous courons retrouver le « Pitoyable », nous hissons les voiles et prenons le large.

1- Il s’agit ici d’une pirogue à balancier, typique du Pacifique et de l'océan Indien.