A. Nekrassov – Le capitaine Wrounguel Chapitre 12a

Petites nouvelles russes : Surf à Waïkiki
Surf à Waïkiki, illustration Vadim Tchélak (Вадим Челак)

Andreï Nekrassov - Андрей Некрасов
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Les aventures du capitaine Wrounguel
Приключе́ния капита́на Вру́нгеля
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Chapitre XII - Rengaines hawaïennes

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Premier épisode - Пе́рвый эпизо́д

Глава́ XII, в кото́рой Вру́нгель и Фукс даю́т небольшо́й конце́рт, а зате́м торо́пятся в Брази́лию

Гавáи ! Удáчно, знáете. Прекрáсное э́то местéчко. В старину́, здесь бы́ло не óчень спокóйно: кто-то когó-то тут ел. Капитáна Кýка вот съéли…

Ну, а тепéрь-то давнó уж тузéмцы вы́мерли, бéлым есть нéкого, а бéлых есть нéкому, так что ти́хо. А в остальнóм здесь рай земнóй: богáтая расти́тельность, ананáсы, банáны, пáльмы. А глáвное — пля́ж Уайки́ки. Со всегó ми́ра туда́ собирáются купáльщики. Там прибóй замечáтельный. На егó волнáх мéстные жи́тели, сто́я на дóсках, катáлись.

Конéчно, э́то тóже когдá-то бы́ло… Но всё-тáки, знáете, молодцы́: сто́я! А мы что? Лежи́м барахтáемся, как котя́та. Мне дáже нелóвко стáло. И вот я вы́прямился во весь рост, ру́ки расстáвил, и предстáвьте — удержáлся. Отли́чно удержáлся!

Тогдá и Фукс на своéй доскé встал. Дéржится за шля́пу, чтóбы не слетéла, баланси́рует. И вот э́таким манéром, наподóбие морски́х полубого́в, мы несёмся в буру́нах, в бры́згах пéны. Бéрег бли́же, бли́же, вот волнá лóпнула, рассы́палась, а мы, как на салáзках, так и вы́катились на пляж.

На берегу́ нас окружи́ли каки́е-то да́чники в купа́льных костю́мах. Смо́трят, аплоди́руют, фотографи́руют, а у нас, призна́ться, вид са́мый жа́лкий. Уж о́чень как-то непривы́чно без фо́рмы и без зна́ков разли́чия. Так неудо́бно, что я реши́л скрыть своё и́мя и положе́ние и оста́ться, так сказа́ть, инко́гнито…

Да. Ну, приложи́л па́льцы к губа́м, пока́зываю Фу́ксу же́стом: молчи́те, мол. Но как-то неуда́чно, нело́вко э́то у меня́ получи́лось, вро́де возду́шного поцелу́я…

На берегу́ но́вый взрыв восто́рга, аплодисме́нты, все крича́т:

— Бра́во! Вива́т!

А я ничего́ не понима́ю, одна́ко де́лаю вид, бу́дто во́все и не удивлён, молчу́, а сам жду, что да́льше бу́дет.

Тут подхо́дит како́й-то паренёк в пиджачке́ и начина́ет объясня́ть пу́блике:

— Вот, мол, хотя́ и существу́ет распространённое мне́ние, бу́дто тузе́мцы Са́ндвичевых острово́в со времён цивилиза́ции вы́мерли, одна́ко э́то неве́рно. Дире́кция пляже́й Уайки́ки, стремя́сь доста́вить удово́льствие уважа́емой пу́блике, отыска́ла двух живы́х гава́йцев, кото́рые то́лько что продемонстри́ровали прекра́сный вид стари́нного национа́льного спо́рта.

Я слу́шаю, молчу́, и Фукс молчи́т. Э́тот, в пиджачке́, прока́шлялся и пошёл чеса́ть, как по кни́жке:

— Тузе́мцы Са́ндвичевых острово́в, гава́йцы, или кана́ки, как их ещё там называ́ют, отлича́ются стро́йным телосложе́нием, мя́гким хара́ктером и приро́дными музыка́льными спосо́бностями…

Я на себя́ э́то описа́ние приме́рил, ви́жу, что-то не то. Ну, хара́ктер действи́тельно у меня́ мя́гкий, а что каса́ется сложе́ния и музыка́льных спосо́бностей — э́то уж он напра́сно… Я хоте́л бы́ло возрази́ть, но смолча́л. А он не унима́ется, продолжа́ет:

— Сего́дня ве́чером э́ти кана́ки даду́т конце́рт на гава́йских гита́рах. Биле́ты продаю́тся в ка́ссе ле́тнего теа́тра, це́ны уме́ренные, в фойе́ та́нцы, буфе́т, прохлади́тельные напи́тки…

Да. Ну, он ещё поговори́л, пото́м берёт нас по́д руки, отвёл в сторо́нку, спра́шивает:

— Ну как?

— Да ничего́, — отвеча́ю я, — благодарю́ вас.

— Вот и прекра́сно! А где вы останови́лись, позво́льте поинтересова́ться?

— Пока́, — говорю́, — в Ти́хом океа́не, а что да́льше бу́дет, не зна́ю. Не нра́вится мне, призна́ться…

— Ну что вы! — возража́ет он, — „Ти́хий океа́н“ — первокла́ссная гости́ница. Лу́чше вы вряд ли найдёте. Уверя́ю вас. А сейча́с, прости́те, пора́ уже е́хать, че́рез полчаса́ нача́ло.

Petites nouvelles russes - Les voiles écarlates - Grine - Un petit bateau

Chapitre dans lequel Wrounguel et Fuchs donneront un petit concert puis s’envoleront vers le Brésil

Quelle veine, rendez-vous compte ! Hawaï, est aujourd’hui un endroit idyllique… (Bien qu’autrefois, ce n’était pas un havre si paisible : le capitaine Cook y fut dévoré, dit-on...)

Eh bien, depuis qu'il y a longtemps les indigènes ont disparu, que personne ne mangent plus les blancs, et que les blancs n’ont plus personne à manger, la paix règne donc. Pour le reste, c'est un paradis sur terre : une riche végétation, des ananas, des bananiers, des palmiers... Et surtout, sa plage de Waïkiki. Des baigneurs venus du monde entier s’y rassemblent. Le roulis de son ressac est tout bonnement enchanteur...

Sur ses vagues, jadis les indigènes surfaient sur des planches de bois. Bien sûr, c’était il y a longtemps... Mais quand même, imaginez-les : debout, superbes sur leurs planches ! Et nous qui arrivions affalés sur les nôtres, pataugeant comme des chatons. Voilà qui me dérange un peu.

Et donc, me dressant de toute ma hauteur j’écarte les bras et - figurez-vous – j’arrive à me tenir debout ! Bien droit, crânement ! Alors, Fuchs fait de même, en équilibre, tenant son feutre d’une main pour qu'il ne s’envole pas.

Et ainsi, tels des demi-dieux surgis de l’océan, nous voici chevauchant les vagues, dans des embruns d'écume, fusant tous deux vers le rivage. Puis la vague éclate et s'effondre, et comme juchés sur des luges, nous finissons notre course sur le sable...

Sur la plage de Waïkiki, une foule de vacanciers en maillot nous entourent. Ils nous regardent, applaudissent, nous prennent en photo, malgré notre allure misérable. C’est en quelque sorte très inhabituel et gênant pour moi de me retrouver ainsi entouré d’une foule, sans uniforme et sans insigne, tellement embarrassant que je prends le parti de taire mon nom et mon statut et de passer, pour ainsi dire, incognito...

Je porte mes doigts sur les lèvres et fais signe à Fuchs : bouche cousue, comme on dit. Mais d'une certaine manière, cela ne produit en rien l’effet escompté. Ce geste, maladroit, fut perçu par tous comme un baiser adressé à la volée. Et alors sur la plage, de nouveau c’est l’explosion de joie, des applaudissements, tout le monde s’exclame à tue tête : - Bravo ! Vivat !

Moi, je n’y pige goutte, mais fais semblant de ne pas être surpris, je me tais et attends la suite.

Puis un petit bonhomme en veston surgit et commence à expliquer à l’auditoire : - Bien qu'il existe une opinion largement répandue selon laquelle les sauvages des îles Sandwich aient disparu à l’arrivée de la civilisation, la chose est inexacte. Et la ‘Waikiki Beach Authority’¹, dans son effort afin de toujours satisfaire ses estimés visiteurs, a su trouver deux natifs hawaïens, vivants, qui vous ont offert une splendide démonstration de leur sport national ancestral : le surf...

J'écoute, garde le silence, et Fuchs aussi se tait. Le bonhomme s'éclaircit la gorge et commence à blablater tel un livre : — Les indigènes des îles Sandwich, les Hawaïens, ou Kanaks², comme on les nomme aussi, se distinguent par leur silhouette élancée, leur doux caractère et leurs naturels talents musicaux…

Là, me comparant à sa description, je vois bien qu’il y a quelque chose qui cloche. Certes, j'ai un caractère des plus doux, mais quant à un physique élancé ou à mes capacités musicales... J’aurais dû le lui faire remarquer, mais je me tais.

Et le bonhomme de poursuivre : — Ce soir, ces Kanaks donneront un concert de guitares hawaïennes. Les places sont en vente à la billetterie du théâtre d'été, à un prix abordable ; on y dansera, un buffet et des boissons sans alcool seront servis…

Eh bien, il a encore un peu continué ainsi à discourir, puis nous a pris à part, Fuchs et moi, nous demandant : - Alors, tout est OK ?

- OK, que je lui réponds, merci...

- Super ! Et puis-je m’enquérir de savoir où vous logez ?

- Pour l’instant, lui dis-je, dans l’océan Pacifique, mais où ensuite, je ne sais pas. Il y a plus confortable, je dois vous avouer…

- Comment ça ? objecte-t-il, le ‘Pacific Ocean’ est un hôtel de première. Il est peu probable que vous trouviez mieux. Je vous assure. Et maintenant, pardonnez-moi, mais il est temps qu’on y aille, le spectacle commence dans une demi-heure…

1- En 1898, l'île d'Hawaï fut annexée aux Etats-Unis d’Amérique dont elle devient, en 1959, le 50e Etat. On y parle donc anglais.
2- Kanaks (kānakas) est le nom traditionnel des peuples polynésiens ainsi que des natifs de Nouvelle Calédonie