A. Nekrassov – Le capitaine Wrounguel Chapitre 17a

Petites nouvelles russes : Lom au cerf-volant
"Je tiens bon, capitaine", illustration Vitold Bordzilovsky (Витольд Бордзиловский)

Andreï Nekrassov - Андрей Некрасов
­

Les aventures du capitaine Wrounguel
Приключе́ния капита́на Вру́нгеля
­
­­

Chapitre XVII

Autant en emporte le vent...

­

Premier épisode - Пе́рвый эпизо́д

Глава́ XVII, в кото́рой Лом вновь покида́ет су́дно

На э́тот раз неуда́чно всё получи́лось. Едва́ минова́ли берега́ Но́вой Гвине́и, нас нагна́л тайфу́н чудо́вищной си́лы. «Беда́», как ча́йка, мета́лась по волна́м. Нырнёт, вы́скочит, сно́ва нырнёт. Го́ры воды́ па́дают на па́лубу. Сна́сти сто́нут. Ну что вы хоти́те — тайфу́н!

Вдруг я́хта, как волчо́к, закрути́лась на ме́сте, а секу́нду спу́стя ве́тер соверше́нно за́тих. Лом и Фукс, незнако́мые с кова́рством тайфу́на, облегчённо вздохну́ли. Ну, а я по́нял, в чём де́ло, и, признаться, пришёл в большо́е расстро́йство. Попа́ли в са́мый центр урага́на. Тут, зна́ете, добра́ не жди.

Ну и начало́сь. По́сле непродолжи́тельного зати́шья ве́тер сно́ва засвисте́л, как ты́сяча черте́й, паруса́ ло́пнули со стра́шным тре́ском, ма́чта согну́лась, как у́дочка, переломи́лась попола́м, и весь ранго́ут вме́сте с такела́жем полете́л за́ борт.

В о́бщем, потрепа́ло нас как на́до.

А когда́ разъярённый океа́н не́сколько успоко́ился, я вы́шел на па́лубу и осмотре́лся. Разруше́ния бы́ли огро́мны и непоправи́мы. Запасны́е паруса́ и концы́, пра́вда, храни́лись у нас в трю́ме, но на одни́х паруса́х без мачт, са́ми понима́ете, не пойдёшь. И тут, вдали́ от больши́х океа́нских доро́г, нас ждала́ стра́шная у́часть: мы года́ми могли́ болта́ться среди́ океа́на. А э́то, как вы са́ми понима́ете, перспекти́ва не из прия́тных.

Угро́за ме́дленной сме́рти нави́сла над на́ми, и, как всегда́ в таки́х слу́чаях, я вспо́мнил свою́ до́лгую жизнь, своё ми́лое де́тство.

И вот, предста́вьте себе́, воспомина́ние э́то да́ло мне ключ к спасе́нию.

Ещё бу́дучи ма́льчиком, я люби́л кле́ить и запуска́ть возду́шных зме́ев. Ну, и вспо́мнив об э́том прекра́сном заня́тии, я воспря́нул ду́хом. Змей! Бумáжный змей — вот спаcéние!

Ну, мы свари́ли кле́йстер, собра́ли всё бумáжное, что бы́ло на су́дне — газе́ты, кни́жки, ра́зную комме́рческую корреспонде́нцию, — и приняли́сь кле́ить. И скажу́ вам, не хва́стаясь, змей получи́лся на сла́ву. Уж кто́-кто́, а я-то в э́том де́ле специали́ст. Ну, а когда́ вы́сохло э́то сооружéние, мы вы́брали кана́т подлине́е, вы́ждали ветеро́к, запусти́ли...

И ничего́, зна́ете, прекра́сно потяну́ло, пошла́ на́ша я́хта и сно́ва ста́ла слу́шать руля́.

Я разверну́л ка́рту, выбира́ю ме́сто, куда́ зайти́ для ремо́нта. Вдруг слы́шу стра́нные каки́е-то зву́ки. Потре́скивает что́-то на па́лубе. Встрево́женный, поднима́юсь и ви́жу стра́шную карти́ну: коне́ц, на кото́ром держа́лся наш змей, зацепи́лся за бра́шпиль и к моме́нту моего́ прихо́да перетёрся и, как говори́тся, на волоскé де́ржится.

— Авра́л! Все наве́рх! — скома́ндовал я.

Лом и Фукс вы́скочили на па́лубу. Стоя́т, ждут мои́х распоряже́ний.

Но распоряди́ться бы́ло нелегко́. Тут, са́ми понима́ете, ну́жно бы наложи́ть у́зел. Но ве́тер усили́лся, кана́т натяну́лся, как струна́, а струну́, зна́ете, не завя́жешь.

И я уже́ ду́мал — всё ко́нчено. Но тут исполи́нская си́ла Ло́ма нашла́ надлежа́щее примене́ние. Он, понима́ете, хвата́ется однóй руко́й за кана́т, друго́й за скобу́ на па́лубе, напряга́ет би́цепсы. На кана́те появля́ется слабина́…

— Так держа́ть, не отпуска́ть ни в ко́ем слу́чае! — скома́ндовал я, а сам стал накла́дывать у́зел.

Но тут неожи́данно шквал налета́ет на нас с кормы́, змей рвану́лся, скоба́ вы́летела из па́лубы, как морко́вка из гря́дки, и Лом взви́лся в облака́, едва́ успе́в крикну́ть:

— Есть, так держа́ть!

Ошеломлённые, мы с Фу́ксом посмотре́ли вслед. А Ло́ма уже́ и не ви́дно совсе́м. Мелькну́ла в облака́х чёрная то́чка, и наш хра́брый това́рищ поки́нул нас среди́ океа́на…

Petites nouvelles russes : Lom au cerf-volant
Lom emporté par le cerf-volant, illustration Géorguy Youdine (- Георгий Юди)

Chapitre dans lequel Lom abandonne à nouveau le « Pitoyable »

Cette fois, tout s'est très mal embringué. Nous avions à peine dépassé les côtes de Nouvelle-Guinée qu’un typhon d’une force monstrueuse nous a rattrapés. Le « Pitoyable » est chahuté presque à culbuter, telle une mouette frappée par les vagues. Il s’enfonce, émerge d’entre les flots, plonge à nouveau. Des montagnes d’eau s’abattent sur le pont. Le gréement grince et gémit. Mais que pouvions-nous y faire ? Un typhon !

Soudain, nous tournoyons, comme une toupie, sur place, puis une seconde plus tard le vent faiblit complètement. Lom et Fuchs, peu familiers de la traîtrise des éléments, poussent un soupir de soulagement. Mais moi je comprends ce qui se trame et, je l’avoue, l’angoisse me saisit. Nous sommes au cœur même de l’ouragan. Et là, savez-vous, il faut s’attendre au pire.

En effet, après une courte accalmie, la tempête reprend de plus belle. Le vent siffle à nouveau comme mille diables, les voiles claquent dans un terrible fracas, le mât se courbe tel un mince roseau, puis se brise en deux, et tout le gréement et les espars¹ sont emportés par-dessus bord.

En résumé : nous nous prenons une fameuse rincée...

Dès que l'océan furieux daigne un peu se calmer, je sors sur le pont mesurer l’ampleur des dommages. Ils sont énormes et irrémédiables. Nous avions, certes, encore des voiles et des bouts² en cale, mais, comme vous le comprenez, impossible de dresser une voile seule sans son mât, Et là, loin des grandes routes maritimes, un sort terrible nous menaçait : nous allions dériver au milieu de l'océan peut-être des années entières. Ce qui n’est guère une perspective réjouissante.

L’ombre d’une mort lente planait sur nous et, comme toujours en pareil cas, je me remémorais ma longue vie, ma tendre enfance.

Et voilà, imaginez que c’est ce souvenir qui m’a offert la clé du salut.

Tout petit déjà, j’adorais fabriquer et faire voler des cerfs-volants. Eh bien, en me rappelant cette insouciante époque, mon esprit s’est illuminé : un cerf-volant ! Un cerf-volant en papier - voilà ce qui pouvait nous sauver !

Aussitôt, nous avons préparé de la colle, récupéré tout le papier qui se trouvait à bord - journaux, livres, registres commerciaux - et commencé le montage. Et je vous le dis sans me vanter, la solution s'est avérée excellente. S’il y a un expert en cerf-volant, c’est bien moi. Eh bien, lorsque qu’il eut bien séché, nous l’avons lié à une longue corde – pardon : à un bout -, attendu la bonne brise et l’avons lâché...

Et comme de rien, vous savez, il nous tracte magnifiquement. Le « Pitoyable » s’élance, son gouvernail frémit à nouveau sur la vague.

Me penchant sur les cartes, je choisis le meilleur endroit où faire escale pour réparer. Soudain, j'entends des bruits étranges. Quelque chose crépite sur le pont. Alarmé, je me lève et vois un terrible tableau : le bout qui retient notre cerf-volant s'est emmêlé au guindeau et, tout effiloché, ne tient plus, pour ainsi dire, qu'à un fil.

Branle-bas ! Tout le monde sur le pont ! commandé-je.

Lom et Fuchs rappliquent aussitôt et, là, tous au garde-à-vous, attendant mes ordres.

Mais que leur ordonner ? Ici, vous le comprenez bien, il s’agissait de faire un nœud au bout. Mais le vent s’étant renforcé, le bout est tendu comme la corde d’un violon, et tentez donc de faire un nœud à une corde de violon !

« Tout est fini, pensé-je ». Mais alors, la force gigantesque de Lom s’est trouvée ici pleinement justifiée : rendez-vous compte qu’il saisit la balustrade du pont d'une main, le bout qui retient le cerf-volant de l'autre, donnant, en contractant ses biceps, assez de mou afin que je puisse faire un nœud…

- Tenez bon ! ne lâchez sous aucun prétexte ! lui crié-je.

Mais soudain, une bourrasque inattendue nous frappe de l'arrière, le cerf-volant tressaille, et, d’un coup, la balustrade s’envole comme un confetti un jour de carnaval, emportant Lom et le cerf-volant dans les nuages. Et je l’entends à peine me crier : - A vos ordres, capitaine, je tiens bon !

Ahuris, Fuchs et moi le suivons du regard jusqu’à le perdre de vue, tel un tout petit point noir brillant dans le lointain. C’est ainsi que notre bel et brave camarade Lom nous abandonnait de nouveau, au cœur de l’océan...

1- Espars : Longues pièces de bois faisant office de mât, bôme, vergue, etc.
2- Un bout (prononcé « boute ») désigne, de façon générale, un cordage sur le navire. La tradition perdure de nos jours, conduisant à l'aphorisme: « sur un bateau il n'y a qu'une seule corde : celle de la cloche ».