A. Nekrassov – Le capitaine Wrounguel Chapitre 18a

Andreï Nekrassov - Андрей Некрасов
Les aventures du capitaine Wrounguel
Приключе́ния капита́на Вру́нгеля
Chapitre XVIII - De profundis
Premier épisode - Пе́рвый эпизо́д
Глава́ XVIII : са́мая печа́льная, так как в ней «Беда́» ги́бнет, на э́тот раз уже́ безвозвра́тно
И вот на тре́тий день по но́су у нас откры́лась земля́ Страны́ восходя́щего со́лнца. В бино́кль ви́дно: порт, входны́е зна́ки, го́род на берегу́… Зайти́ бы, коне́чно, неду́рно, но я, зна́ете, реши́л воздержа́ться, не пошёл. Там вообще́-то иностра́нцев не о́чень ла́сково тогда́ принима́ли, а у меня́, тем бо́лее, ли́чные счёты с господи́ном Куса́ки. Ну́ его к сви́ньям.
Вот я и пошёл сторо́нкой. Иду́. День прошёл — ничего́, а к но́чи пал тума́н. Тако́й тума́н — ничего́ не ви́дно, хоть глаз вы́коли. Со всех сторо́н сигна́лы, гудки́, сире́ны во́ют, звоня́т колокола́… Слы́шу, лети́т на нас быстрохо́дное су́дно. Пригляде́лся, ви́жу — миноно́сец на по́лном ходу́. Я — пра́во на борт. Смотрю́, и он пра́во на борт. Я вле́во, и он вле́во…
И вот, понима́ете, стра́шный уда́р, борта́ затреща́ли, вода́ хлы́нула на па́лубу, и «Беда́», рассечённая попола́м, ста́ла ме́дленно погружа́ться в пучи́ну.
Ну, ви́жу, коне́ц!
— Фукс, — говорю́ я, — бери́те спаса́тельный круг и плыви́те пря́мо на вест. Здесь недалеко́.
— А вы? — спра́шивает Фукс.
— А мне, — говорю́, — не́когда. Вот за́пись ну́жно сде́лать в журна́ле, с су́дном попроща́ться, а гла́вное, мне туда́ не по доро́ге…
— И мне, Христофо́р Бонифа́тьевич, то́же не по доро́ге. Не тя́нет меня́ туда́.
— Напра́сно, Фукс, — возража́ю я, — там всё-таки бе́рег, разли́чные красо́ты, свяще́нная гора́ Фудзия́ма…
— Да что красо́ты! — отмахну́лся Фукс. — Там с го́лоду но́ги протя́нешь. Уж я лу́чше с ва́ми.
И так меня́ тро́нула э́та ве́рность, что я ощути́л прили́в сил. «Эх, — ду́маю, — ра́но панихи́ду петь!» Осмотре́л разме́ры поврежде́ний, доста́л топо́р.
— Авра́л! — кома́ндую. — Все наве́рх! Сна́сти доло́й, руби́ть ма́чту!
Фукс рад стара́ться. Таку́ю энерги́ю прояви́л, что я про́сто удиви́лся. Да и то сказа́ть: лома́ть — не де́лать, душа́ не боли́т.
Ну, и не успе́ли мы огляну́ться, па́льма на́ша уже́ за борто́м. Фукс пры́гнул туда́, я ему́ переда́л ко́е-какие це́нности. Бро́сил спаса́тельный круг, ко́мпас вме́сте с накто́узом, па́ру вёсел, из гардеро́ба ко́е-что…
А сам всё на па́лубе, на «Беде́». И вот чу́вствую, настаёт после́дняя мину́та: корма́ взды́билась, ко́рпус погружа́ется, сейча́с нырнёт…
У меня́ слёзы бры́знули из глаз…

Chapitre le plus dramatique car c’est alors que le « Pitoyable » sombra à jamais
Et voilà que le troisième jour, nous apercevons par la proue les côtes du Pays du soleil levant. Aux jumelles, un port, des panneaux, une ville...
Naturellement, c’était bien tentant d'y accoster, mais, voyez-vous, je décide de m’en abstenir. En général, à l’époque les étrangers n’étaient pas là-bas les bienvenus. Et, de plus, je me dis que j’ai un compte personnel à régler avec le sieur Kézako - que le diable l’emporte !
Alors, je me tiens à distance du rivage. La journée se passe, paisiblement, et la nuit tombe, et, avec elle, s’abat un épais brouillard. Un brouillard si dense qu'on n’y voit goutte. De tous côtés, des sons : des klaxons, des sirènes qui hurlent, des cloches qui sonnent...
J'entends le moteur d’un vaisseau, rapide comme s’il volait vers nous. Je scrute la brume et vois un torpilleur se rapprochant à toute allure. Je vire à tribord et lui aussi vire à tribord. Je vire à bâbord, et il fait de même...
Et puis, rendez-vous compte, il y a un choc terrible. Le bordage se déchire, l'eau envahit le pont, et notre « Pitoyable », se fracture de part en part, commence à couler, à lentement s’enfoncer dans l'abîme.
Et bien, je me dis que c'est la fin des haricots !
- Fuchs, ordonné-je, prenez une bouée et cap à l’ouest : le rivage est là, tout proche.
- Et vous, capitaine ?
- Moi, j’ai autre chose à faire. Je dois d’abord enregistrer l’événement dans le journal de bord, faire mes adieux au « Pitoyable » et… prendre une autre route, celle-là ne me convient pas.
- A moi non plus, capitaine Wrounguel, elle ne me convient pas. Je n’ai pas envie de me retrouver là-bas...
- C’est dommage, Fuchs, car là-bas c’est la terre ferme, de belles choses vous tendent les bras : le mont Fujiyama¹ par exemple…
- Vous parlez de beautés ! Fuchs a un geste de dépit. Le risque de crever de faim plutôt ! Je préfère encore votre compagnie.
Je fus tellement touché par sa loyauté que je me sentis tout revigoré. « Allons, pensé-je, il est encore trop tôt pour entonner le De profundis !² » J'évalue l'étendue des dégâts et je me saisis d’une hache.
— Branle-bas tout le monde ! commandé-je. Qu’on abatte le mât et le gréement !
Fuchs est tout ragaillardi. Il montre une telle énergie que j’en reste surpris. Mais c’est vrai, comme on dit, il est plus facile d’abattre un mur que de construire une maison.
Et bien, avant même de dire ouf ! le palmier qui nous servait de mât est déjà passé par-dessus bord. Fuchs saute dessus et s’y accroche. Je lui passe divers objets de valeur, une bouée de sauvetage, la boussole et son habitacle³, une paire de rames et quelques affaires sauvées de ma garde-robe…
Moi-même toujours sur le pont, je sens que le « Pitoyable » vit sa dernière heure : sa poupe se soulève, sa coque prend l’eau. Mon beau voilier est sur le point de sombrer…
Des larmes en torrent me coulent des yeux...
2- De profundis : psaume récité ou chanté dans les prières pour les morts.
3- L’habitacle (terme de marine) est un habillage de protection situé sur le pont d'un navire dans lequel on trouve le compas et un système d'éclairage.

