A. Nekrassov – Le capitaine Wrounguel Chapitre 21a

Andreï Nekrassov - Андрей Некрасов
Les aventures du capitaine Wrounguel
Приключе́ния капита́на Вру́нгеля
Chapitre XXI - Wrounguel voit double
Premier épisode - Пе́рвый эпизо́д
Глава́ XXI, в кото́рой адмира́л Куса́ки сам помога́ет Вру́нгелю вы́путаться из весьма́ затрудни́тельного положе́ния
Дня три мы гости́ли в Юко́не, са́ми отдохну́ли, да́ли живо́тным отдохну́ть. Ну, а пото́м запрягли́ мы свои́ на́рты и тро́нулись в путь. Юко́н пролете́ли стрело́й, вы́брались в Бе́рингов проли́в и взя́ли курс пря́мо на Чуко́тку.
Запрягли́ мы свои́х рысако́в в после́дний раз и помча́лись пря́мым ку́рсом на Петропа́вловск.
При́были, вы́садились. Ну, до́лжен сказа́ть, при́няли нас великоле́пно. Тут, зна́ете, за на́шим похо́дом следи́ли по газе́там, после́днее вре́мя беспоко́ились, и, когда́ я рассказа́л, кто мы, нас, как родны́х, обласка́ли: ко́рмят, уха́живают, по гостя́м во́дят. Коро́ву мы сда́ли в колхо́з, волчо́нка ребя́там в шко́лу подари́ли… Да что расска́зывать… Век бы там гости́ть, так и то ма́ло.
Но тут, зна́ете, весна́ подошла́, слома́ло льды, и мы затоскова́ли по мо́рю. Как у́тро — на бе́рег - про́сто так посмотре́ть на океа́н.
И вот одна́жды выхо́дим все втроём, прогу́ливаемся. Фукс на со́пку поле́з. Вдруг слы́шу — кричи́т стра́шным го́лосом:
— Христофо́р Бонифа́тьевич, «Беда́»!
Я ду́мал, что случи́лось. А Фукс всё кричи́т:
— «Беда́», «Беда́»!
Взобрали́сь мы к нему́ и, предста́вьте, действи́тельно ви́дим — идёт «Беда́» под все́ми паруса́ми.
Ну, бро́сились в го́род. А там уже́ гото́вятся к встре́че… Мы — на при́стань. Нас пропусти́ли, ничего́. Одна́ко смо́трят уже́ не́сколько недове́рчиво.
Я ничего́ не понима́ю. Как же так, чёрт возьми́! Ведь на мои́х глаза́х «Беда́» пошла́ ко дну. Да что глаза́, глаза́ и обману́ть мо́гут. Но ведь есть соотве́тствующая за́пись в ва́хтенном журна́ле. А ведь э́то как-ника́к докуме́нт, бума́га. И Фукс свиде́тель, а выхо́дит так, что я дезерти́ровал, что ли, с су́дна в мину́ту опа́сности. «Ну, — ду́маю, — подойду́т побли́же, разберёмся».
А подошла́ я́хта — и во́все ста́ло непоня́тно. Смотрю́ — за рулём стои́т Лом, тут же ря́дом — Фукс, шко́товым. А у ма́чты — я и кома́ндую подхо́дом.
«Да тако́го, — ду́маю, — не мо́жет быть! Мо́жет быть, э́то не я?» Пригляде́лся: нет, я. Тогда́ на берегу́ не я? Пощу́пал живо́т: нет, и на берегу́ вро́де я. «Что же э́то, — ду́маю, — раздвое́ние ли́чности, что ли? Да нет, ерунда́ всё э́то, про́сто сон мне присни́лся…»
— Лом, — говорю́, — ну-ка ущипни́те меня́.
А Лом то́же сам не свой.
Одна́ко, зна́ете, ущипну́л, постара́лся так, что я не сдержа́лся, вскри́кнул да́же…
Тут внима́ние собра́вшихся обрати́лось на меня́, на Ло́ма, на Фу́кса. Обступи́ли нас.
— Ну, — говоря́т, — капита́н, мо́жет быть, вы объясни́те созда́вшееся положе́ние?
А «Беда́» ме́жду тем подхо́дит по всем пра́вилам. Вот, зна́ете, кра́нцы1 вы́ложили. Да́ли вы́броску, пристаю́т. Вот э́тот двойни́к мой раскла́нивается, берёт под козырёк.
— Разреши́те, — говори́т, — предста́виться: капита́н да́льнего пла́вания Вру́нгель с кома́ндой. Зака́нчивая кругосве́тный спорти́вный похо́д, при́был в порт Петропа́вловск-Камча́тский.
Пу́блика на при́стани кричи́т «ура́», а я, зна́ете, так ничего́ и не понима́ю.

Chapitre XXI, dans lequel l'amiral Kézako lui-même aide Wrounguel à se tirer d’embarras
Nous sommes restés à Yukon trois jours, nous nous sommes reposés et avons laissé nos animaux souffler.
Ensuite, nous avons harnaché nos montures et repris notre route. Nous avons survolé l’Alaska comme une flèche, atteint le détroit de Béring et, de là, sommes passé en Sibérie.
Après une dernière étape, notre traîneau a directement fondu sur Petropavlovsk au Kamtchatka¹. Enfin nous étions arrivés à bon port.
Et je dois témoigner que nous fûmes magnifiquement accueillis. Là, vous savez, les gens suivaient notre périple dans les journaux, s’inquiétaient de nous ces derniers temps, et quand je leur annonce qui nous sommes, ils nous accueillent comme des frères : hébergés, nourris, aux petits soins, invités chez les uns chez les autres.
La vache, nous l’offrons au kolkhoze² du district et le louveteau aux enfants de l'école...
Que dire ?... Nous aurions pu passer là le reste de nos vies, et plus encore. Mais, voyez-vous, le printemps est arrivé et, avec lui, la débâcle. Nous avons commencé à ressentir l’appel du grand large. Chaque jour, dès le matin, nous allions sur le rivage, simplement pour contempler l'océan.
Et un jour, nous promenant ainsi tous les trois, voici que Fuchs monte sur une butte dominant la mer. Soudain, je l’entends crier d’une voix assourdissante : - Capitaine Wrounguel, l’ « Pitoyable » !
Je me demande ce qui lui arrive. Mais Fuchs continue de crier de plus belle : - « Pitoyable », « Pitoyable » !
Lom et moi le rejoignons et, imaginez, ce que nous voyons : le « Pitoyable » approchant toutes voiles dehors.
Là, vite nous rentrons au port prêts à attendre son arrivée... Sur le quai, on nous laisse passer sans difficulté bien que déjà tous nous observent avec une certaine incrédulité.
Je ne comprends goutte à toute cette histoire. Comment diable est-ce possible ! Après tout, j’avais vu de mes propres yeux, le « Pitoyable » sombrer par le fond. Mais qu’est-ce qu’une paire d’yeux ? Les yeux aussi peuvent nous tromper. Pourtant, j’avais bien rapporté l’événement dans mon journal de bord, noir sur blanc. Et Fuchs, aussi avait été témoin. Et, malgré tout, c’était comme si, en quelque sorte, j’avais déserté le navire au moment crucial...
« Bon, me dis-je, ils vont débarquer et nous verrons bien... »
Mais quand le voilier s’approche, tout se brouille complètement. Je regarde et qui je vois ? Lom debout au gouvernail, et juste à côté de lui, Fuchs, desserrant une écoute³. Et près du mât, je me vois moi, dirigeant la manœuvre.
« Mais c’est pas possible, c’est pas possible ! me répété-je. Peut-être que ce n'est pas moi ? » Je regarde de plus près : mais non, c’est bien moi...
« ...Alors celui-là ici, sur le quai, c’est qui ? » Je palpe ma bedaine : non, on dirait bien que tout ça, en quelque sorte, c’est moi. « C'est quoi ce bazar ? un dédoublement de personnalité ou quoi ? Non, non : c’est du grand n'importe quoi, je dois juste rêver… »
- Lom, pincez-moi ! m’exclamé-je...
Et Lom ne paraît pas non plus lui-même.
Mais, voyez-vous, il m’a tout de même pincé. Si fort que je n’ai pu me retenir de crier…
A ce moment, tous ceux qui se trouvaient sur le quai se retournent vers nous. Les voilà qu’ils se rapprochent, nous entourent.
- Eh bien, s’exclament-ils, capitaine, peut-être pourriez-vous nous expliquer tout ça ?…
Pendant ce temps, le « Pitoyable » accostait dans règles de l’art : disposant ses pare-battages4, jetant ses amarres. Puis voilà que son équipage débarque au grand complet.
Mon double s'incline et salue : - Permettez-moi, dit-il, de me présenter : Christophore Wrounguel, capitaine au long cours. Achevant ici mon tour du monde à la voile, me voici de retour, parmi vous, au port de Petropavlovsk, accompagné de tout mon équipage.
Sur le quai la foule pousse des hourras ! - mais moi, imaginez, je reste sans rien comprendre du tout.
2- Kolkhoze : exploitation agricole collective, dans l'ex-URSS.
3- Sur un voilier, une écoute est un cordage servant à régler la position d'une voile.
4- Pare-battage ou défenses (termes de marine) : éléments (souvent des bouées) utilisés par les navires pour se garantir des chocs, en particulier entre la coque du bateau et le quai.

