Les douze brigands

Les douze brigands (Бы́ло двена́дцать разбо́йников…),
interprété par le Chœur des Cosaques du Don (Хор донских казаков Сергея Жарова)

Les douze brigands­
Бы́ло двена́дцать разбо́йников…

D’après un poème de Nikolaï Nekrassov (Николай Некрасов), 1876/77

Compositeur : Nicolaï Manykine-Nevstrouev (?)
Музыка: Николай Маныкин-Невструев (?)

Crimes et châtiment - crimes et rédemption...

Припе́в:

Го́споду Бо́гу помо́лимся,
Дре́внюю быль возвести́м!
Так в Соло́вках нам расска́зывал
Ино́к свято́й Питири́м.

Жи́ло двена́дцать разбо́йников,
Жил Кудея́р атама́н.
Мно́го разбо́йники про́лили
Кро́ви честны́х христиа́н!

(Припе́в)

[Мно́го добра́ понагра́били,
Жи́ли в дрему́чем лесу́.
Сам Кудея́р, из-под Кие́ва
Вы́вез деви́цу красу́.]*

Днём с полюбо́вницей те́шился,
Но́чью набе́ги твори́л.
Вдруг у разбо́йника лю́того
Со́весть Госпо́дь пробуди́л.

(Припе́в)

Бро́сил свои́х он това́рищей,
Бро́сил набе́ги твори́ть;
Сам Кудея́р в монасты́рь пошёл
Бо́гу и лю́дям служи́ть!

(Припе́в)

Séparateur 3

Refrain :

Prions le Seigneur Dieu,
Proclamons l'histoire ancienne !
Voici ce qu’à Solovki¹ nous a raconté
Le saint moine Pitirim².

Il y avait douze brigands
Et, à leur tête, l’ataman Koudeyar³.
Et ces brigands versèrent
Beaucoup de sang d’honnêtes Chrétiens !

(Refrain)

[Détroussant et volant beaucoup de biens,
Ils vivaient dans une forêt dense.
Koudeyar lui-même, tout près de Kiev
Enleva, dit-on, une jolie fille.]*

Le jour, il profitait de sa maîtresse,
La nuit, il partait faire ses coups.
Quand soudain le Seigneur
Vint éveiller sa conscience.

(Refrain)

Alors il abandonna ses acolytes,
Il cessa ses mauvais coups ;
Et Koudeyar lui-même se fit moine
Pour servir Dieu et les hommes !

(Refrain)

* Cette strophe ne figure pas dans la version interprétée ci-dessus.

___
1. Les îles Solovki (Соловецкие Острова) forment un archipel au nord-ouest de la Russie dans la mer Blanche.
2. Pitirim (Питирим), du nom de l’évêque Pitirim (1645-1698), saint homme qui n’hésitait pas à s’engager à l’édification de ses ouailles et à la conversion des infidèles.
3. Voir explication détaillée ci-dessous.

Comme de nombreuses chansons passées dans le répertoire traditionnel russe, on trouvera des versions plus ou moins longues et… plus ou moins ‘arrangées’ (Lire – en russe).

Pourtant, il s’agit bien (là aussi) d’une œuvre dont on connaît l’auteur des paroles : Le poète Nikolaï Nekrassov. (Même si son compositeur, quant à lui, reste incertain – le nom du compositeur et poète Nicolas Manykine-Nevstrouev (Николай Александрович Маныкин-Невструев) (1869-1920 ?) étant la plupart du temps cité.)

Petites nouvelles russes - Nikolaï Nekrassov
Nikolaï Nekrassov (1821-1877)

A l’origine, un poème de Nikolaï Nekrassov :

Nikolaï Nekrassov (Николай Алексеевич Некрасов) 1821-1877, fut aussi, entre autre, l’auteur des paroles de la chanson ‘La petite boîte (Lire et écouter). Page où figure une courte présentation de l’auteur.

Les paroles de la chanson des ‘Douze brigands’ (Было двенадцать разбойников…) sont directement tirées de son poème A propos de deux grands pécheurs’ (О двух великих грешниках) – Lire (en russe) - , extrait du cycle Pour qui fait-il bon vivre en Russie’ (Кому на Руси жить хорошо) – Lire (en russe) dans son intégralité -, œuvre restée inachevée, sur laquelle l’auteur travailla de 1860 jusqu’à sa mort, en 1877, et qui raconte le voyage de sept paysans à travers le pays afin d’y trouver au moins une personne heureuse.

La parabole des deux grands pécheurs :

Dans la suite du poème de Nékrassov, qui se présente comme une parabole, Koudeyar (Кудеяр), bandit de grand chemin repenti, se retire en ermite dans la forêt. Afin d’expier ses péchés, il se verra confier par un ange la tâche irréalisable, à l’aide de la lame du couteau qui lui avait servi à tuer tant de gens, d’abattre un grand chêne. L’arbre s’effondrera le jour où Koudeyar aura, dans un accès de colère, poignardé un ‘pan’ – un grand seigneur - qui le narguait en se targuant, quant à lui, de n’avoir jamais eu de remords, malgré ses nombreuses cruautés envers ses pauvres gens.

Le poème s’achève sur ces deux strophes :

Petites nouvelles russes - Un vieil ermite
Un vieil ermite russe

То́лько что пан окрова́вленный
Пал голово́й на седло́,
Ру́хнуло дре́во грома́дное,
Э́хо весь лес потрясло́.

Ру́хнуло дре́во, скатило́ся
С и́нока бре́мя грехо́в!..
Го́споду Бо́гу помо́лимся:
Ми́луй нас, тёмных рабо́в!

Séparateur 3

Juste au moment ou la tête du pan sanguinaire
S’écroula sur la selle de son cheval,
L’immense arbre s'effondra,
Et son écho secoua toute la forêt.

L'arbre s’écroula, emportant dans sa chute
Le fardeau des péchés de l’ermite ! ..
Prions le Seigneur Dieu :
Qu’il ait pitié de nous, sombres esclaves !

Séparateur 3

Deux grand pécheurs donc, l’un qui sera pardonné et l’autre envoyé en Enfer :

Si Koudeyar, le bandit de grand chemin, se verra pardonner ses péchés, malgré ses nombreux crimes et sa vie dissolue, le grand seigneur subira un juste châtiment, car ses crimes paraissent impardonnables (‘imprescriptibles’ dirions-nous de nos jours)...

Nous n’épiloguerons pas ici sur la ‘morale’ chrétienne de cette ‘étonnante’ rédemption des péchés en ‘récompense’ d’un crime commis au nom de la Justice divine’. (Lire à ce propos (en russe) l’analyse qu'en donne le philologue Vladimir Melnik (В. И. Мельник)).

Peut-être faut-il mieux y percevoir le germe de la révolte (восстание), voire de la révolution à venir, celle du peuple russe opprimé, marqué par des siècles de servitude et avide de Justice en ce bas-monde ? (Lire en russe : Lit.ukrvory.ru).

Pour en savoir plus (en russe) : "’Des deux grands pécheurs’, analyse d’une légende".

Petites nouvelles russes - L'ataman Koudéyar
L'ataman Koudéyar : 'soi général, soi mort !', illustration d’A. Nojkine (А. Ножкин)

Le légendaire ataman Koudeyar :

ATAMÁN (АТАМА́Н) ; nom masculin (féminin : Атама́нша) – 1. Chez les Cosaques : chef d’une unité administrative / territoriale (village, ferme, etc.) ou au sein de l’armée cosaque. 2. Meneur, chef de gang, leader d’une bande de brigands.

Dans notre ‘épopée’, ici, c’est par la seconde acception du terme qu’il faut comprendre ‘Ataman’.

Koudeyar (Кудеяр) - du persan Khoudāyār « Bien-aimé de Dieu » ou bien signifiant « Le plus fort des sorciers » - est un brigand légendaire, personnage du folklore russe depuis le XVIe siècle. Dans certaines versions on dit même qu’il aurait été le frère du tsar Ivan le Terrible !

Sa légende alors circulait dans toutes les provinces du sud et du centre de la Russie. Il aurait peut-être vécu avant le Temps des Troubles (Смутное Время) précédant l’avènement au trône de Michel Iᵉʳ Romanov, en 1613. Aujourd’hui encore son nom est associé à quelques lieux géographiques de la Vieille Russie (Русь).

On raconte aussi qu’il aurait quelque part dissimulé une partie de ses rapines, et ces trésors sont depuis le XIX° siècle activement recherchés… sans résultat apparemment (à moins que...)

Lire (en russe) à ce sujet : Koudeyar Vasiliévitch et ses trésors.

Petites nouvelles russes - Les douze - Alexandre Blok
Les douze, Alexandre Blok, 1918

Les douze’ d’Alexandre Blok, une réminiscence du poème de Nekrassov ?

Il serait enfin tentant de rapprocher le poème de Nicolaï Nekrassov de celui, écrit en 1918, par Alexandre Blok (Александр Александрович Блок) (1880-1921) : Les Douze’ (Двенадцать) (Lire en russe) où, dans la nuit noire, dans la tourmente et le blizzard douze soldats de l’Armée rouge avancent tels des brigands, pillent, assassinent et se soûlent, ivres d’une liberté « sans croix ni loi », abjurant le vieux monde et la Sainte-Russie.

Mais même si cette réminiscence est parfois évoquée, selon les exégètes ce rapprochement est plus qu’incertain…

Lire en particulier la note (7) in : 'А. Блок: «Жило двенадцать разбойников» (К истории создания поэмы « Двенадцать »)’, Schwarzband Samuel, 1986.

Voici, pour terminer, une version des 'Douze brigands' interprétée par une basse-profonde...

Les douze brigands (Бы́ло двена́дцать разбо́йников…)
soliste Mikhaïl Krouglov (Михаил Круглов)

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