Valse de guerre – Dans la tranchée
Denis Koroliov (Денис Королёв)
Sur des images du film 'La bataille de Stalingrad (Сталинградская битва) de 1949
Dans la tranchée
В землянке
Paroles d'Alexei Sourkov (1941) - Musique de Constantin Listov (1942)
Слова Алексея Суркова (1941) - Музыка Константина Листова (1942)
L'accordéon chante et le soldat se souvient de l'aimée...
Бьётся в тесной печурке огонь,
На поленьях смола как слеза.
И поёт мне в землянке гармонь
Про улыбку твою и глаза.
Про тебя мне шептали кусты
В белоснежных полях под Москвой.
Я хочу, чтобы слышала ты,
Как тоскует мой голос живой.
Ты сейчас далеко-далеко,
Между нами снега и снега.
До тебя мне дойти нелегко,
А до смерти - четыре шага.
Пой, гармоника, вьюге назло,
Заплутавшее счастье зови.
Мне в холодной землянке тепло
От моей (твоей) негасимой любви.
Le feu grésille dans le petit poêle
Sur les bûches la résine s’écoule pareille à une larme
L'accordéon chante dans le gourbi de la tranchée,
Me rappelant tes yeux et ton sourire.
Les buissons ont chuchoté me parlant de toi
Dans les champs enneigés autour de Moscou.
Je veux que tu puisses entendre
Combien ma voix toujours vivante se languit.
Tu es si loin, si loin maintenant.
Entre nous : de la neige, encore de la neige.
Combien il me sera difficile de te rejoindre,
Alors que la mort, elle, n’est qu’à deux pas d’ici¹.
Chante, accordéon, pour contrarier la tempête
Rappelle-moi mon bonheur perdu.
Pour moi, dans cette froide tranchée, je me réchauffe
Pensant à mon (ton)² éternel amour.
2. Selon les versions.
L'histoire de cette valse...
Comme de nombreux écrivains soviétiques (cf. Vassili Grosman), lors du déclenchement de la Grande guerre patriotique (1941-1945), Alexei Sourkov (Алексей Сурков) devient correspondant de guerre. Pris dans la débâcle de l’Armée rouge, en automne 1941, il échappe de justesse à la mort, réussissant à s’abriter puis à fuir en traversant une rivière gelée non loin du village de Kachino (Кашино) situé une soixantaine de kilomètres à l’ouest de Moscou.
Réfugié au fond d’une tranchée, au son d’un accordéon qui jouait, il composa les premières lignes de ce qui deviendra les paroles de cette chanson, mise en musique en février 1942 par le compositeur Constantin Listov (Константин Листов).
Sous les fourches de la censure...
Comme d’autres œuvres de l’époque stalinienne, la chanson, bien que très vite populaire, connut un destin mouvementé, passant sous les fourches de la censure. On demanda à son auteur d’en modifier les paroles, ce qu’il refusa. Les premiers enregistrements furent donc saisis et détruits dans l’été 1942. D’autres se chargèrent de rendre le texte plus ‘optimiste’ et d’éloigner ainsi la mort que l’auteur situe dans ses vers ‘à deux pas d’ici’ (en russe : à quatre pas) : bien trop près pour entretenir le moral des troupes !
Heureusement, après la bataille de Stalingrad (février 1943), la débâche stoppée et les victoires de l’Armée rouge se succédant, la censure ferma les yeux et la chanson put à nouveau être diffusée et connaître par la suite de nombreuses reprises.
***
Interprétée par Vladimir Netchaev (Владимир Нечаев)
Dans le wagon chauffé
В теплушке
Version 'Stalingrad' (1946)
Au lendemain de la Seconde guerre mondiale, la mélodie de la valse 'Dans la tranchée' fut reprise, avec d’autres mots, célébrant Stalingrad : fin 1942, les troupes hitlériennes qui avait pris la ville furent encerclées, assiégées puis défaites par l’Armée rouge en février 1943. Cette lourde défaite marqua un tournant décisif de la Seconde guerre mondiale : l’arrêt définitif de l’avancée allemande.
Vladimir Pétrov (Владимир Петров) en 1949 : 'La bataille de Stalingrad' - Visionner sur Youtube - (Сталинградская битва). Musique d'Aram Khatchatourian (Арам Хачатурян).
Догорает за Волгой закат,
Да по рельсам составы гремят.
И увозят теплушки солдат,
Отстоявших в боях Сталинград.
Над землёю небес океан,
В теплом воздухе пахнет весной.
А в теплушке играет баян,
И поёт старшина молодой.
Русый чуб опустив на гармонь,
Задушевно поёт старшина.
И мерцает в печурке огонь,
И в теплушке стоит тишина.
Старшина с одним парнем дружил,
Вместе ел, вместе пил, вместе спал.
В одной роте три года служил,
Ни в нужде, ни в беде не бросал.
Воевал с ним Карельских лесах,
Били немцев под Тулой зимой.
Вынес друга в бою на руках,
А друг спас ему жизнь под Москвой.
Да не писан для пули закон,
И не едет товарищ назад.
Спит у Волги под холмиком он,
Отстоявший родной Сталинград.
Тёмной ночью сразил его враг,
Схоронил его друг над рекой.
А над городом плещется флаг,
Водружённый гвардейца рукой.
Догорел уж за Волгой закат,
Стих баян, лишь гремят поезда.
А вдали весь в огнях Сталинград -
Нашей славы военной звезда.
А вдали весь в огнях Сталинград -
Нашей славы военной звезда.
Au crépuscule, le soleil s'éteint au-delà de la Volga,
Là, les trains grondent sur les rails.
Et les wagons chauffés emmènent les soldats,
Ceux qui ont défendu Stalingrad dans les combats.
Au-dessus de la terre, l’océan du ciel,
Dans l'air réchauffé on respire le printemps.
L'accordéon joue dans le wagon,
Et le jeune adjudant chante.
Sa mèche blonde frôlant l'accordéon,
L’adjudant chante de tout son cœur.
Et la flamme vacille dans le poêle,
Dans le silence du wagon chauffé.
L’adjudant avait un ami, un brave gars,
Ils mangeaient ensemble, ensemble ils buvaient, partageaient la même couche.
Pendant trois ans, dans la même compagnie,
Ni dans le besoin ni dans le malheur il ne l’a abandonné.
Ils ont livré bataille dans les forêts de Carélie,
Ils ont battu les Allemands près de Toula durant l’hiver.
Il a porté son ami à bout de bras durant le combat,
Et cet ami lui a sauvé la vie près de Moscou.
Les balles ne connaissent aucune loi,
Et le camarade ne reviendra pas.
Il dort à présent au bord de la Volga dans sa tombe,
Ayant défendu Stalingrad, notre chère Stalingrad.
Par une nuit obscure, l'ennemi le tua,
Et son ami l'enterra près du fleuve.
Le drapeau flotte au-dessus de la ville
Hissé haut par la main du soldat.
Déjà le soleil s’est couché par-delà la Volga,
L’accordéon s’est tu, seulement le cliquetis du train.
Et au loin, brillent tous les feux de Stalingrad :
Stalingrad : étoile de notre gloire !
Et au loin, brillent tous les feux de Stalingrad :
Stalingrad : étoile de notre gloire !
Là dans la tranchée humide - Там в землянке сырой… (1957)
Une autre valse, moins célèbre, sur un autre air, raconte le quotidien d’un soldat dans les tranchées. Elle fut composée bien plus tardivement, extrait du film ‘Ekatarina Boronina’ Visionner sur Youtube - 1957. (Екатерина Воронина), réalisé par Isidor Annekski (Исидор Маркович Анненский).
Interprétée par Iouri Pouzyriov (Юрий Пузырёв) 1957
Auteur : Lev Schwartz (Лев Шварц)
Compositeur : Evgueni Dolmatovski (Евгений Долматовский)
Там в землянке сырой
Забываю порой о боях, о войне.
Вспоминаю о том, как стояли вдвоём
Мы с тобой над рекой в тишине...
И сегодня меня от шального огня
Охраняет любовь.
Перед боем солдат вспоминает твой взгляд,
День придёт - мы увидимся вновь...
Я согрею озябшие руки,
И не будет на свете разлуки!
Говорить про любовь не умею,
Не могу объясниться никак...
До рассвета гремит батарея,
Мы идёт по дороге атак,
Озарённый любовью твоею,
Предо мной раступаётся мрак...
Là dans la tranchée humide
Parfois j'oublie les batailles, la guerre.
Je me rappelle comme nous nous tenions ensemble
Au-dessus de la rivière, silencieux...
Et aujourd'hui, l’amour me protège
De ce feu infernal.
Avant le combat, le soldat que je suis, se souvient de ton regard,
Et je sais que le jour viendra où l’on se reverra...
Je réchaufferai tes mains glacées
Et rien au monde ne pourra nous séparer !
Je ne sais pas parler d'amour,
D’aucune façon je ne puis l’expliquer...
La batterie tonne jusqu'à l'aube
Nous avançons sur la route, à l’offensive,
Et éclairée par ton amour
L'obscurité s’écarte devant moi…
n.b. Cette valse porte aussi le titre de ‘La valse d’avant-guerre’ (Довоенный вальс), ce qui peut porter à confusion, vu que (au moins) une autre valse porte le même titre !