Vladimir Vyssotski : Les chevaux capricieux

Vladimr Vyssotski, Les chevaux capricieux (Кони привередливые), 1972

 Vladimir Vyssotski - Владимир Высоцкий

Les chevaux capricieux (1972) Ко́ни привере́дливые

Вдоль обры́ва, по-над про́пастью, по са́мому по кра́ю
Я коне́й свои́х нага́йкою стега́ю, погоня́ю…
Что-то во́здуху мне ма́ло — ве́тер пью, тума́н глота́ю…
Чу́ю с ги́бельным восто́ргом: пропада́ю, пропада́ю!

Чуть поме́дленнее, ко́ни, чуть поме́дленнее!
Вы тугу́ю не слу́шайте плеть!
Но что-то ко́ни мне попа́лись привере́дливые —
И дожи́ть не успе́л, мне допе́ть не успе́ть.

Я коне́й напою́, я купле́т допою́, —
Хоть мгнове́нье ещё постою́ на краю́…

Сги́ну я — меня́ пуши́нкой урага́н сметёт с ладо́ни,
И в саня́х мен́я гало́пом повлеку́т по сне́гу у́тром…
Вы на шаг неторопли́вый перейди́те, мои́ ко́ни,
Хоть не́много, но продли́те путь к после́днему прию́ту!

Чуть поме́дленнее, ко́ни, чуть поме́дленнее!
Не ука́зчики вам кнут и плеть!
Но что-то ко́ни мне попа́лись привере́дливые
И дожи́ть не успе́л, мне допе́ть не успе́ть.

Я коне́й напою́, я купле́т допою́, —
Хоть мгнове́нье ещё постою́ на краю́…

Мы успе́ли: в го́сти к Бо́гу не быва́ет опозда́ний.
Так что ж там а́нгелы пою́т таки́ми злы́ми голоса́ми?!
И́ли э́то колоко́льчик весь зашёлся от рыда́ний,
И́ли я кричу́ коня́м, чтоб не несли́ так бы́стро са́ни?!

Чуть поме́дленнее, ко́ни, чуть поме́дленнее!
Умоля́ю вас вскачь не лете́ть!
Но что-то ко́ни мне попа́лись привере́дливые…
Коль дожи́ть не успе́л, так хотя́ бы — допе́ть!

Я коне́й напою́, я купле́т допою́, —
Хоть мгнове́нье ещё постою́ на краю́…

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Le long de la falaise, au bord même de l’abîme,
Je pousse mes chevaux à grands coups de cravache.
Presque sans pouvoir respirer, je bois le vent, J’avale le brouillard,
Pris d’une joie désemparée de me savoir perdu, perdu, perdu.

Holà, plus lentement, mes chevaux ! un peu plus lentement !
Soyez durs d’oreille, n'écoutez pas mon dur fouet !
Mais que ces chevaux sont capricieux !
Je n’ai pas eu le temps de vivre plus longtemps,
Ni n’aurai le temps de terminer ma chanson.

J'abreuverai mes chevaux, je finirai mon couplet,
Juste un instant encore, au bord de l’abîme...

Et je disparaîtrai : l’ouragan me balaiera
comme une plume sur la paume de la main,
Et au matin dans la neige, en traîneau,
Au grand galop, ils m’emporteront...
Marchez au pas, plus lentement, mes chevaux.
Au moins encore un peu, prolongez le chemin
Qui conduit vers le dernier refuge.

Holà, plus lentement, mes chevaux ! un peu plus lentement !
Ni cravache, ni fouet ne sont vos maîtres !
Mais que ces chevaux sont capricieux !
Je n’ai pas eu le temps de vivre plus longtemps,
Ni n’aurai le temps de terminer ma chanson.

J'abreuverai mes chevaux, je finirai mon couplet,
Juste un instant encore, au bord de l’abîme...

Déjà nous y sommes :
Chez Dieu les hôtes se doivent d’être à l’heure.
Mais pourquoi les anges chantent-ils d’une voix si méchante ?
Ou bien est-ce la cloche qui, murmurant, sanglote ?
Ou moi qui crie à mes chevaux de ralentir le pas ?

Holà, plus lentement, mes chevaux ! un peu plus lentement !
Je vous supplie : ne volez pas au grand galop !
Mais que ces chevaux sont capricieux !
Si je n'ai pas le temps de vivre plus longtemps,
Qu’au moins je puisse terminer ma chanson !

J'abreuverai mes chevaux, je finirai mon couplet,
Juste un instant encore, au bord de l’abîme...

Petites nouvelles russes - Высоцкий - Кони привередливые
Vladimr Vyssotski – Les chevaux capricieux

Il s’agit là, peut-être, du texte de Vissotsky ayant donné lieu au plus grand nombre d’analyses et d’interprétations. De nombreux critiques littéraires s’y sont essayés, chacun tentant d’en décrypter le sens profond ainsi que ses nombreuses références intertextuelles.

Pour en savoir plus en russe : Андрей Скобелев, « "Кони привередливые" в поле интертекстовом », 2009 : www.academia.edu.

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