Le blocus de Léningrad – Annexe – Les chats du Blocus

Petites nouvelles russes - Les chats du Blocus
Les chats du Blocus de Leningrad - © Даша Ожерельева - Ridus.ru

Annexe 5

Les chats du Blocus

A Svetlana W., pour son amour des chats et de Saint-Pétersbourg.

Les chats de Saint-Pétersbourg Eliceï et Vassilissa

Vassilissa et Eliceï, les chats propitiatoires de Saint-Pétersbourg :

On peut voir à Saint-Pétersbourg, rue Malaya Sadovaya (Малая Садовая ул.) deux petites statues de bronze perchées sur des corniches, l’une en face de l’autre. La première est celle du matou Eliceï (Кот Елисей), la seconde celle de la chatte Vassilissa (Кошка Василиса). Elles auraient été érigées, dit-on, à la mémoire des chats du Blocus, qui concoururent, à leur manière, à sauver la Ville. Sculptées par Vladimir Petrovichev (Владимир Алексеевич Петровичев), ces deux adorables figurines furent installées en l’an 2000.

Petites nouvelles russes - Eliceï cambriolé
Le chat Eliceï cambriolé

La légende urbaine veut que si vous jetez une pièce sur le piédestal sur lequel est perché le chat Eliceï, et que celle-ci ne retombe pas, la fortune vous sourira. Depuis, certains n’hésitent pas à grimper tout là-haut - à une hauteur de cinq mètres quand même ! -, pour récupérer le ‘magot’. On dit même que des ‘hooligans’ auraient tenté de subtiliser le matou, sûrement pour profiter des bienfaits de l’animal sans débourser un kopeck. Mais Eliceï, et sa consœur Vassilissa, tiennent bon et veillent au grain : que les ‘monte-en-l’air’ ne s’y trompent pas : si un chat sait toujours retomber sur ses pattes, pour ceux-là la chute pourrait s’avérer plus rude !

Lire (en russe) et voir la vidéo : 'À Saint-Pétersbourg, le chat Elicéï a de nouveau été cambriolé'.

On peut entrapercevoir également, rue des Compositeurs (ул. Композиторов), un autre matou qui se blottit là été comme hiver. Le ‘monument’ (pas bien grand non plus), consacré ‘à la mémoire des chats du Blocus de Leningrad’ (в память о кошках Блокадного Ленинграда), est une création de la sculptrice Natalia Rysseva (Наталья Рысева), inaugurée en 2016.

Le chat de la rue des Compositeurs, ‘à la mémoire des chats du Blocus de Leningrad’

Petites nouvelles russes - Le Blocs de Leningrad - Rats alliés des nazis
Les rats alliés des nazis

Les rats du Blocus :

Dès les premiers mois du Blocus de Leningrad, alors que les réserves alimentaires s’étaient taries, les habitants affamés mangèrent tout ce qui rampait, volait, aboyait et miaulait. Mais bientôt un nouveau fléau s’abattit : des hordes de rats envahirent la ville, se nourrissant de tout ce qu’ils trouvaient, s’attaquant même aux dépouilles humaines, laissées sans sépulture dans les rues. Bientôt les rats devinrent aussi une menace pour les vivants, sans compter les risques d’épidémies dont ils pouvaient être vecteurs.

Et pendant que les défenseurs héroïques de Leningrad résistaient face à l’envahisseur nazi, rien ni personne ne semblait pouvoir contenir ces légions de rongeurs affamés.

Une survivante du blocus se souvient : « On tirait sur les rats, nos soldats tentaient de les écraser sous les chenilles de leurs tanks, mais rien n’y faisait... C'était un ennemi organisé, intelligent et cruel... »

Petites nouvelles russes - La 'division miaou' de Yaroslavl
La 'division miaou' de Yaroslavl

Quand la division ‘miaou’ de Yaroslavl vient à la rescousse :

Au printemps 1943, après une première percée – partielle - du Blocus, le Conseil de la Ville (Ленсовет) publia un décret afin d’acheminer à Leningrad, par l’unique voie de chemin de fer traversant le Lac Ladoga pris par les glaces, plusieurs wagons de chats originaires de Yaroslavl¹ (Ярославль). Dès leur arrivée, certains de ces attrapeurs de rats furent relâchés directement, d’autres remis aux habitants de la ville.

On a rapporté qu’à Leningrad, en janvier 1944, un chaton coûtait 500 roubles alors que le prix d’un kilogramme de pain, quand on en trouvait, était de 50 roubles, et le salaire d’un concierge 120 roubles par mois.

Les chats de cette première escouade - ‘la division miaou’ «мяукающая дивизия» comme elle fut surnommée avec humour - s’acquittèrent au mieux de leur tâche mais leur nombre restait insuffisant pour débarrasser entièrement la ville de l’envahisseur.

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1. Yaroslavl : ville située à près de 700 kilomètres de Saint-Pétersbourg.

Les chats qui sauvèrent Leningrad
(en russe - sous-titrage possible en français)

La mobilisation décisive des chats de Sibérie :

Dès la fin des hostilités, un nouvel ‘appel aux chats’ (Кошачий призыв) fut lancé. Ce furent alors environ 5 000 chats que l’on rapporta de Sibérie - d'Omsk, de Tioumen et d’Irkoutsk. C’étaient de solides mistigris (мурки) sibériens, bâtis pour terrasser les rats les plus féroces.

Petites nouvelles russes - Tioumen- Le carré des chats du Blocus
Tioumen- Le carré des chats du Blocus

De nos jours, dans la ville de Tioumen (Тюмень), en Sibérie occidentale, à plus de 2 600 kilomètres de Saint-Petersbourg, on peut visiter le ‘Carré des Chats sibériens’ (Сквер сибирских кошек), inauguré en 2008. Sur cette place, située en centre-ville, plusieurs plates-formes se dressent, sur lesquelles trônent des sculptures dorées de chats qui scintillent de mille feux, ainsi qu’une plaque commémorative en l’honneur de ces ‘héros sibériens’ qui délivrèrent Leningrad du fléau des rats.

Petites nouvelles russes - Les chats du Blocus - Chats de Sibérie
Chats de Sibérie
Мильоны — вас. Нас — тьмы, и тьмы, и тьмы.
Попробуйте, сразитесь с нами!
Да, скифы — мы! Да, азиаты — мы,
С раскосыми и жадными очами!

Vous êtes des millions. Nous, nous sommes des nuées et des nuées encore.
Essayez seulement de vous mesurer à nous !
Oui, nous sommes des Scythes, des Asiatiques
Aux yeux bridés et avides !

(Extrait du poème ‘Les Scythes’ d’Alexandre Blok (1918) (Александр Блок, Скифы - отрывок))