Le blocus de Léningrad – Cet été-là. 4

Petites nouvelles russes - Blocus de Léningrad - dessin d'enfant Leningrad sous les feux des projecteurs
Dessin d'enfant : Léningrad sous les feux des projecteurs de la défense anti-aérienne

Ничего не могу забыть – Je ne peux rien oublier

То далёкое лето (4) Cet été-là

В городе жарко, душно. Ни облачка, ни дождичка. Асфальт продавливается от каблуков. Нагретые за день воздух, дома, крыши, камни долго хранят тепло, а вечер не приносит заметного облегчения. Вечернее солнце заглядывает в заклеенные бумажными полосками окна ленинградских квартир, и отражённый от стёкол красноватый свет усиливает впечатление неспадающей жары. Целыми днями мы слонялись по улицам, изнывая от духоты, от свалившейся на нас свободы и неприкаянности. Мама была мобилизована на оборонительные работы и недели две - три (они показались нам очень долгими) даже не приезжала домой. В ленинградских пригородах копали траншеи, противотанковые рвы, строили доты, ставили рельсовые и бетонные заграждения.

Папа был на казарменном положении и проводил в институте все дни. Когда он оставался на вечерние или ночные дежурства, к нам приезжала бабушка Женя. Она занималась хозяйством. А мы ходили за продуктами в ближайший магазин, который находился в «Доме помещика» — так почему-то все тогда называли «Стрелу» на Измайловском 1 - avenue Izmaïlovski. Покупали самое необходимое, не делая никаких запасов. Постепенно магазины сталипустеть, но на верхних полках довольно долго оставались консервные банки с крабами. Бело-розовые этикетки напоминали о праздниках. И ещё лежали, забытые на время, пирамидки пачек с панировочными сухарями.

По радио каждый день передавали сводки о тяжёлых боях. Враг приближался к городу, но нам казалось, что не сегодня-завтра всё переменится, и жизнь пойдёт прежним чередом. Но дни проходили, а ритм сбившейся жизни не восстанавливался, становился всё тревожнее и напряжённее.

Когда вернулась с оборонительных работ мама, в городе уже шла эвакуация заводов, учреждений, школ, детских садов. Уезжали также многие семьи — кто на поезде, кто на баржах.

Petites nouvelles russes - Blocus de Léningrad - Enfant devant une fenêtre
Дмитрий Петрович Бучкин, Остался один, 1970

En ville il faisait chaud, étouffant même. Il n’y avait pas un nuage, pas une goutte d’eau venue du ciel. L’asphalte collait aux talons. Le jour, l’air, les maisons, les toits, les pierres, emmagasinaient la chaleur et le soir n’apportait aucune fraîcheur. Sur les façades des appartements de Léningrad, le soleil couchant venait lécher les vitres sur lesquelles on avait collé des bandes de papier¹. A l’intérieur, ses reflets rougeâtres renforçaient encore la sensation de chaleur persistante.

Toute la journée nous déambulions dans les rues, souffrant de la canicule, du désœuvrement, au milieu de l’agitation ambiante. Maman avait été mobilisée au service de la défense civile et pendant deux ou trois longues semaines (qui nous parurent interminables), elle ne rentra même pas à la maison. Dans les banlieues de la ville on creusait des tranchées, des fossés antichars, on élevait des barricades faites de rails et de béton.

Papa était soumis au casernement sur son lieu de travail. Il passait toute la journée à l’Institut. Quand il était de garde, le soir ou la nuit, grand-mère Génia venait chez nous. Elle s’occupait de la maison.

Nous faisions nos courses dans le magasin le plus proche, situé dans la ‘Maison du hobereau’ – mais que tous appelaient ‘la Flèche’ -, avenue Izmaïlovski 1 - avenue Izmaïlovski. Nous n’achetions que le strict nécessaire, sans faire aucune réserve. Les magasins se vidaient peu à peu mais il restait encore sur les étagères du haut des boîtes de crabe. Leur étiquette rose et blanche, nous rappelait les repas de fête. On y trouvait aussi, comme oubliées par le temps, des pyramides de paquets de chapelure.

La radio diffusait chaque jour des bulletins sur les combats et leur violence. L’ennemi se rapprochait mais nous, les enfants, nous imaginions que tout redeviendrait comme avant et que jamais - ni demain, ni un autre jour -, nos vies ne basculeraient. Mais les jours passaient et la vie d’autrefois ne revenait pas, au contraire elle devenait de plus en plus critique et angoissante.

Quand maman revint de son service à la défense civile déjà on évacuait les usines, les institutions, les écoles, les jardins d’enfants. De nombreuses familles, également, quittaient la ville, soit en train soit en barge².

___

1. On jugeait alors qu'en cas d'explosion, le verre ainsi tenu par des bandes de papier, disposées en croix de Saint André, se fissurait tout en restant solidaire, plutôt que de se briser en s’éparpillant en de multiples fragments susceptibles de blesser les personnes.

2. Par le cours de la Néva. Voir carte B - La néva.