Le blocus de Léningrad – Mon frère 4

Petites nouvelles russes - Blocus de Léningrad - Dessin d'enfant - souvenir éternel
Dessin d'enfant : souvenir éternel

Ничего не могу забыть – Je ne peux rien oublier

Мой брат (4) Mon frère

Мы так устали и измучились, что вскоре легли спать. А Юре, оказывается, оставался всего час жизни. Когда погасили коптилку, и тяжёлый сон свалил нашу семью, Юра прерывисто вздохнул несколько раз... и его не стало. Утро следующего дня вспоминаю как страшный сон. Мама кричала, сжимая кулаки и раскачивая головой. Больше всего её потрясло, что к смерти сына она осталась «бесчувственной».

— Какая же я мать,— исступлённо повторяла она,— у меня умер сын, умер мой ребёнок, а я ничего не чувствую и даже не могу плакать.

Мы подавленно молчали — плакать тоже не могли.

Потом мама и тётя Тая, завернув тело брата в одеяло, положили его на санки и оставили в коридоре, рядом с умершей двоюродной сестрой. В тёмной прихожей тётя Тая резко сказала, что если в ближайшие дни мы не заберём Юру, то она вынесет его во двор. Мама поспешно заверила, что через день-два папа перевёзет тело Юры домой. Умер мальчик. Он был добрым, любил природу, был очень музыкально одарён. Теперь лицо его закрыто одеялом, а тело и руки перевязаны жёсткой верёвкой.

В дверях последний раз мы оглянулись и уже втроём, молча, стали спускаться по лестнице. Но когда мы вышли на улицу, мама повернула не к своему дому, а в противоположную сторону. У неё были сухие воспалённые глаза и застывшее лицо.

Petites nouvelles russes - Blocus de Léningrad - Garçon en chemise à carreaux
Калуст Мовсесян, Мальчик в клетчатой рубашке, 1988

Nous étions si fatigués, si exténués, que nous nous couchâmes presque immédiatement. Youra, mon frère, n’avait plus qu’une heure à vivre. Quand la lampe à pétrole s’éteignit et alors qu’un lourd sommeil accablait toute notre famille, Youra après plusieurs spasmes, nous quitta à jamais.

Je me souviens du lendemain comme d’un mauvais rêve. Maman criait, serrant les poings et secouant la tête. Ce qui la bouleversait le plus, ce qu’elle se reprochait, était de rester « insensible » à la mort de son fils.

Quelle mère suis-je donc, répétait-elle frénétiquement. Mon fils est mort, mon enfant est mort et je ne ressens rien, je n’arrive même pas à pleurer !

Nous étions anéantis, sans pouvoir prononcer une parole. Nous non plus n’arrivions pas à pleurer.

Maman et tante Taïa enveloppèrent le corps de Youra dans une couverture, le déposèrent sur la luge et le mirent dans le couloir, près de la dépouille de notre petite cousine.

Dans l’obscurité de l’endroit, tante Taïa déclara sèchement que si nous ne venions pas chercher le corps d’ici quelques jours elle le descendrait dans la cour de l’immeuble. Maman voulut tout de suite la rassurer en disant que papa le ramènerait chez nous d’ici un jour ou deux.

Il était gentil, il aimait la nature et était très doué pour la musique. Maintenant son visage était recouvert d’une couverture et ses mains entravées par une corde rigide. Youra était mort.

En sortant de l’appartement de tante Taïa, nous le regardâmes une dernière fois. Nous n’étions plus que trois à présent. Lentement, en silence, nous descendîmes l’escalier. Quand nous fûmes dans la rue, maman, au lieu du chemin de la maison, nous fit prendre la direction opposée. Ses yeux étaient secs, pleins de douleur, son visage inexpressif, comme pétrifié.