Le blocus de Léningrad – Mon frère 1

Снова одеяла и остальные пожитки погружены на саночки, и мы от Эрмитажа медленно идём к дому. Последнее время я не выходила из бомбоубежища, и, вероятно, потому меня так поразили безоблачное небо и яркое полуденное декабрьское солнце. Мы вышли на площадь — она выглядела сказочной и напоминала царство снежной королевы, где всё занесено белым-белым снегом. Над этим царством — тишина, а все предметы остановились и замерли там, где их охватило ледяное дуновение…

Только в сказке не было заиндевелого троллейбуса с откинутой дугой.

Закинув голову, вдыхая морозный воздух, я всё смотрела на безмятежное небо, на торжественную колонну в центре площади, на зашитую в холст Адмиралтейскую иглу 3 - La flèche de l'Amirauté. У меня закружилась голова, и я чуть не упала в сугроб. В последний раз я оглянулась на площадь, залитую солнечным светом. По ней тянулись вереницы тихих ленинградцев. Закутанные в платки, одеяла, пледы, они двигались медленно, с трудом переставляя ноги и часто останавливаясь. Был слышен скрип полозьев — на санках стояли ведра, бидоны, чайники, наполненные водой из Невы. Везли на санках ослабевших детей, стариков, домашний скарб и покойников. В ту суровую пору детские санки были основным, жизненно необходимым транспортом.

Когда мы прошли площадь, мама разровняла лежащие вещи и предложила мне сесть на санки: «Тогда мы пойдём чуть быстрее». Мы вышли на улицу Дзержинского 4 - la rue Dzerjinski. Брат шёл с большим трудом и часто останавливался. Недалеко от Загородного Юра тихо, ни к кому не обращаясь, произнёс: «Не могу идти». Мама оглядела нас, подняла меня с санок и посадила брата. Мы постояли немного, потом мама сказала, что до дома нам сегодня не дойти и придётся переночевать у тёти Таи. Жила она в переулке Ильича, близ Витебского вокзала 4 - La gare de Vitebsk.

— Переночуем у тёти Таи, — повторила мама, — проведаем всех к тому же. Неизвестно, когда ещё будет такая возможность… А тут одно к одному.

Petites nouvelle russes - Blocus de Léningrad - Dessin d'enfant : Un garçon de Léningrad
Dessin d'enfant : un garçon de Léningrad

De nouveau, nous entassâmes nos couvertures et toutes nos affaires sur une luge, abandonnant l’Ermitage pour regagner à pas lents notre demeure. Depuis un bon moment déjà, je n’avais plus quitté les sous-sols de notre abri et c’est probablement pour cela que la vue du ciel sans nuage au-dessus de Léningrad et l’éclatant soleil de décembre sur les coups de midi me frappèrent autant.

En chemin, nous traversâmes une place qui était d’une beauté féerique. Elle me faisait penser au royaume de la Reine des neiges¹ où tout est recouvert d’un blanc immaculé. Le silence régnait sur ce royaume, et toute chose semblait s’être figée à l’endroit même où le souffle glacial l’avait saisie. Sauf que dans le conte, nulle part il n'était question de trams recouverts de givre et de leurs câbles et trolleys qui pendaient...

Jetant la tête en arrière, je respirais l’air glacé et ne cessais de regarder le ciel serein, la colonne monumentale au centre de la place et la flèche de l’Amirauté 3 - La flèche de l'Amirauté qu’on avait recouverte d’une bâche. Je fus prise de vertige et faillis presque tomber à la renverse sur une congère.

Je contemplai à nouveau cette place illuminée de soleil. Des gens la parcouraient, marchant à la queue leu leu, sans bruit. Emmitouflés dans des châles, des couvertures ou des plaids, ils se traînaient péniblement, posant un pied puis l’autre, s’arrêtant souvent. On entendait le crissement des patins des luges sur lesquelles les gens transportaient des seaux, des bidons, des bouilloires qu’ils s’en étaient aller remplir sur les rives de la Néva prise par les glaces. Ces luges servaient à tout, transportaient tout : barda, enfants trop affaiblis, vieillards… et le corps des défunts aussi. En ces temps effroyables, les luges d’enfant étaient devenues le moyen de transport principal et vital.

Quand nous eûmes dépassé la place, maman mit de l’ordre dans les affaires que nous transportions sur notre petit traîneau, tentant de les aplanir un peu. Elle me proposa de m’asseoir dessus, en disant que ‘cela nous permettrait d’avancer un peu plus vite.’ Mon frère, quant à lui, marchait péniblement et s’arrêtait souvent. Un peu plus loin, sortant de la rue Dzerjinski², non loin de l’avenue Zaragodni 4 - l'avenue Zaragodni, Youra, sans s’adresser à quelqu’un en particulier murmura : « J’en peux plus... » Maman nous regarda, lui et moi. Elle me fit alors descendre de la luge et y assit mon frère. Nous restâmes là un moment sans plus avancer.

Maman nous dit peu après que nous n’arriverions pas chez nous avant la tombée du jour³. Elle proposa d’aller passer la nuit chez tante Taïa qui, à l’époque, habitait près de la gare de Vitebsk 4 - La gare de Vibesk, allée Ilitch.

– Nous dormirons chez tante Taïa, et comme ça aussi nous prendrons des nouvelles de tout le monde. D’ailleurs, c’est le moment ou jamais ! à savoir si nous en aurons à nouveau l'occasion...

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1. Conte de Hans Christain Andersen (1844). Célèbre en Russie (bien avant que chez nous) grâce à un long métrage d'animation soviétique de Lev Atamanov datant de 1957. Voir en version originale sous-titrée en français.

2. Aujourd’hui, elle a retrouvé son nom d’avant la Révolution d’octobre : rue Gorokhovaïa.

3. Saint-Pétersbourg est situé au niveau du cercle polaire arctique. En décembre le jour ne dure que quelques heures.