Le blocus de Léningrad – La maison d’enfants 7

Petites nouvelles russes - Blocus de Léningrad - Devant le poêle
Enfants rassemblés devant le poêle

Ничего не могу забыть – Je ne peux rien oublier

Детский дом (7) La maison d'enfants

Потом вышла на середину комнаты моя подруга Лена и очень медленно, чуть задыхаясь, прочла детские стихи о лохматом щенке. Все внимательно слушали. За нею мальчик начал читать стихи Пушкина «Буря мглою небо кроет...», но через несколько строк запнулся и замолчал. Мы стали потихоньку подсказывать. Мальчик молчал. Не поднимая головы, он сидел неподвижно, ничего не видя и никого не слыша. В спальне вдруг стало тихо-тихо. Время как бы остановило на минуту свой ход для мысленного возвращения и прощания с прежней, теперь уже безвозвратно прошедшей, довоенной жизнью. Ещё немного, и, казалось, станут слышны частые и слабые биения маленьких сердец. Ещё секунда, и, казалось, зазвучит из неведомого тонкий и печальный звук.Николай встал. Обвёл взглядом притихших ребят.

— Хотите я вам песню спою?

Все молчали. На этом самодеятельный концерт закончился.

В дверях появились Толя с братом. Ребята поднялись и обступили их со всех сторон. Мальчики сказали, что пойдут бить фашистов на фронт. Валя, не сводившая с Николая глаз, робко дотронулась до рукава его гимнастёрки: — А девочки могут пойти на фронт медсёстрами?

Прощаясь с ребятами, Николай и Толин брат поблагодарили за рисунки и обещали, что обязательно передадут их своим товарищам.

— А теперь — получайте наши подарки!

На столе появились две банки сгущённого молока и несколько кусков сахара. — Мы скоро вернёмся! — крикнул Толин брат, и, помахав нам, они скрылись за дверью.

Petites nouvelles russes - Blocus de Léningrad - Dessin d'enfant - un soldat
Dessin d'enfant : un soldat

...Puis ce fut mon amie Léna qui s’avança très lentement jusqu’au milieu du dortoir. Le souffle court, elle récita le poème du chiot au poil ébouriffé. Tout le monde l’écouta attentivement.

Après elle, vint le tour d’un garçon qui commença à déclamer le poème de Pouchkine « Ciel de brume ; la tempête tourbillonne...»¹ mais au bout de quelques vers il s’embrouilla et s’arrêta. Nous tentions de lui souffler, tout discrètement, mais le pauvre garçon restait coi. Il s’assit, tête baissée, immobile, ne voyant plus rien, n’entendant plus personne...

Le dortoir était devenu soudainement silencieux. Le temps semblait suspendu, juste pour un instant, pour que nous puissions retrouver mentalement nos vies d’avant-guerre désormais irrévocablement révolues, leur dire adieu. Et dans ce silence, il aurait suffi de peu qu’on n'entendît les battements précipités de nos petits cœurs fragiles. Encore une seconde et il eut semblé que de l’insondable allait sourdre un écho ténu, comme une plainte.

Nicolas se leva. Il jeta un regard sur nous qui l’entourions silencieusement.

Voulez-vous que je vous chante une chanson ? proposa-t-il.

Personne ne répondit... et c’est ainsi que se termina notre petite représentation amateur.

Tolia et son grand frère Victor apparurent à la porte du dortoir. Tous nous nous levâmes et nous pressâmes autour des deux jeunes officiers. Les garçons disaient qu’ils iraient au front combattre les Nazis. Valia, mon amie, qui ne quittait pas Nicolas des yeux, lui demanda en lui tirant timidement la manche :

Et les filles est-ce qu’elles peuvent y aller comme infirmières ?

Avant que de partir Nicolas et Victor nous remercièrent pour les dessins et promirent qu’ils les remettraient à leurs camarades.

– Et maintenant à nous de vous offrir nos cadeaux !

En même temps ils déposèrent deux boîtes de lait concentré et quelques morceaux de sucre sur la table.

Nous reviendrons bientôt ! clama le frère de Tolia en nous faisant un signe de la main, puis tout deux disparurent et la porte se referma...

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1. Alexandre Pouchkine (1799 – 1834), Nuit d’hiver, 1825 : Ecoutez sur Youtube en russe la version interprétée par Oleg Dahl. Et Lire en français la splendide traduction d’Henri Troyat.