Le blocus de Léningrad – Mon frère 6

Petites nouvelles russes - Blocus de Léningrad - Dessin d'enfant - l'offrande au défunt
Dessin d'enfant : l'offrande au défunt

Ничего не могу забыть – Je ne peux rien oublier

Мой брат (6) Mon frère

Квартира встретила нас темнотой и холодом. Водопровод и канализация не работали. Света не было. Радио молчало. Топить печку было нечем. У нас даже не хватало сил разломать мебель, и мы опять стали жечь книги. Через два дня папа привёз на санках тело брата. Мы помогли внести его и положили в маленькой, нежилой теперь, комнате. Папа принёс кусок хлеба и немного каши в жестяной кружке. В тот вечер мы долго не ложились спать. Папа сказал, что теперь он приходить домой, вероятно, не сможет. Жить ему придётся какое-то время в институте.

— Папе нужно беречь свои силы, — пояснила мама. — А, когда он окрепнет, мы опять будем все вместе.

Ася кивнула головой. Я вспомнила, чем закончился наш переход от Эрмитажа к дому, и невольно посмотрела на дверь маленькой комнаты. «Да, папу нужно беречь. Ведь институт находится где-то очень далеко. Вот если бы мы жили рядом!»

Перед сном мы сдвинули кровати и собрали все одеяла. Поверх одеял отец положил ещё своё пальто.

Рано утром папа ушёл в институт.

После смерти брата мама заметно изменилась. Она мало двигалась и почти не выходила на улицу. Большей частью сидела молча у печки, от которой шли слабый свет и призрачное тепло. За хлебом теперь всегда ходила сестра. Она была тем небольшим центром энергии, вокруг которого теплились две жизни — мамина и моя, а было Асе тогда пятнадцать.

Petites nouvelles russes - Blocus de Léningrad - Un appartement dévasté
Художник / Illustration : Валерий Траугот

Nous retrouvâmes notre appartement. Tout y était froid et sombre. L’eau et les canalisations ne fonctionnaient pas. Il n’y avait pas d’électricité. La radio était muette. Nous n’avions rien pour allumer le poêle. Nous n’avions même plus la force de fendre des meubles. Alors nous brûlâmes à nouveau des livres pour tenter de nous réchauffer.

Deux jours plus tard, papa ramena le corps de notre frère sur la luge. Nous l’aidâmes à le monter et nous le plaçâmes dans une petite chambre à présent inoccupée. Papa déposa auprès de lui un morceau de pain et de la bouillie de sarrasin dans une tasse en fer blanc¹. Nous veillâmes tard cette nuit là. Papa nous confia qu’il ne pourrait certainement pas revenir à la maison, qu’il lui faudrait vivre un certain temps à l’Institut.

Papa doit ménager ses forces, nous expliqua maman. Quand il se sentira plus solide nous habiterons à nouveau tous ensemble.

Assia hocha la tête. Quant à moi, me souvenant de la façon dont s’était terminé notre retour à l’Ermitage, quelque temps auparavant, je tournai involontairement mon regard vers la porte de la petite chambre où se trouvait mon frère. « C’est vrai, il faut que papa se ménage car l’Institut se trouve loin d’ici, bien loin. Ah, si nous pouvions vivre plus près ! »

Avant de nous coucher nous accolâmes nos lits les uns aux autres et empilâmes par dessus toutes nos couvertures. Papa y ajouta son manteau.

Au matin, très tôt, il repartit pour l’Institut.

Après la mort de notre frère, maman changea considérablement. Elle bougeait peu et ne sortait presque jamais. La plupart du temps elle restait assise sans rien dire près du poêle où ne brûlait plus qu’un faible feu, diffusant une chaleur illusoire. A présent, c’était Assia qui allait chercher le pain. Elle était devenue cette petite flamme qui éclairait deux vies – celle de maman et la mienne. Pourtant ma sœur n’avait alors que quinze ans.

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1. «… Le lendemain du décès la maîtresse de maison, ayant fait cuire une galette de seigle, la portait au défunt en disant ‘Monsieur mon père, Madame ma mère, voici une galette pour ton déjeuner, tu n’as pas dîné chez moi hier et aujourd’hui tu n’as pas pris de déjeuner’. Le deuxième jour on mettait une tasse d’eau et une crêpe ou bien un morceau de pain près des icônes. Le jour suivant, on donnait le pain au mendiant, et on jetait l’eau par la fenêtre. Et ainsi de suite pendant quarante jours. » in Kremleva, I. A., Les rites funéraires chez les Russes : un lien entre les vivants et les morts, Cahiers slaves Année 1997 1 pp. 132-133 – Source : Portail Persée.