Le blocus de Léningrad – Entre la vie et la mort 2
Ничего не могу забыть – Je ne peux rien oublier
Между жизнью и смертью (2) Entre la vie et la mort
Я дошла до конца 7-й Красноармейской и остановилась у петербургского верстового столба . Когда я в детстве увидела его впервые, то всё расспрашивала, в честь кого поставлена эта пирамида. Верстовой столб был достопримечательностью города и гордостью нашей улицы. Теперь он был наполовину занесён снегом. На Международном, ныне — Московском, проспекте, около Клинского рынка , толпился народ. Меняли вещи, дрова, хлеб и ещё многое другое. Люди стояли, ходили, размахивали руками. Ничего драгоценнее хлеба не было, и за кусок отдавали всё.
За Клинским рынком виднелись развалины кинотеатра «Олимпия» . Пробитые насквозь пролёты, железные балки, торчащая проволока…
Хорошо помню себя около Технологического института. У памятника Плеханову я ненадолго остановилась. День был солнечный, из репродуктора слышалась музыка. Тяжесть, давившая грудь, как будто чуть сдвинулась. Захотелось кому-то пожаловаться на усталость и слабость, но вокруг не было ни одного человека, а мама умерла…
Как-то, незадолго до войны, вошла я в комнату и услышала, как бабушка говорит:
— Что же делать? В конечном счёте, мы все умрём.
— Бабушка, кто умрёт? — спросила я.
— Все.
— Что значит все? Моя мама никогда не умрёт!
Я вся напряглась, ожидая, что ответит бабушка. Бабушка, отвечая, вероятно, более на ход своих мыслей, чем на мой вопрос, спокойно сказала:
— Раз все умрём, то и мама тоже.
Я вцепилась в бабушкины руки и, горько плача, стала умолять: — Бабушка, миленькая, скажи, что мама никогда не умрёт. Скажи, бабушка, скажи...
Бабушка помолчала, потом, поглядев на меня с жалостью, проговорила: — Не умрёт твоя мама, — и сразу же вышла из комнаты.
J’arrivai tout au bout de la rue du 7ième Bataillon de l’Armée Rouge. Là, je fis une halte face à la Borne de Pétersbourg¹ . Enfant, quand je l'avais vuе pour la première fois, j’avais demandé à tout le monde en l’honneur de qui cette pyramide avait bien pu être érigée. Cette colonne était un point de repère dans la ville et la fierté de notre rue. Maintenant, elle était à moitié ensevelie par la neige.
Sur l’avenue Internationale - devenue depuis la Perspective de Moscou -, prés du marché Klinski , les gens se pressaient. Ils faisaient du troc, échangeaient du bois de chauffage, du pain et plein d’autres choses encore. Ils allaient et venaient, marchandaient, gesticulaient. Rien n’était plus précieux que le pain, et pour un seul morceau tous auraient donné n’importe quoi.
Derrière le marché Klinski se dressaient les ruines du cinéma ‘Olympia’ , ses travées à présent à ciel ouvert, ses poutres métalliques disloquées et, partout, des câbles qui pendaient…
Je me souviens d’être passée près de l’Institut technologique. Je m’arrêtai un instant devant la statue de Plekhanov² . La journée était ensoleillée, et les hauts-parleurs diffusaient de la musique. A ce moment-là, c’était comme si la douleur qui m’oppressait se fut quelque peu détournée. J’aurais voulu me confier à quelqu’un, me plaindre, lui dire combien j’étais exténuée et sans force ; mais il n’y avait personne autour de moi et maman était morte…
Peu avant la guerre, je ne sais plus en quelle circonstance, en entrant dans notre salon j’avais entendu grand-mère :
– Que pouvons-nous y faire ? En fin de compte on va tous mourir.
– Qui va mourir ? Avais-je demandé.
– Tout le monde.
– Qu’est-ce-que ça veut dire ? Ma maman, elle, ne mourra jamais !
J’étais tout inquiète, attendant la réponse de grand-mère. Celle-ci, suivant probablement le fil de sa pensée plutôt que de tenter de me répondre, continua calmement :
– Puisque tout le monde doit mourir, alors ta maman aussi.
Saisissant ses mains auxquelles je me cramponnai, je m’étais mise à pleurer et je l’avais suppliée :
– Grand-mère chérie, dis-moi que maman ne mourra jamais. Dis-le-moi, grand-mère, dis–le ! …
Grand-mère s’était tue puis m’avait regardée avec commisération : « Ta maman, elle, ne mourra pas... », et puis aussitôt elle s’était levée et avait quitté la pièce.
1. L'architecte A. Rinaldi est considéré comme le créateur de la vingtaine des 'bornes-verstes' (Верстовой столб) qui jalonnent Saint-Pétersbourg, marquant les routes qui menaient vers les anciennes résidences impériales de Catherine II (Tsarskoïe Selo) et Peterhof . L’auteure parle ici de la borne 3/21 , qui se situe à l’angle de l’avenue de Moscou et de la rue du 7e Bataillon de l’Armée Rouge. (C’est donc dans cette rue que la famille de Xénia habitait.) Pour en savoir plus (en russe) : lire.
2. Statue dédiée à la figure du mouvement social-démocrate russe et international, le philosophe G.V. Plekhanov (Георгий Валентинович Плеханов). C'est l'un des premiers monuments érigés à Léningrad à l'époque soviétique. Voir.