Le blocus de Léningrad – Annexe – Les chats de l’Ermitage

Bien avant tous les événements que nous venons de conter, les Romanov avaient commencé à rassembler une collection d'objets d'art provenant de l'Europe entière, notamment au Palais d’Hiver – devenu depuis partie du musée de l'Ermitage. Pour protéger ces œuvres - en particulier les toiles - des rongeurs, l’impératrice Elisabeth Ière, fille de Pierre le Grand, promulgua en 1745 un oukase afin que l’on ramenât trente des meilleurs chats (de la race Bleue) depuis la ville de Kazan (Казань), située à plus de 1 500 kilomètres de Saint-Petersbourg.

Si, dans les méandres du complexe de l’Ermitage, les descendants de ces chats survécurent aux aléas de l’Histoire, à la chute de l’Empire et à la Révolution d’Octobre, aucun d’entre eux ne réchappa au Blocus : tous disparurent, la plupart mangés. De nos jours, ce sont en majorité les dignes héritiers des chats sibériens (et de Yaroslavl) qui hantent les sous-sols (et parfois aussi les salles d’exposition) du plus grand musée du monde. Leur odeur seule terrorise tout rat assez téméraire qui oserait s’y aventurer.

Plus d’une cinquantaine de ces chats, qui portent fièrement le titre de Chats de l'Ermitage, y sont logés, nourris et choyés par des employés du musée spécialement affectés à cette noble tâche. En 1998, la Journée du chat de l'Ermitage (День эрмитажного кота) a été instituée pour honorer ces sauveteurs et gardiens des chefs-d’œuvre de l’art mondial.

Le musée du Chat de Vsevolojsk :

A Vsevolojsk (Всеволожск), bourgade située à quelques kilomètres de Saint-Petersbourg, se trouve l’adorable musée du Chat (Музей Кошки) où plusieurs de ces animaux estampillés ‘Chats de l'Ermitage’ mènent une retraite paisible. Une exposition leur est consacrée ainsi qu’aux chats de toutes les Russies. Vous découvrirez dès votre arrivée ses façades ornées des plus beaux chefs-d’œuvres (détournés) de la peinture mondiale. Une annexe du musée de l’Ermitage, en quelque sorte.

Pour en savoir (et en voir) plus : visitez le musée du Chat de Vsevolojsk.

Petites nouvelles russes - 'Je t'ai apporté une souris...'
'Je t'ai apporté une souris...'

Dimitri Kouprevitch (Дмитрий Купревич)
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Je t'ai apporté une souris morte…
(Я принёс тебе дохлую мышь...)

Я принёс тебе дохлую мышь.
Вон, на коврике. Можешь потрогать.
Ну чего ты, как дура, кричишь?!
Это мышь, а не сломанный ноготь.

Я с любовью её приволок,
Это так романтично и мило.
Ну куда ты её на совок?!
Съела б сразу, пока не остыла!

Извини, но ты просто балда!
Я полночи в засаде под крышей…
Твой мужчина тебе никогда
Не принёс даже хвостик от мыши!

И вот как мне, простому коту,
На тебя не шипеть и не злиться?
Ладно. Помни мою доброту -
Вон, в углу, ещё дохлая птица.

Je t'ai apporté une souris morte.
Là, sur le tapis. Tu peux la toucher...
Mais pourquoi cries-tu comme une idiote ?!
C'est une souris, pas un ongle cassé.

C’est avec amour que je l'ai capturée,
C'est si romantique et si doux.
Eh bien, pourquoi cette pelle et cette balayette ? !
Mange-la bien vite avant qu’elle ne refroidisse !

Je suis désolé, mais tu n'es qu'une nigaude !
La moitié de la nuit sous le toit j’étais en embuscade...
Ton mari, lui, jamais n’a su t’apporter
Ni même la queue d’une souris !

Et dis-moi : moi, simple chat,
Comment ne pas être bougon et méchant contre toi ?
Allons... Souviens-toi de ma gentillesse.
Dans le coin là-bas, vois aussi cet oiseau mort.

Lire (en russe) d’autres poèmes et aphorismes de cet auteur biélorusse contemporain : Dimitri Kouprevitch (Дмитрий Купревич).

Petites nouvelles russes - Enfant du Blocus
Enfant du Blocus

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Voici enfin un extrait d’un journal d’un enfant de 10 ans écrit durant le blocus : « 3 décembre 1941. Aujourd’hui nous avons mangé du chat en friture. C’était délicieux... » (‘3 декабря 1941 года. Сегодня съели жареную кошку. Очень вкусно...’)

Et voici la réaction à ce petit récit d’un lecteur contemporain sur internet (rédigée en lettres capitales !) :

‘NE MANGEZ EN AUCUN CAS QUELQU'UN QUE VOUS AIMEZ !!!’

(НЕЛЬЗЯ ЕСТЬ КОГО ЛЮБИШЬ НИ ПРИ КАКИХ ОБСТОЯТЕЛЬСТВАХ!!!)

Voilà un conseil fort avisé que prodiguait déjà Victor Hugo à l’ogre de Moscovie ! ☺ (Lire : L'Ogre et la Fée).

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