Le blocus de Léningrad – L’album

Petites nouvelles russes - Blocus de Léningrad - Dessin d'enfants
Le blocus de Léningrad vu par des enfants d'aujourd'hui

Блокада Ленинграда - рассказы
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Le Blocus de Leningrad - récits

Traduits par

Georges Fernandez (2021 - 2023)

Introduction

Le 8 septembre 1941, il y a de cela quatre-vingts ans, commençait le long siège de Léningrad (l’actuelle Saint-Pétersbourg). L’armée allemande, lors de son offensive – l’opération Barbarossa – contre l’Union soviétique, débutée moins de trois mois plus tôt, parvenait, ce jour-là, à encercler totalement la ville. Ce siège, devenu blocus, enferma pendant près de 900 jours les habitants qui n’avaient pu fuir à temps.

Sous les bombardements et les raids aériens incessants, ils allaient devoir affronter la peur, le froid extrême et la famine.

Témoignant de cet épisode moins connu en France que le siège de Stalingrad , voici trois récits qui, chacun à sa manière, évoquent cette terrible période de l'Histoire :

Sur la forme, chaque récit est présenté en petits épisodes afin d’en rendre la lecture plus aisée.

Bonne lecture à vous !

G.F. LogoGeorges Fernandez, septembre 2021 / février 2023 ©

Илья Варшавский — Альбом­

Ilya Varchavsky – L’album

Récit publié en 1991, après le décès de l’auteur.

Первый эпизод - Premier épisode

Petites nouvelles russe - Ilya Varchavsky
Ilya Varchavsky (1908-1974)

Тридцать пять лет тому назад я написал книгу¹.

Теперь она мне кажется очень наивной. Это были путевые заметки ребёнка, пытавшегося смотреть на мир глазами взрослого.

Может быть, это и прельстило редактора издательства, решившего выпустить её большим тиражом.

Авторский экземпляр я подарил с соответствующей надписью моей невесте.

Сейчас у нас эта книжка хранится вместе с другими реликвиями ушедшей молодости.

С ней у меня связано одно воспоминание, о котором я хочу рассказать.

Мой сын перед войной учился в первом классе и имел двух закадычных друзей. Они дружили так, как можно дружить, пожалуй, только в восемь лет, когда знаешь друг друга всю жизнь.

Каждый вечер мы собирались у нас дома и обсуждали кучу проблем.

Особенно нас привлекала космонавтика. У нас был альбом, куда мы зарисовывали все наши идеи и предполагаемые приключения в далёких мирах.

Там был и разрез космического корабля, и вид стартовой площадки, и то, что мы могли увидеть на других планетах: люди с коровьими головами, кошки со змеиным телом и удивительные двуногие существа, у которых рот был прямо на животе.

По воскресеньям мы все катались на лыжах в парке, где рос дуб с дуплом достаточно большим, чтобы привлечь внимание романтиков.

В то время ещё никто не думал о войне и никто не предполагал, что мы станем свидетелями проникновения человека в космос, но я как-то сказал, что если вдруг начнётся война, то тот из нас, у которого в это время будет альбом, должен положить его в дупло, чтобы врагу не стали известны наши планы.

Потом началась война, и дети были эвакуированы из Ленинграда.

1- Несомненно, автор имеет в виду «Вокруг света без билета», написанную в соавторстве с его братом Дмитрием и журналистом Николаем Слепнёвым в 1929 году. Книга на сегодняшний день не найдена в интернете.
Petites-nouvelles-russes - Topor

Il y a trente-cinq ans de cela j’ai écrit un livre¹.

Maintenant, à sa lecture, il me paraît très naïf. C'étaient les notes de voyage d'un enfant essayant de voir le monde à travers les yeux d'un adulte.

C’est peut-être cela qui séduisit l'éditeur et le décida d’en faire une édition grand tirage.

J'en offris un exemplaire dédicacé à ma future épouse.

A présent, nous conservons ce livre parmi d'autres reliques de notre jeunesse passée.

Lié à ce livre et à l’enfance, j’ai un souvenir, dont je voudrais vous parler.

C’était juste avant la Guerre. Mon fils était encore en primaire. Il avait deux amis très proches. Ils étaient copains comme on peut l'être, je pense, seulement à l'âge de huit ans, à cet âge de la vie où on se connaît depuis toujours.

Chaque soir, ils venaient chez nous et, ensemble, nous discutions d'un tas de choses.

Nous étions particulièrement passionnés d’astronautique. Nous tenions un cahier, notre ‘album’, où nous dessinions toutes nos idées et nos supposées aventures dans des mondes lointains.

Il y avait-là, dessinés, la section d'un vaisseau spatial et une vue sur sa rampe de lancement, et aussi tout ce que nous imaginions d'autres planètes : des gens avec des têtes de vache, des chats avec un corps de serpent et d'étonnantes créatures bipèdes qui avaient une bouche sur le ventre.

L’hiver, le dimanche, tous ensemble, nous allions skier dans le parc. Là, il y avait un chêne avec dans son tronc une niche assez large et profonde pour éveiller la curiosité des âmes romantiques.

A cette époque, personne ne pensait à la guerre et personne n'imaginait qu'à l’avenir l’homme irait dans l'espace. Un jour je déclarai que si soudain la guerre devait éclater, alors celui qui détiendrait l’album à ce moment-là aurait le devoir de venir le cacher dans le creux du vieil arbre afin que nos plans ne tombent jamais aux mains de l'ennemi.

Puis quand la guerre commença, la vraie celle-là, les trois enfants furent évacués de Leningrad.

1 - Sans doute l’auteur évoque-t-il là ‘Le tour du monde sans billet’ (Вокруг света без билета) co-écrit en 1929, en collaboration avec son frère Dimitri (Дмитрий Варшавский) et le journaliste Nicolaï Slepnev (Николай Слепнёв). Ouvrage à ce jour introuvable sur le Net.