Le blocus de Léningrad – Des années plus tard 4

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Tcheremenets : Le lac et le monastère

Ничего не могу забыть – Je ne peux rien oublier

Годы спустя (4) Des années plus tard

Шли трудные послевоенные годы. По специальности я работала недолго, сказалось слабое здоровье, и мне пришлось оставить свою профессию... И вот, спустя семь лет после моего блокадного визита к директору, я вновь пришла в институт, где работал папа. Помещался теперь институт не в Соляном переулке, и директора прежнего уже не было. За столом сидел худощавый мужчина в тёмном военном кителе. Он поднял голову и вопросительно посмотрел на меня. Я объяснила причину прихода. «Аудиенция» была краткой. Выслушав меня, директор подписал бумагу, и мы вместе вышли в приёмную. Так я стала работать на той же кафедре, где до последних дней преподавал папа....

Прошли десятилетия. Вырос и стал взрослым сын. От моих родителей его отделяют четыре года войны и тридцать шесть лет мира. Цена этого мира мне, как и каждому ленинградцу, перенесшёму блокаду, хорошо известна.

Я стою у гранитной плиты. На ней всего две даты: 1941—1942. Горит Вечный огонь. Чуть заметное дуновение ветра — и пламя, отрываясь, несколько мгновений мерцает в воздухе. Затем горелка притягивает огонёк, и круг чугунной решётки вновь освещается изнутри. У меня нет их могил, но вот уже сорок лет я думаю о них.

Журнал «Звезда». 1982. №1.С.100-123

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Les années d’après-guerre furent difficiles. Ma santé défaillante m’empêcha de travailler longtemps dans ma spécialité : je dus abandonner mon métier. Un jour, sept ans après ma rencontre durant le blocus avec son directeur, je me présentai à l’Institut où papa avait travaillé. L’Institut ne se trouvait plus sur l’allée Solianoïe¹ et son directeur n’était plus le même. Un homme maigrelet en uniforme sombre, assis derrière un bureau, leva vers moi un regard interrogateur. Je lui expliquai le but de ma visite. ‘L’audience’ fut brève. Après m’avoir écoutée, il apposa sa signature en bas d’une feuille et, ensemble, nous nous rendîmes à la réception.

C’est ainsi que je fus embauchée au sein du même institut où notre père avait enseigné jusqu’à ses derniers jours.

...Depuis, des décennies ont passé. Mon fils a grandi, c’est un adulte maintenant. Quatre années de guerre et trente six ans de paix le séparent de mes parents. Comme tous les habitants de Léningrad qui ont survécu au blocus je sais quel fut le prix de cette paix.

Je me tiens près d'une dalle de granit. Dessus, seulement deux dates : 1941-1942. La Flamme éternelle brûle. Un souffle de vent, à peine perceptible, et la flamme, qui se détache, vacille dans l'air pendant quelques instants. Ensuite, le brûleur l’attire et le cercle de la grille en fonte s’illumine à nouveau en son cœur. Je ne sais quelle est leur tombe, mais depuis quarante ans je pense à eux².

Paru dans le magazine ‘Etoile’. 1982 / Traduction Georges Fernandez, 2021 ©

1. L’Institut se situe depuis les années 1950 rue Ivan Chernykh (улица Ивана Черных, 4)  rue Ivan Chernykh.
2. Le blocus de Léningrad dura 872 jours et fit des centaines de milliers de morts parmi la population civile.