La prophétie – I.8 – Les Voiles écarlates
Алые паруса – Les voiles écarlates
Предсказание (I.8) La prophétie
A la maison, Longren s’occupait de tout : il coupait le bois, ramenait l'eau, faisait chauffer le poêle. Il cuisinait, lavait, repassait le linge et, en plus de tout ça, trouvait le temps de travailler et de gagner de quoi vivre pour deux.
Quand Solène eut huit ans, son père lui apprit à lire et à écrire. Occasionnellement il l'emmenait aussi avec lui en ville, puis, plus tard, il lui permit de s’y rendre toute seule afin d’aller récupérer un peu d'argent à la boutique ou bien d’y déposer quelques jouets. Pourtant cela arrivait rarement : Liss ne se trouvait qu’à seulement quatre miles, mais la route qui y menait traversait la forêt, et dans une forêt beaucoup de choses peuvent effrayer les enfants, en plus du danger réel que Longren gardait à l’esprit, bien que cependant la forêt se situât en lisière des premières maisons.
Ainsi Longren la laissait-il se rendre à Liss seulement par beau temps, le matin lorsque les fourrés silencieux bordant la route, arrosés de soleil, se couvraient de fleurs, afin qu’aucun fantôme ne vienne menacer l’imagination de la fillette.
Un jour, en route vers la ville, Solène s'assit au bord du chemin pour manger un morceau de tarte qu’elle tira de son panier. Tout en grignotant, elle s’amusa à trier les jouets. Deux ou trois d'entre eux étaient nouveaux pour elle : Longren devait les avoir achevés durant la nuit.
Parmi ceux-ci se trouvait un yacht de course miniature. C'était un bateau blanc aux voiles vermeilles, des voiles faites d’une soie dont se servait généralement Longren pour décorer les cabines de petits bateaux à vapeur qu’il destinait à un riche acheteur, amateur de jouets. Ici, apparemment, il n'avait pas dû trouver le tissu approprié pour le gréement du voilier et avait utilisé ce qu’il avait sous la main : des lambeaux de soie écarlate. Solène fut saisie d’admiration : cette couleur joyeuse et ardente brillait tant qu’on aurait dit qu’elle tenait du feu dans sa main.
Un petit pont de bois passait là au-dessus d’un ruisseau qui venait et puis allait se perdre dans la forêt.
"Et si je le mettais un peu dans l'eau pour le voir naviguer, songea-t-elle ; il ne sera pas beaucoup mouillé et puis je l'essuierai..."
Elle s’éloigna légèrement du chemin, au-delà du pont sous les grands arbres, et déposa avec précaution le précieux vaisseau. L’onde claire aussitôt scintilla d’un reflet écarlate. La couleur pénétrante des voiles se dispersa en un rayonnement rose et tremblotant jusque sur les pierres blanches du fond du ruisseau.