La veille – IV.9 – Les Voiles écarlates
Алые паруса – Les voiles écarlates
Накануне (IV.9) La veille
Она [Ассоль] шла чем далее, тем быстрее, торопясь покинуть селение. За Каперной простирались луга; за лугами по склонам береговых холмов росли орешник, тополи каштаны. Там, где дорога кончилась, переходя в глухую тропу, у ног Ассоль мягко завертелась пушистая чёрная собака с белой грудью и говорящим напряжением глаз. Собака, узнав Ассоль, повизгивая и жеманно виляя туловищем, пошла рядом, молча соглашаясь с девушкой в чем-то понятном, как «я» и «ты». Ассоль, посматривая в её общительные глаза, была твёрдо уверена, что собака могла бы заговорить, не будь у неё тайных причин молчать. Заметив улыбку спутницы, собака весело сморщилась, вильнула хвостом и ровно побежала вперёд, но вдруг безучастно села, деловито выскребла лапой ухо, укушенное своим вечным врагом, и побежала обратно.
Ассоль проникла в высокую, брызгающую росою луговую траву; держа руку ладонью вниз над её метёлками, она шла, улыбаясь струящемуся прикосновению. Засматривая в особенные лица цветов, в путаницу стеблей, она различала там почти человеческие намёки — позы, усилия, движения, черты и взгляды; её не удивила бы теперь процессия полевых мышей, бал сусликов или грубое веселье ежа, пугающего спящего гнома своим фуканьем. И точно, ёж, серея, выкатился перед ней на тропинку.«Фук-фук», — отрывисто сказал он с сердцем, как извозчик на пешехода.
Ассоль говорила с теми, кого понимала и видела. «Здравствуй, больной», — сказала она лиловому ирису, пробитому до дыр червём. «Необходимо посидеть дома» — это относилось к кусту, застрявшему среди тропы и потому обдёрганному платьем прохожих. Большой жук цеплялся за колокольчик, сгибая растение и сваливаясь, но упрямо толкаясь лапками. «Стряхни толстого пассажира», — посоветовала Ассоль. Жук, точно, не удержался и с треском полетел в сторону. Так, волнуясь, трепеща и блестя, она подошла к склону холма, склонившись в его зарослях от лугового пространства, но окружённая теперь истинными своими друзьями, которые — она знала это — говорят басом.
Solène avait hâte de quitter le village. Plus elle s’en éloignait, plus elle pressait le pas. Au-delà de Caperna, il y avait des prairies ; derrière les prairies, sur les pentes des collines côtières, poussaient noisetiers, peupliers et châtaigniers.
Au bout de la route, sur un sentier perdu, elle croisa un chien au poil noir et frisé et au poitrail blanc. Le chien, l’œil vif, reconnaissant la jeune fille, aboya timidement et frétilla de tout son corps. Un moment ils marchèrent côte à côte, silencieusement, comme deux vieux complices.
Solène, en regardant les yeux de son compagnon, était fermement convaincue que le chien aurait pu parler s’il n'avait eu quelque bonne et secrète raison de se taire. Remarquant le sourire de la jeune fille, l’animal pencha la tête, remua la queue et courut devant elle. Puis soudain il s'assit et, comme si de rien n’était, se gratta vigoureusement l’oreille mordue par son éternelle ennemie. Enfin, laissant Solène, il repartit d’où il était venu.
Restée seule, la jeune fille s’enfonça dans les hautes herbes éclaboussées de rosée. Elle avançait, frôlant leur inflorescence de ses mains, souriant à leurs caresses. Elle voyait dans les fleurs qui poussaient çà et là, dans le mouvement de leur tige, des attitudes, des postures, des traits, des regards presque humains. Elle n'aurait pas été surprise de voir défiler un cortège de souris des champs, un bal de campagnols ou un hérisson grognon s’amusant à réveiller en sursaut quelque gnome endormi. Et justement, à ce moment-là, un hérisson gris passa devant elle. ''Tut-Tut !'' sembla-t-il klaxonner, comme un chauffeur qui rabroue le piéton imprudent.
Solène avait un mot pour tous ceux et celles qu’elle croisait : ''Bonjour, te voilà bien mal en point'', dit-elle à l'iris violet, rongé par les vers. S’adressant à un buisson qui poussait au beau milieu du chemin, constamment défolié par le manteau des passants : ''Tu devrais rentrer à la maison...'' Et alors qu’un gros hanneton s’agrippait à une campanule, la faisant plier presque à se rompre, Solène conseilla à la fleur : "Secoue-toi donc de ce gros passager !" Et comme de juste, le hanneton s’abattit avec fracas puis s’envola en vrombissant.
Ainsi, le cœur palpitant, Solène s’engagea sur le flanc de la colline. Là, elle s’enfonça dans les broussailles et se retrouva entourée de ses vrais amis qui – elle le savait – murmurent d’une voix grave et profonde. Entre des noisetiers et des chèvrefeuilles, les branches tombantes de grands arbres centenaires rejoignaient le haut feuillage des buissons. Dans la lourde ramure de vénérables châtaigniers s’épanouissaient des cônes de fleurs blanches, leur parfum se mêlant à celui de la résine et à la rosée du matin.
Solène avançait sur un sentier parcouru de racines glissantes, qui descendait d’abord pour remonter plus loin. Elle se sentait ici chez elle. Elle salua les arbres comme on serre la main des gens, c'est-à-dire en secouant leurs larges feuilles. Tout en marchant, elle leur disait, chuchotant tantôt dans sa tête, tantôt de la voix : "Bonjour, bonjour à tous ! Comme vous êtes nombreux, mes frères ! Je dois y aller, frères, je dois vous quitter, je suis pressée ! Ne me retenez pas ! Je vous reconnais, je me souviens de chacun d’entre vous, je vous honore tous...".
Et ses "frères" la caressèrent avec majesté, comme ils pouvaient le faire : de leur feuillage ; et leurs troncs frémirent et craquèrent comme pour lui répondre...