La veille – IV.6 – Les Voiles écarlates
Алые паруса – Les voiles écarlates
Накануне (IV.6) La veille
(…) Не раз, волнуясь и робея, она [Ассоль] уходила ночью на морской берег, где, выждав рассвет, совершенно серьёзно высматривала корабль с Алыми Парусами. Эти минуты были для неё счастьем; нам трудно так уйти в сказку, ей было бы не менее трудно выйти из её власти и обаяния.
В другое время, размышляя обо всём этом, она искренне дивилась себе, не веря, что верила; улыбкой прощая море и грустно переходя к действительности, теперь, сдвигая оборку, девушка припоминала свою жизнь. Там было много скуки и простоты. Одиночество вдвоём, случалось, безмерно тяготило её, но в ней образовалась уже та складка внутренней робости, та страдальческая морщинка, с которой не внести и не получить оживления. Над ней посмеивались, говоря: «Она — тронутая», «не в себе»; она привыкла и к этой боли; девушке случалось даже переносить оскорбления, после чего её грудь ныла, как от удара. Как женщина она была непопулярна в Каперне, однако многие подозревали, хотя дико и смутно, что ей дано больше других — лишь на другом языке.
Капернцы обожали плотных, тяжёлых женщин с масляной кожей толстых икр и могучих рук; здесь ухаживали, ляпая по спине ладонью и толкаясь, как на базаре. Тип этого чувства напоминал бесхитростную простоту рёва. Ассоль так же подходила к этой решительной среде, как подошло бы людям изысканной нервной жизни общество привидения — обладай оно всем обаянием Ассунты или Аспазии, то, что от любви, — здесь немыслимо. Так, в ровном гудении солдатской трубы прелестная печаль скрипки бессильна вывести суровый полк из действия его прямых линий. К тому, что сказано в этих строках, девушка стояла спиной.
Plus d'une fois, toute timide et craintive, Solène passa la nuit sur le rivage, où, jusqu’à l'aube, avec grand sérieux, elle guettait l’apparition du navire aux voiles écarlates. Ces instants n’étaient pour elle que du bonheur. Si pour beaucoup il est si difficile de croire aux contes de fées, pour elle, au contraire, la difficulté eut été de tenter d’échapper à leur pouvoir et à leur enchantement.
A d'autres moments, en y pensant bien, elle s'étonnait d'elle-même, ayant du mal à croire qu’elle pouvait croire à tout cela. Et, - comme lorsque alors elle raccommodait une jupe -, sa vie toute simple et monotone se rappelait à elle. Ainsi, revenant dans le monde réel, c’est avec un sourire qu’elle pardonnait la mer.
Il arrivait parfois que la solitude dans laquelle son père et elle vivaient lui pesât énormément. Mais depuis longtemps elle s’était timidement repliée sur elle-même, et dans ce repli pareil à une ride de souffrance, elle ne pouvait recevoir ni offrir de réconfort.
A Caperna, tout le monde se moquait d’elle. Ils disaient : « Elle est toquée ! », « Elle n’a pas toute sa tête ! » A cela aussi elle s’était habituée. Parfois même ils l’insultaient et c’étaient autant de coups reçus en pleine poitrine.
Comme jeune femme elle n’avait guère de succès. Néanmoins beaucoup soupçonnaient, sans bien savoir quoi, qu'elle avait quelque chose que les autres n’avaient pas : un don, comme une langue étrangère qu’ils ne pouvaient comprendre.
Les hommes du village adoraient les femmes rondes et lourdes, les femmes à la peau grasse, aux mollets épais et aux bras puissants. Ils les courtisaient à coups de grandes taloches dans le dos, en les bousculant comme sur la place du marché. Et leurs sentiments avaient la simplicité ingénue du feulement d’un fauve.
Solène survivait dans ce monde de rustres comme une personne raffinée qu’on aurait reléguée dans une société de sauvageons. Ici, même pour les charmes d’une Belle Hétaïre, l’amour n’était pas chose envisageable. C’était comme si le chant d’un violon s’était égaré au milieu du fracas des tambours et des trompettes qui mènent un régiment à la bataille.
A ce monde-là, la jeune fille préféra simplement tourner le dos…
Каперна - Caperna
Paroles et musique d’Igor Jouk (1989)
Dans cette chanson, inspirée par le texte de Grine, l'auteur - Igor Jouk - rend hommage à toutes les femmes qui travaillent dur. Peut-être peut-on aussi s’imaginer que l’histoire de Solène et des voiles écarlates les ait sorties de la torpeur de leur labeur (au moins quelques-unes d’entre elles !), et qu’elles se soient prises à rêver elles aussi. Qui sait ?...
En tout cas, l'œuvre de Grine continue à inspirer ceux qui la connaissent et s’y intéressent.
Olga Moutouh
У женщин Каперны обвислые бедра и ноги толсты,
И вздутые вены, и красные руки, впитавшие соль.
От женщин Каперны селёдкой разит за четыре версты –
И всё ж эти женщины знали когда-то Ассоль!
Les femmes de Caperna ont les hanches tombantes et les jambes épaisses,
Les veines gonflées et les mains rougies par le sel.
Les femmes de Caperna sentent le hareng à quatre lieues,
Et pourtant toutes ces femmes ont un jour connu Solène !
В угрюмых шаландах лоснится тяжёлый улов,
Намокшие робы, как ёлки, блестят чешуёю,
А берег всё смотрит поверх угловатых голов –
И крыши Каперны окрашены алой зарёю.
Une marée étincelante de poissons alourdit les sombres chalands des pêcheurs,
Dont les cirés mouillés couverts d'écailles scintillent comme des arbres de Noël,
Et la côte au loin regarde leurs têtes angulaires,
Et les toits de Caperna se peignent d'une teinte d’aube écarlate.
У женщин Каперны усталые взгляды и в складку уста,
Их любят хмельные мужья, называя любовью побои.
У стойки фанерной от выпивки скверной в душе пустота –
Но дети Каперны рисуют корабль на обоях!
Les femmes de Caperna ont les yeux fatigués et des plis sur les lèvres,
Elles sont aimées par des maris enivrés qui leur parlent d’amour à coups de taloches.
Autour du comptoir en planche, dans un mauvais alcool, il y a du vide dans leur âme,
Alors que les enfants de Caperna dessinent des bateaux sur les murs !
В угрюмых шаландах лоснится тяжёлый улов,
Намокшие робы, как ёлки, блестят чешуёю,
А берег всё смотрит поверх угловатых голов –
И крыши Каперны окрашены алой зарёю.
Une marée étincelante de poissons alourdit les sombres chalands des pêcheurs,
Dont les cirés mouillés couverts d'écailles scintillent comme des arbres de Noël,
Et la côte au loin regarde leurs têtes angulaires,
Et les toits de Caperna se peignent d'une teinte d’aube écarlate.